Par Jalel MESTIRI Si l'on pousse l'analyse du débat sur les salaires des footballeurs d'aujourd'hui, l'on ne peut se retenir à ce propos d'évoquer l'utilité sociale. Ironie du sort : celle à laquelle s'identifie le footballeur paraît plus appropriée et plus «digne» que celle, par exemple, d'un enseignant-chercheur !... Le football n'est plus seulement une référence de jeu et de terrain, mais aussi et surtout de rémunération et de compte bancaire. C'est le dernier rapport Big 5 Transfer Windoow Analysis, publié récemment par la Fifa qui le confirme. Plus de 4 milliards de dollars dépensés par les clubs dans le monde dans le mercato d'été 2017. Comme à l'accoutumée, les clubs du Big 5 (Allemagne, Angleterre, Espagne, France et Italie) ont joué les premiers rôles, avec 21,2% des transferts entrants, et 77.9% des montants dépensés. Le salaire d'un footballeur ordinaire peut ainsi atteindre 10 fois celui d'un salarié ordinaire. Si la carrière d'un footballeur est, d'après les statistiques quatre fois moins longue, il gagne sur sa courte carrière (10 à 12 ans), le double de ce qu'aura gagné un professeur de l'université en 35 ans, bien sûr si ce dernier parvient au sommet de la hiérarchie universitaire. D'une année à l'autre, l'une des principales singularités du football est la notion de dualisme qui s'introduit de plus en plus dans l'économie du sport. Même si on ne parvient pas à y faire face, il serait quand même impératif d'assurer un certain équilibre pour que l'accroissement exponentiel de l'argent circulant dans le football ne puisse pas masquer une autre réalité ; celle des laissés-pour-compte des footballeurs au faible revenu, ou encore tous ces clubs endettés qui n'arrivent pas à soutenir le rythme et se trouvent marginalisés par rapport à ce qui se fait chez le voisin... Cette réalité, qui manque et qui n'aura jamais de validité empirique, met face-à-face les clubs aux gros budgets de ceux qui manquent de ressources, et particulièrement de bailleurs de fonds et d'investisseurs. Aujourd'hui, la notion de dualisme a pris une plus grande dimension. Elle touche même ce qu'on appelle communément les grands clubs, au moment où certains sont frappés du sceau des dépenses démesurées et effrénées. Lorsque l'on soulève le couvercle du sport tunisien, l'on ne peut se retenir devant le gâchis dans lequel se sont précipités la plupart des clubs. Il y a lieu de pointer du doigt l'émergence et l'accentuation d'un dualisme sur le marché entre deux catégories. Celle des stars et celle des joueurs, certes professionnels, mais ordinaires. Il y a de ces clubs qui ont déclenché une dimension et une pointure que peu d'autres peuvent vraiment suivre, et encore moins atteindre. Les salaires de certains joueurs, ainsi que les montants relatifs aux transferts, ne supportent pas la comparaison. Et si l'on pousse l'analyse du débat sur les salaires des footballeurs d'aujourd'hui, l'on ne peut se retenir à ce propos d'évoquer l'utilité sociale. Ironie du sort : celle à laquelle s'identifie le footballeur paraît plus appropriée et plus « digne » que celle, par exemple, d'un enseignant-chercheur. Il est temps que les obligations de résultats et l'intensité sportives prennent en considération la réalité économique et sociale du pays. Il serait cependant difficile d'imposer une limite aux salaires des joueurs, parce qu'on aura toujours affaire à des hommes et à des pratiques qui pourraient inciter à trouver d'autres formules de transaction forcément douteuses. Des faits regrettables et qui ne sont plus justement isolés. Cela tend à écorner l'image des footballeurs et à banaliser le sport. En fait-on trop avec l'argent ? Chacun a son avis. Ce qui est sûr, c'est que le football est devenu synonyme de dérapages et d'excès. Il est temps de le remettre à sa juste valeur. Il y a de plus en plus de déformation et de glissement qui se revendiquent en toute impunité. Il faut désormais revenir à des comportements plus responsables de la part des acteurs du football.