Les députés sont décidés à tout voter d'ici le 25 juillet prochain, date de clôture de la législature parlementaire actuelle. Ils démarrent par la loi organique sur l'accès à l'information dont le texte actuel pourrait se révéler anticonstitutionnel au cas où il ne serait pas révisé de fond en comble Il semble que les députés n'ont pas apprécié le contenu de la lettre que leur a adressée le président de la République Béji Caïd Essebsi, leur demandant d'accélérer la discussion et l'adoption des projets de loi relatifs à la création des instances constitutionnelles et aussi les lois à caractère économique urgent. Et au palais du Bardo, on grogne mais on s'exécute : la preuve a été donnée, mercredi 9 mars, à travers, d'une part, la conférence de presse de Mohamed Ennaceur qui a livré un calendrier détaillé des séances plénières censées adopter toutes les lois soumises au parlement avant le 25 juillet prochain, date de clôture de la législature actuelle et à travers, d'autre part, le démarrage de la discussion de la fameuse loi sur l'accès à l'information. Et comme prévu et bien avant que les députés ne commencent à en discuter en plénière, la polémique s'est installée : la loi sur l'accès à l'information telle que présentée par le gouvernement et retapée par la commission parlementaire des droits et des libertés pourrait faire l'objet d'un recours pour anticonstitutionnalité auprès de l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de loi au cas où son article 24 relatif aux exceptions ne serait pas révisé afin de devenir compatible avec les dispositions de l'article 32 de la Constitution du 27 janvier 2014. Retour à la case départ ? Et les associations de la société civile, syndicat national des journalistes et association Al Bawsala de se mobiliser et de rameuter leurs troupes pour crier à la superchérie. Leur argumentaire est simple et percutant : «Il est normal que toute loi à l'accès à l'information comporte certaines exceptions se rapportant à la sécurité et à la défense nationales par exemple, mais à condition que ses exceptions obéissent au contrôle de la justice. La formulation actuelle de l'article 24 du projet de loi est en contradiction avec l'article 32 de la Constitution qui se trouve, au vu des restrictions actuelles, vidé de son sens. Ainsi, l'administration échappe-t-elle à toute poursuite ou recours, ou elle usera des pouvoirs que lui accorde l'article 24 du projet de loi et refuse de communiquer aux demandeurs n'importe quelle information qu'elle estimera faire partie des restrictions (intérêts économiques, consultations, délibérations, etc.) «En plus clair, soulignent Bawsala et le Snjt, l'article 24 (s'il est adopté tel qu'il est rédigé maintenant) empêchera les journalistes, les associations de lutte contre la corruption et tous ceux qui veulent combattre la malversation de disposer des informations qui leur permettront d'étayer leurs dossiers des preuves qu'il faut pour que leurs accusations soient plausibles. On est revenu à la case départ et l'administration continuera à protéger». Bochra Belhaj Hamida, présidente de la commission parlementaire des droits, des libertés et des relations extérieures (à l'époque de la discussion en commission du projet de loi), a beau se déplacer de plateau en plateau pour soutenir que «le projet de loi dans sa version actuelle peut être considéré en avance en comparaison de plusieurs pays étrangers et que l'article 24 en question n'entrave en rien l'accès à l'information tant que les informations sollicitées ne portent pas atteinte aux intérêts de l'Etat». Malheureusement, ses arguments n'ont réussi à convaincre personne parmi les associations récalcitrantes et ont trouvé une sourde oreille parmi les députés qui ont déjà rejeté deux articles — le 2 et le 17 — avant de parvenir à l'article 24 considéré comme celui de la discorde par excellence. L'article 2 (rejeté) énumère les organismes auxquels on peut s'adresser pour obtenir une information quelconque : les administrations centrales, les entreprises et établissements publics (Sonede, Steg, Tunisie Telecom, etc.), l'ARP, les associations bénéficiant d'un financement public, etc. Pour Kamel Ayadi, ministre de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, «l'objectif de la loi est de diffuser la culture du partage de l'information. Nous voulons consacrer le principe de la transparence et nous n'avons aucunement l'intention d'user des exceptions pour favoriser la rétention de l'information ou bloquer l'action des associations engagées dans la lutte contre la corruption ou la malversation sous toutes leurs formes». Il est à préciser que la commission des compromis (composée des chefs des groupes parlementaires) n'a pas réussi lors de sa réunion, mercredi soir, à trouver un compromis à l'article 24 relatif aux exceptions.