Le fossé entre les municipalités et les citoyens ne cesse de se creuser. Pourtant, certaines travaillent à renouer une relation de confiance avec les habitants. Une tâche qui n'est pas facile, mais qui s'inscrit dans la durée. Comment expliquez-vous cette atmosphère tendue lors de la séance du conseil municipal ? Tout ce que vous voyez comme doute, énergie humaine déployée, pour critiquer même les nouveaux instruments, est le résultat de soixante années de gestion opaque et critiquable. Ça ressemble en quelque sorte à une boîte noire opaque et inaccessible. Ce qui nous pousse à mettre en œuvre de nouveaux instruments, c'est notre volonté d'instaurer une relation de confiance entre le citoyen et l'institution municipale. Parce que la confiance est la clef de voûte de la réussite de l'investissement municipal. Elle s'illustre par un accomplissement du devoir fiscal des citoyens qui n'hésitent plus à payer l'impôt. Et le meilleur instrument c'est celui du «budget participatif». Quel est le principe du budget participatif ? C'est un instrument de codécision. Il est la meilleure façon d'incarner la participation des citoyens dans la prise de décision au niveau des collectivités locales. La décision est axée sur deux volets. Le premier constitue la décision budgétaire qui consiste à ce que la municipalité décide, en toute souveraineté, des montants des lignes budgétaires relatives à l'infrastructure de base : route, trottoir, éclairage public... Ce sont des lignes budgétaires dans lesquelles la municipalité puise pour améliorer le quotidien des citoyens et leur assurer un minimum de bien-être. Ces montants sont fixés suite aux diagnostics établis et sont publiés en toute transparence. Le deuxième volet consiste en la décision des projets programmés. Grâce à un calendrier d'organisation des réunions dans les diverses zones d'habitation, les citoyens sont invités dans des forums pour proposer des projets et retenir ceux qui sont votés et procéder finalement à l'élection de 3 ou 4 représentants —selon la convention de départ— par zone d'habitation. Et comment cet instrument garantit-il la transparence et la représentativité des citoyens ? En effet, les représentants qui seront élus doivent être obligatoirement un homme et une femme, chacun d'eux de plus de 35 ans et des jeunes de moins de 35 ans. Il préconise, également, l'approche du genre. Ces délégués de quartier assurent le suivi des projets retenus, notamment, au niveau des étapes administratives, là où le doute plane généralement. Nous avons commencé à travailler avec cet instrument, depuis la fin de l'année 2013. Actuellement, 19 municipalités réparties sur tout le territoire tunisien en disposent. On est en train de démontrer que c'est le meilleur instrument pour la codécision et la démocratie participative. Si le budget participatif est l'instrument le plus adéquat, alors pourquoi cette crise de confiance patente ? Pour renouer avec la municipalité, les citoyens doivent participer à la prise de décision et suivre, continuellement, l'exécution des projets votés. Il y a des indicateurs de confiance, tels que la collecte des recettes fiscales. Quand la collecte fiscale s'améliore, cela génère un accroissement au niveau des revenus de la municipalité, ce qui implique l'augmentation du budget du développement économique et celui du développement culturel augmente les deux parents pauvres en Tunisie. Quelle sera l'étape suivante, dans la reprise soutenue du travail des municipalités ? En fait, on est confronté à un problème. Notre souci c'est que la Caisse des Prêts et de Soutiens des Activités Locales exige un autre instrument baptisé PAI Plan Annuel d'Investissement qu'elle a créé en 2015 —deux ans après le lancement de notre travail. Elle l'a imposé aux autres municipalités. Nous avons émis de sérieuses critiques ainsi que de sérieux reproches par rapport à cet instrument. Il est techniquement défaillant parce qu'il ne tient pas compte des spécificités de chacune des municipalités. Il est, pratiquement, vidé de tout élément de lutte contre la corruption. Il n'accorde aucune importance à la redevabilité. Actuellement, notre travail est en quelque sorte entravé. La caisse a menacé de ne plus financer les municipalités qui utilisent l'instrument du budget participatif. Ce qui est inadmissible. Selon vous, que faut-il faire pour regagner la confiance des citoyens ? Cette crise de confiance est une maladie. Pour la soigner, il faut disposer des bons remèdes. Il faut également un minimum de temps. Il faut penser aux petites et moyennes municipalités dans les régions de l'intérieur. Je parle des villes où la migration clandestine ainsi que l'extrémisme foisonnent. Le jour où ces jeunes observeront le changement, le jour où les projets élaborés par les municipalités se concrétiseront et lorsqu'ils se sentiront impliqués dans le développement économique ainsi que dans l'éveil culturel de leurs villes, je suis sûr, alors, que ces jeunes-là auront beaucoup plus de courage et de volonté pour rester et s'adonner au travail dans leurs régions. Cela va forcément aider à lutter contre l'exode rural et la radicalisation des jeunes.