Les installations artistiques dénoncent le terrorisme à travers des sculptures de visages de femmes défigurés, des têtes dénaturées, des cartouches et des bombes prêtes à être lancées, mais elles apportent aussi des notes d'espoir à travers les fleurs décorant toutes les œuvres Le centre culturel de Djebel Semama situé à Kasserine, toujours très actif, vient d'accueillir l'exposition «Ward (roses) et cartouches 2». Une deuxième version de la même exposition des deux plasticiens Wadii Mhiri et Houda Ghorbel qui s'est tenue l'année dernière à l'espace Sadika à Gammarth où elle avait duré un mois. Seulement, cette fois-ci, des éléments innovateurs et révolutionnaires sont venus s'y greffer, puisqu'il s'agit de roses et cartouches sur les montagnes, et pas n'importe lesquelles, des montagnes situées à quelques centaines de mètres de la zone militaire fermée. De plus, c'est une exposition à ciel ouvert installée dans un décor naturel. Exposées en pleine nature, les œuvres ont gagné en réalisme et consistance. Mais encore, toutes les pièces même celles qui n'ont pu être transportées ont été scannées. La galerie devenue virtuelle a été accessible à tous. Au moyen de casques, manettes et d'effets sonores, les visiteurs petits et grands sont propulsés au milieu des œuvres réalisées par le tandem Wadii et Houda et converties en 3D par Saphir Prod dirigé par Philip Belhassen. Une manifestation polyvalente et assez singulière. Outre le fait qu'elle s'est déroulée tout au long de 48h non-stop, les 25 et 26 novembre, elle a comporté une partie ludique, ayant mis à contribution une quarantaine d'enfants. Les élèves de l'école primaire rurale «El Wessaya» ont réalisé, dans le cadre de l'atelier «petits soldats» ou «Aseker essghar», des épouvantails et des hommes de paille. Fabriqués à l'origine pour faire fuir les oiseaux des champs, les pantins sont devenus, par la magie de l'art, de petits soldats invincibles. Une manifestation qui défie la peur «Ward et cartouches» s'appuie sur un concept très politique. Selon Wadii Mhiri, l'intitulé fait référence «aux politiciens qui n'arrêtent pas de nous promettre des fleurs, et, une fois élus, ils nous tirent dessus», analyse-t-il. Les installations artistiques évoquent les attentats terroristes perpétrés ces dernières années dans la région et ailleurs, en les dénonçant à travers des sculptures de visages de femmes défigurés, des têtes dénaturées, des cartouches et des bombes prêtes à être lancées. Une note d'espoir y est visible malgré tout à travers les fleurs décorant toutes les œuvres. Sans oublier les réalisations des apprentis artistes qui ont travaillé sous la direction des deux plasticiens. Quant à l'atelier en 3D, il a permis aux enfants munis de casques sur les yeux de visionner la même exposition mais dans d'autres endroits qui font rêver. Travailler avec les enfants, les deux artistes en ont tiré un immense plaisir, «nous avons été accueillis comme des rois par les habitants. C'est très émouvant de voir tant de chaleur humaine s'exprimer. Les enfants de leur côté, heureux et impliqués, s'en sont donné à cœur joie», nous confie, ému encore Wadii. Ce n'est pas la première fois qu'il encadre des jeunes, nous révèle-t-il, lui qui «adore travailler avec les enfants», dans le cadre des ateliers d'éveil artistique à Sejnane et dans certains quartiers de Tunis. Des excursions ont été organisées dans les régions environnantes pour permettre aux habitants de Kasserine, de Sbeïtla, de Sousse et de Tunis d'apprécier les œuvres dressées défiant la peur et même les habitudes. «Habituellement nous voyons ici se déployer des spectacles de danse folklorique, compare Adnène Helali, directeur du centre culturel des montagnes, mais cette fois-ci, les animations autour de l'exposition avec le violon de Mehrez Abidi, les danseurs et les troubadours qui ont présenté des figures de danse et l'exposition en elle-même sont modernes et innovateurs». L'événement a été particulièrement apprécié par tous les habitants de cette zone rurale exposée aux dangers, tant et si bien que les femmes ont offert à la clôture un buffet mettant à l'honneur les produits du terroir. Un événement artistique qui baignant dans une réalité difficile apprend comment apprivoiser la peur par l'art.