Par Abdelhamid Gmati La collision entre un navire de la Marine nationale et une embarcation de migrants clandestins, survenue dimanche dernier au large de Kerkennah, a été qualifiée par le Chef du gouvernement de « drame national ». De fait, il est regrettable qu'un tel événement ait eu lieu et ait fait des victimes. Il est aussi regrettable que les rescapés et certaines parties, au lieu de saisir ce malheureux drame pour souligner que cette émigration est illégale et qu'elle présente plusieurs dangers, ont plutôt choisi l'occasion pour incriminer la Marine et l'Etat tunisien. Pourtant, les autorités sont vigilantes et empêchent cette migration dangereuse et illégale. Selon la Ftdes, près de 1400 Tunisiens arrêtés pour migration irrégulière (9 premiers mois de 2017). Et l'Organisation internationale pour les migrations indique que le nombre de Tunisiens arrivés en Italie d'une façon non réglementaire était de 2.700 de janvier à septembre 2017.Mais qu'est-ce qui pousse ces personnes (la plupart âgées entre 20 et 30 ans, des jeunes non diplômés au chômage ou dans des emplois précaires) à risquer leur vie ? Massoud Romdhani, président du Ftdes, estime que le désespoir et l'absence de perspectives et d'horizons prometteurs sont la principale raison qui pousse les jeunes à s'aventurer et à émigrer vers l'inconnu dans l'espoir de changer leurs conditions de vie. Il évoque, aussi, les raisons économiques et sociales. Le problème est que ces jeunes finissent par déchanter: au lieu des richesses, de l'argent, du confort, des belles femmes, des voitures et de tous les mirages dont ils rêvaient, c'est la misère, la marginalisation, et les privations qu'ils rencontrent. Et ils sont contraints de verser dans toute action leur permettant de survivre. Plusieurs finissent dans la délinquance et les prisons européennes. Des prisons où des prédicateurs de Daech pratiquent le lavage des cerveaux de ces jeunes immigrants confrontés aux difficultés de la vie pour en faire des combattants de l'Etat islamique. Il est difficile voire impossible de stopper l'émigration, l'être humain ayant toujours et partout chercher à aller voir ailleurs si l'herbe est plus verte. C'est pourquoi, Adel Jarboui, secrétaire d'Etat chargé de l'Immigration et des Tunisiens à l'étranger, a réitéré, jeudi dernier, l'engagement du gouvernement à soutenir la migration « organisée », « sécurisée » et « digne ». Cette migration organisée existe déjà et est pratiquée depuis longtemps. Selon l'Agence tunisienne de coopération technique, le nombre total des coopérants exerçant à l'étranger s'élève à 17.578 coopérants et experts tunisiens au 30 septembre 2017. Et l'Agence enregistre une croissance constante de 11% du nombre des placements réalisés au 30 septembre 2017, soit 1.614 recrutés tunisiens contre 1.452 recrutés en 2016. Il s'agit là de ce qu'on appelle « la fuite des cerveaux ». Cette fuite serait due à la garantie d'un meilleur salaire et d'une meilleure carrière. Mais il y a aussi la situation que connaît le pays depuis plus de 6 ans. Comment retenir ces diplômés ? D'aucuns estiment qu'améliorer l'employabilité des titulaires de doctorat demeure une question cruciale, dans cette conjoncture morose, où la machine économique a besoin de cerveaux pour redémarrer et non de cerveaux en fuite. L'ambassadeur de France à Tunis, Olivier Poivre d'Arvor considère, lui, que « l'idée de penser que l'avenir des étudiants tunisiens c'est d'aller se former ailleurs est une idée désespérante ». Quoi qu'il en soit, il est important d'y accorder une attention particulière et de trouver des solutions pour réduire aussi cette migration, qu'elle soit illégale ou « contrôlée ».