Né en mars 1881, le jeune prince héritier était populaire dès sa jeunesse. Il avait une calèche et se promenait de La Marsa au Kram. Il allait rendre visite au coiffeur, au tailleur ou encore au boucher, en discutant avec les passants. Il était l'ami du peuple. Raja Farhat a entamé un nouveau cycle de son dernier spectacle documentaire «le récit de Moncef bey». Mercredi dernier, face au public de l'Agora à la Marsa au grand complet, l'homme de théâtre raconte les moments clés de la vie du bey le plus aimé des Tunisiens. Il amorce son récit par un rappel historique de la Seconde Guerre mondiale, dans un français châtié et en utilisant le passé simple. Au même moment tonne l'hymne beylical masquant quelque peu la voix du narrateur. Un décor minimaliste est planté sur la scène ; l'incontournable fauteuil rouge et un grand portrait de Moncef Bey. Né en mars 1881, le jeune prince héritier était populaire dès sa jeunesse. Il avait une calèche et se promenait de la Marsa au Kram. Il allait rendre visite au coiffeur, au tailleur ou encore au boucher, en discutant avec les passants. Il était l'ami du peuple. Bien avant son intronisation, il avait déjà acquis une stature politique, en soutenant les revendications du Destour et faisant recevoir ses membres par son père, Naceur Bey. Il demande le rappel d'Esteva Mais le plus important, c'est la destinée des nations, déclame Raja Farhat. Cette petite nation qu'est la Tunisie était décidée à faire entendre sa voix. Dès son intronisation, en juin 1942, Moncef bey, «ce bey nationaliste», comme le désignaient les Français, était résolu à faire changer les choses. «Il commence par dispenser ses sujets du baisemain traditionnel et demande aux Tunisiens d'être unis». Deux mois après son intronisation, dans un mémorandum envoyé au maréchal Pétain et présenté par le grand ministre Hédi Lakhoua, il revendiquait notamment «l'accession des Tunisiens à la fonction publique, leur participation au contrôle des recettes et dépenses budgétaires, l'acquisition de la propriété rurale, l'institution d'un conseil consultatif de la législation, la nationalisation des entreprises présentant un intérêt général». Rien de moins ! Le 12 octobre 1942, au cours de la cérémonie d'Aid el fitr, raconte Raja Farhat, parfois assis sur son fauteuil, parfois faisant quelques pas sur la scène, Moncef Bey faisait valoir son mécontentement de ne voir aucun Tunisien parmi la délégation représentant les chefs de l'administration. Le résident général Esteva lui rétorquait alors que «seuls les Français sont habilités à occuper des postes de commande». Le bey envoya alors un télégramme au maréchal Pétain dans lequel il demandait le rappel d'Esteva. Un édifiant travail de recherche En novembre 1942, les troupes de l'Axe débarquaient sur le sol tunisien, ainsi que les troupes anglo-américaines, et, «face aux sollicitations contradictoires, Moncef Bey proclame la neutralité du pays». Doté d'un sens politique, le bey avait informé toutefois Roosevelt, dans un message secret, le ralliement aux Alliés. Après bien des péripéties, l'exil avait été le triste sort réservé à ce bey courageux et digne. Installé d'abord à Laghouat dans le Sud algérien dans des conditions difficiles, il été transféré à Pau dans le Sud-ouest de la France où il résida jusqu'à sa mort, survenue le 1er septembre 1948. Sa dépouille rapatriée, les funérailles nationales, qui lui étaient accordées, au cours desquelles les Tunisiens, hommes et femmes, s'étaient déplacés en nombre, avaient fait office d'une reconnaissance posthume. Le récit de Moncef Bey laisse entrevoir en arrière-plan un édifiant travail de recherche. Une multitude de personnages historiques sont évoqués, parfois décrits avec leurs travers et petites habitudes, dont l'incroyable premier Ministre britannique Churchill. Bien documenté, le récit est scénarisé à certains passages par Raja Farhat. On pourrait toutefois lui reprocher de s'être cantonné dans son rôle de conteur et de n'avoir pas incarné le personnage de Moncef Bey, pénalisant ainsi le spectacle.