Six ans de prison contestés : Saad Lamjarred rejugé en appel    Affaire de corruption : Walid Jalled toujours détenu, procès repoussé    Chute historique : le baril dégringole sous les 60 dollars    Impôts en Tunisie : 5 dates à ne pas rater en mai    Quelle est l'ampleur des déséquilibres extérieurs liés aux Etats-Unis ?    Puissance et conditionnalité: La nouvelle grammaire allemande des relations extérieures    La Tunisie en Force: 19 Médailles, Dont 7 Ors, aux Championnats Arabes d'Athlétisme    Tunisie-Bac 2025 : Dates clés des épreuves du bac blanc et de la session principale    Infrastructures routières : le Parlement examine demain un accord de prêt avec la BAD    Reprise des négociations dans le privé : qui sont les envoyés de l'UGTT ?    CAN U20 – Groupe B – 2e journée Tunisie-Kenya (3-1) : Quel talent et quelle abnégation !    Amy Pope, directrice de l'OIM, en déplacement en Tunisie    Classement WTA : Ons Jabeur chute à la 36e place après son élimination à Madrid    Classement WTA : Ons Jabeur quitte le top 30    Météo en Tunisie : Fortes pluies et orages attendus au Nord-Ouest et au Centre    Syrie : Après L'Exclusion De Soulef Fawakherji, Mazen Al Natour Ecarté Du Syndicat    GAT VIE : Une belle année 2024 marquée par de bonnes performances.    Tragique accident à Bouficha: un camion prend feu, le chauffeur décède sur le coup    ARP : discussion d'une proposition de loi sur le travail des huissiers notaires    Houcine Rhili : amélioration des réserves en eau, mais la vigilance reste de mise    Saïda Garrach : l'Etat juste est celui qui sanctionne, non celui qui justifie    Un séisme de magnitude 4,9 secoue le nord du Chili    Réserves en devises : 22 469 MD couvrant 99 jours d'importation    Aujourd'hui : Une commission parlementaire en visite au port de Radès    À l'approche du pèlerinage, Riyad durcit le ton contre les violations des consignes    FITA 2025 à Tunis les 6 et 7 mai : une opportunité stratégique pour les entreprises tunisiennes à la conquête de l'Afrique    Guerre commerciale : Le Japan hausse le ton et conditionne tout accord avec USA à une révision totale des taxes de Trump    Train Annaba-Tunis : une bonne nouvelle pour les familles et les voyageurs    Trafic international de drogue : un gardien de handball remis en liberté    Lors d'un entretien téléphonique avec le premier ministre Irakien : Saïed appelle à une position arabe unie face à l'occupant sioniste    USA – Trump veut taxer à 100 % les films étrangers : une nouvelle offensive commerciale en marche    Ce que les astres vous réservent ce 5 mai 2025 : une journée sous le signe des choix    Kaïs Saïed réaffirme son soutien à la cause palestinienne lors d'un échange avec le Premier ministre irakien    Foire du livre de Tunis : affluence record, mais ventes en baisse    Stand de La Presse à la FILT: Capter l'émotion en direct    Victoire capitale pour la Tunisie face au Kenya (3-1) en Coupe d'Afrique U20    Tunisie – Affaire de torture à la prison de Bizerte : le ministère de la Justice met fin aux rumeurs    Un nouveau séisme frappe la Turquie    Coupe de Tunisie de Handball : Où voir la demi-finale entre Club Africain et l'Espérance de Tunis ?    Un missile tiré depuis le Yémen s'écrase près du principal aéroport d'Israël    «Mon Pays, la braise et la brûlure», de Tahar Bekri    France : un Prince qatari se baladait à Cannes avec une montre à 600 000 €, ça a failli mal tourner    Le chanteur libanais Rayan annonce sa guérison et rend hommage à la Tunisie    Décès du producteur Walid Mostafa, époux de la chanteuse Carole Samaha    Le Canal de Panama: Champ de bataille de la rivalité sino-américaine    Tunisie : Découverte archéologique majeure à Sbiba (Photos)    Gymnastique rythmique : la Tunisie en lice au Championnat d'Afrique au Caire    La Liga: Le Rwanda désormais un sponsor de l'Atlético de Madrid    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Oreste pourchassé par les Erinyes
Philosophie et psychanalyse
Publié dans La Presse de Tunisie le 27 - 10 - 2017


Par Raouf SEDDIK
Il se peut bien que le destin tragique d'Oedipe ait quelque chose à nous dire sur la psychologie de l'enfant que nous fûmes tous, en ce sens que la vérité des sentiments qui nous animent à cet âge, et au-delà aussi, sont de ceux que la morale proscrit absolument. Mais prétendre que de tels sentiments se résument à cette pulsion criminelle et incestueuse, fût-elle seulement en germe ou inavouée, ou que cette pulsion soit l'élément le plus profondément déterminant dans notre relation à nos parents, cela est une autre affaire : on laissera ici à Freud et ses adeptes, proches ou lointains, la responsabilité d'une pareille hypothèse.
Et l'on voudrait attirer l'attention ici sur une imposture, quand Freud, en invoquant la figure d'Oedipe pour nommer un phénomène en quoi il voit une loi générale de l'âme humaine, se réclame sans le dire d'une autorité à laquelle son époque, on le sait bien, demeure attachée : celle de la sagesse des anciens Grecs et de ses récits.
Rappelons d'ailleurs ici que certains de ses coreligionnaires lui reprocheront d'accorder à la Grèce le privilège de servir de référence, alors que la tradition juive, dont il est issu et qui ne manque pourtant pas de titres de gloire, a été dédaignée par lui dans ses écrits. S'il s'est d'ailleurs tourné un moment vers le personnage de Moïse (Moïse et le monothéisme, 1914), c'est surtout pour en faire un Egyptien et imputer la naissance du monothéisme à la civilisation des Pharaons... Suivait-il l'air du temps en ce début de XXe siècle où, dans l'intelligentsia européenne, la culture juive faisait souvent l'objet de tant de dédains et de méchants soupçons ?
Quant à nous, ce n'est pas du tout le même reproche que nous voudrions hasarder ici. C'est au contraire celui d'avoir utilisé la culture grecque de façon superficielle et allusive, sans prendre la peine de se confronter à son pouvoir de vérité. Alors que, sur la folie et le dérèglement mental, cette culture a quelque chose à dire. Le mythe dans lequel figure le personnage d'Oedipe a des choses à nous dire. Et, plus encore que ce mythe, la trilogie de l'Orestie a également des choses à nous dire.
Si on estime cependant que les mythes, en tant que forme de pensée «pré-scientifique», n'ont plus rien à nous apprendre, le mieux et le plus honnête serait de s'en éloigner complètement et de ne pas cultiver cette ambivalence qui consiste d'un côté à se réclamer implicitement de leur sagesse pour donner du prestige à ses trouvailles et, d'un autre côté, de les tenir pour des enfantillages qu'on peut traiter avec mépris. Faire les deux, c'est de l'imposture.
Du reste, nous considérons qu'une confrontation entre l'approche moderne de la maladie mentale et celle des anciens Grecs est de nature à nous conférer une vue plus dégagée sur la question, moins prisonnière de positions modernes trop bien admises. C'est pourquoi cette confrontation que Freud a éludée, nous voudrions l'esquisser.
Une première réflexion nous amène à observer que le récit d'Oreste présente au moins la caractéristique de rendre plus problématique l'idée que Freud tire du récit d'Oedipe. En effet, Oreste est celui qui, pour venger la mort de son père le roi Agamemnon, commet un meurtre sur la personne, d'abord de l'amant de sa mère, Egisthe, par la main de qui la mort a été donnée au roi, et ensuite de sa propre mère, pour la raison qu'elle a été l'instigatrice et la complice... Oedipe tue son père et épouse sa mère : Oreste venge son père et tue sa mère. On est face à deux cas de figure qui suggèrent une opposition presque symétrique.
Deuxième réflexion : les deux commettent des actes qui, bien qu'ayant lieu sur le théâtre de la société des hommes, ont une portée qui le dépasse : ils touchent à l'ordre cosmique, qu'ils troublent. Il y a «souillure» et cette souillure suscite la colère des dieux, précisément parce que son écho ne se limite pas à la réalité humaine où elle se situe.
Troisième réflexion : seul Oreste va glisser dans la perte des sens. Oedipe, lui, est épouvanté au moment où il découvre la vérité. Il se fait subir à lui-même la punition qu'il avait promise au meurtrier quand il ignorait l'identité de ce dernier — l'exil et la malédiction —, à quoi il en ajoute une autre : se crever les yeux ! Mais il reste étonnamment lucide. Or une question surgit ici : pourquoi Oreste et pas Oedipe ? Lisons le passage qui clôt la deuxième partie de la trilogie de l'Orestie d'Eschyle, les Choephores.
Oreste est en dialogue avec le coryphée, qui représente le chœur tragique et qui, à ce moment du drame, se fait rassurant en considération du fait qu'Oreste n'a pas agi de son propre chef : il a mis à exécution un ordre qui lui venait d'en haut.
- Oreste : Ah ! Ah ! quelles sont ces femmes , vêtues de noir et enlacées de serpents sans nombre, comme des gorgones ? je ne peux rester. (...) O roi Apollon, les voilà qui se multiplient à présent, et de leurs yeux dégoutte un sang répugnant (...) Vous ne les voyez pas, vous ; mais moi, je les vois ; elles me pourchassent et je ne peux plus rester.
Nous poursuivrons dans le prochain article l'exploration de cette piste ouverte par le récit d'Eschyle.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.