Au palais de Carthage et à La Kasbah, on considère qu'il est temps d'adopter les lois dites urgentes et en premier lieu la protection des agents de sécurité. Au Bardo, on semble avoir d'autres dossiers prioritaires Avec la tragédie qui s'est déroulée devant le siège du Parlement et s'est soldée par l'assassinat du colonel Riadh Barrouta, l'appel du président Béji Caïd Essebsi à accorder la priorité absolue à l'examen et à l'adoption rapide du projet de loi relatif à la répression des agressions commises à l'encontre des sécuritaires lors de l'accomplissement de leurs fonctions, l'ultimatum lancé par les syndicats des forces sécuritaires menaçant de ne plus protéger les députés et les chefs de parti au cas où la loi les protégeant eux-mêmes demeurerait encore dans les tiroirs de l'ARP et avec la large vague de sympathie et de compassion avec la famille du colonel martyr exprimée par les Tunisiens qui n'admettent plus que ceux qui ont la charge de les sécuriser ne soient pas sécurisés, on croyait que l'Assemblée des représentants du peuple allait suivre le mouvement citoyen qui fait de la sécurité la préoccupation nationale n°1 et la priorité des priorités en ces temps où aux actes terroristes qui peuvent se produire n'importe où et à n'importe quel moment s'est greffée une vague de violence sans précédent qui n'épargne plus ni les écoles où les éducateurs sont violentés impunément devant leurs élèves, ni les hôpitaux publics et même les cliniques privées où les cadres médicaux et administratifs subissent la loi «des bandits de la cité» qui tabassent pour un oui ou pour un non un médecin, une infirmière ou un anesthésiste et même les tribunaux où les juges et les avocats sont maltraités, sans oublier les moyens de transport public où les braqueurs sont en compétition quotidienne avec les professionnels du harcèlement sexuel. On attendait de l'ARP qu'elle consacre une séance plénière exceptionnelle à la sécurité et à la violence dans la ville pour nous dire comment on pourrait réduire les méfaits des hors-la-loi qui agissent dans l'impunité totale et n'hésitent pas à narguer les forces de sécurité sur certaines chaînes TV qui leur ont ouvert leurs plateaux pour s'assurer une audience élevée et aussi des rentrées publicitaires conséquentes. Malheureusement, l'ARP ou plus précisément son bureau directeur, semble voir les choses autrement. Hier, le bureau de l'ARP a publié un communiqué annonçant la tenue les 7, 11 et 14 novembre de trois séances plénières. On traitera le mardi 7 novembre de la loi de finances complémentaire au titre de 2017 et des crédits que 13 banques locales vont accorder à l'Etat en vue de financer le budget 2017. Le 11 novembre, la séance plénière sera consacrée aux questions des députés auxquelles répondront les ministres de l'Education, de l'Enseignement supérieur, de la Formation professionnelle et de la Jeunesse et des Sports. Enfin le 14 novembre, il sera question des crèches et des jardins d'enfants, de l'amendement du règlement intérieur de l'Assemblée et des commissions d'enquête parlementaires. Donc, d'ici le 14 novembre, les députés auront à débattre et à adopter des projets de loi autres que ceux qui devraient en bonne logique être considérés comme étant prioritaires, à l'instar du projet de loi sur la lutte contre l'enrichissement illicite, le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, la répression des agressions à l'encontre des sécuritaires, le projet de loi de finances 2018 et le projet de code des collectivités locales. Ces projets de loi seront examinées selon les modalités ordinaires pratiquées au sein du Parlement, c'est-à-dire en premier lieu devant les commissions parlementaires qui vont inviter et réinviter tous les experts et les spécialistes pour les écouter lors de séances auxquelles assisteront deux ou trois membres de la commission en question. Et en prime, reprendra le cycle des rencontres-débats ou séminaires avec les associations de la société civile dont les membres viendront donner des leçons aux députés-législateurs et leur apprendre comment un terroriste doit être traité par les forces de sécurité et quelles sont les faveurs dont doit bénéficier un contrebandier ou un financeur d'actes terroristes quand ils séjournent en prison en attendant d'être jugés. Le président Béji Caïd Essebsi a beau annoncer que la priorité absolue sera accordée à la protection des sécuritaires, Youssef Chahed multiplie les CMR pour imaginer les meilleurs moyens possibles en vue de dévoiler ceux qui blanchissent l'argent sale et financent le terrorisme, Chawki Tabib, le président de l'Inluc, assène à longueur de journée que la lutte contre la corruption et la contrebande qu'avec l'adoption et l'entrée en fonction de la très attendue loi sur l'éradication de l'enrichissement illicite. En parallèle, les députés n'en font qu'à leur tête et laissent penser que les lois urgentes ne sont pas aussi urgentes ou nécessaires que Youssef Chahed ou Béji Caïd Essebsi veulent le faire croire. «L'Assemblée, semble-t-il, dispose du temps qu'il faut pour s'intéresser au moment qu'il faut aux lois en question. Et puis, les députés ou le bureau de l'Assemblée nous donnent l'impression qu'ils n'ont d'instructions ou de conseils à recevoir de personne», soulignent les observateurs interrogés par La Presse.