Par Abel Aziz HALI A en croire l'ONG Gun Violence Archive, depuis le début de l'année 2017, entre incidents et meurtres, l'usage des armes à feu a causé la mort de 11.650 citoyens américains (sans compter les suicides), contre 5.965 en 2016 Les Etats-Unis sont encore sous le choc après la tuerie de Las Vegas, qui a fait jusqu'à l'écriture de ces lignes 59 morts et 527 blessés. Si l'organisation jihadiste Etat islamique (EI) s'est précipitée via son agence de propagande Amaq pour revendiquer ce massacre, selon le FBI, rien ne relie le tireur, Stephen Craig Paddock, un Américain blanc de 64 ans, riche comptable à la retraite, habitué des jeux de hasard, à Daech. Il faut dire que, vraisemblablement, d'après les premiers éléments de l'enquête de la police de Las Vegas (L.V.P.D.), nous sommes devant un amateur d'armes à feu comme en témoigne l'arsenal d'armes dont il était en possession : 42 armes de calibres différents, dont 23 retrouvées dans sa chambre d'hôtel et 19 dans sa maison, ainsi que des milliers de munitions et des explosifs. Tout le monde se pose la question suivante: comment un retraité aisé peut-il commettre un tel carnage et être en possession de tant de fusils d'assaut ? Eh bien, pour la première partie de la question, tous les indices recueillis nous laissent soutenir l'hypothèse d'un déséquilibré mental, dont la passion pour les « guns » l'a poussé à commettre l'attaque la plus meurtrière de l'histoire récente aux Etats-Unis. En revanche, pour la deuxième partie, un doigt accusateur doit être pointé vers le puissant lobby des armes, dont la National Rifle Association (N.R.A.) est le fer de lance. Créée en 1871, la N.R.A. (la plus vieille association de défense des droits civiques des Etats-Unis) est en tête du lobby pro-armes à Washington, qui réunit aussi d'autres influentes associations telles que la National Association for Gun Rights (N.A.G.R.) ou la National Shooting Sports Foundation (N.S.S.F.). Se cachant derrière le bouclier du Second amendement de la Constitution américaine, qui protège le droit des citoyens américains à porter une arme, la N.R.A. et Cie font, depuis des décennies, la pluie et le beau temps au sein de l'establishment américain et, plus précisément, dans le camp du « Grand Old Party » (le Parti républicain). Pilotée depuis 2015 par l'homme d'affaires républicain Allan D. Cors, la N.R.A. est, avec l'American Israel Public Affairs Committee (A.I.P.A.C.), l'une des forces de pression qui pèsent lourdement sur le paysage politique au pays de l'Oncle Sam. Forte du soutien de 5 millions d'adhérents — dont certains sont des célébrités d'Hollywood, à l'instar de Whoopi Goldberg ou Chuck Norris —, et de leurs dons (22 millions de dollars en 2014), la National Rifle Association a su toujours imposer ses diktats aux politiques en injectant chaque année plusieurs millions de dollars (28 millions de dollars en 2014) pour financer les campagnes électorales de mi-mandat des candidats favorables à ses intérêts. Ainsi, ni les larmes d'Obama en 2016 en souvenir des enfants abattus par un déséquilibré mental à l'école de Sandy Hook, ni les 49 morts de la tuerie d'Orlando, n'ont réussi à régler l'épineuse question du contrôle des armes. À chaque fois, la main de la N.R.A. était plus forte au niveau du Congrès américain, que ce soit à la Chambre des représentants ou au Sénat. En revanche, à en croire les statistiques de Gun Violence Archive (association à but non lucratif), depuis le début de l'année 2017, entre incidents et meurtres, l'usage des armes à feu a causé la mort de 11.650 citoyens américains (sans compter les suicides) contre 5.965 en 2016. Voilà un chiffre qui donne froid dans le dos. Rappelons que ces vingt-cinq dernières années, en comptabilisant les victimes de Las Vegas, au moins 240 Américains entre enfants et adultes ont trouvé la mort dans neuf tueries de masse. Malgré ces macabres statistiques, rien ne laisse présager un changement, ne serait-ce que mineur, au niveau de la législation américaine, surtout avec un Donald Trump très proche du lobby du port d'armes. D'ailleurs, le 28 avril 2017, l'actuel locataire de la Maison-Blanche est devenu le deuxième président dans l'histoire des Etats-Unis, après Donald Reagan en 1983, à faire son apparition à la convention annuelle de la N.R.A. pour apporter son soutien aux amoureux des armes à feu. Décidément, dans un pays où les boutiques de vente d'armes sont aussi accessibles qu'un hypermarché, où un retraité aisé peut être en possession d'un arsenal plus garni que celui du poste d'un shérif de comté, avant de passer à l'acte, des gens comme Stephen Paddock pourraient aussi bien crier : «N.R.A. akbar» !