De notre envoyée spéciale Neila Gharbi Raouf Ben Amor, acteur de théâtre, de cinéma et de télévision, connu par le grand public tunisien pour son personnage de Chedly Tammar dans le feuilleton ramadanesque «El khottab al bab», a remporté son premier prix international d'interprétation masculine pour son rôle dans le film « Tunis by night» d'Elyès Baccar, le seul film arabe en compétition officielle à la 39e édition du Festival international du film du Caire. Ce prix est le couronnement d'un rôle, certes, mais aussi d'une carrière riche en pièces de théâtre, films et feuilletons. Le jury présidé par Hussine Fahmi a récompensé Raouf Ben Amor pour avoir interprété avec brio un personnage représentant une génération entière qui a connu illusion et désillusion, rêve et déception. Il campe le personnage de Youssef, un père froid et distant, animateur à la Radio nationale où il anime une émission «Tunis by night» dont cette nuit-là est la dernière. Toutefois, il subit des pressions de la part de son patron et l'émission est censurée. Alors que sa fille se voit déconnectée du rythme et des valeurs de sa famille. Elle se coupe les veines après une cascade de déceptions. Sa femme et son fils se réfugient dans le silence et la prière. Brisé, Youssef se réfugie au bar mitoyen qu'il fréquente depuis toujours puis se laisse engloutir dans cette ville qu'il ne reconnaît plus... On est sous le régime de la dictature, le film montre une famille décomposée à l'image du pays en ébullition où la communication est absente entre le père, la mère et les enfants et les tensions sont vives. Si le film n'a pas su convaincre le jury, Raouf Ben Amor, grâce à son interprétation mesurée et contenue, a convaincu notamment les gens de sa génération, en l'occurrence Hussine Fehmi. Rappelons que «Tunis by night» a bénéficié d'une aide à la finition lors de la 38e édition du Festival du film du Caire dans le cadre d'un programme, à l'instar de celui de Takmil. Notons, par ailleurs, que les acteurs et actrices tunisiens gagnent du terrain au pays du Nil. Hind Sabri, consacrée du prix Faten Hamama au cours de ce festival, Dorra Zarrouk, Sana Youssef, Fériel Youssef, Aïcha Ben Ahmed et l'autre star masculine Dhafer Abidine dont les affiches d'une publicité sont exposées partout au Caire, ont fait du bon chemin, d'autres jeunes talents essaient de percer. Avec ce prix d'interprétation qui est une reconnaissance, Raouf Ben Amor pourrait attirer l'attention des réalisateurs et pourquoi pas Khairy Bichara qui était membre du jury de cette session. Il pourrait le faire jouer dans son prochain film, à l'instar de Férid Boughedir qui a fait participer Gamil Rateb dans «Un été à La Goulette». Combat contre la Camorra C'est «L'intruse » de Leonardo Di Costanzo production italo-française, présenté à la Quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes 2017, qui a remporté le Grand Prix de la 39e édition du festival du film du Caire. Le film est le récit du combat d'une assistante sociale aux prises avec la mafia. Giovanna, travailleuse sociale combative de 60 ans, fait face à une criminalité omniprésente. Elle gère un centre qui s'occupe d'enfants défavorisés et offre ainsi une alternative à la domination mafieuse de la ville. Un jour, l'épouse d'un criminel impitoyable de la Camorra, la jeune Maria, en fuite avec ses deux enfants, se réfugie dans ce centre. Lorsqu'elle lui demande sa protection, Giovanna se retrouve confrontée, telle une Antigone moderne, à un dilemme moral qui menace de détruire son travail et sa vie. Leonardo Di Costanzo a su mettre en valeur l'héroïsme tenace d'une personne qui a laissé se reconstituer une confiance et une estime de soi dans un monde dominé par une culture de l'humiliation propagée par la mafia. A la fois légère et audacieuse, la mise en scène s'accorde aux qualités spécifiques du personnage de Giovanna, que l'on voit faire face aussi bien aux flics qu'aux voisins, aux enfants qu'à Maria, en évaluant à chaque fois la part de risque qu'elle prend et la nécessaire solitude de ses choix. Tristes événements Cette 39e édition a été marquée par des événements tristes. D'abord, l'attentat meurtrier perpétré contre une mosquée. Ensuite, la mort d'une icône du cinéma et de la chanson égyptienne, Chadia, à laquelle le festival a rendu hommage en lui dédiant cette édition. Enfin, l'annonce en plein festival de l'éventuelle démission de Magda Youssef, présidente du Fifc, en raison particulièrement de l'insuffisance du soutien financier qui a eu des répercussions négatives sur cette édition. Mais malgré cela, les festivités se sont poursuivies sans aucune annulation mais sous haute protection. La star américaine Nicolas Cage, qui a assisté en guest star à la cérémonie de clôture, a manifesté son soutien et sa solidarité avec le peuple égyptien contre ces actes barbares d'un autre temps. A retenir de cette session, l'absence des films égyptiens de la compétition officielle. Malheureusement, le pays hôte manque cruellement de films répondant aux critères de qualité pouvant leur permettre d'accéder à une compétition. La plupart des producteurs préfèrent investir dans des films commerciaux et non dans des films d'auteur qui ne rapportent pas d'argent. Cette problématique a été débattue au cours d'un colloque intitulé : «Réalités, problèmes et défis du cinéma égyptien». Les films égyptiens commerciaux enregistrent une recrudescence depuis l'avènement de la révolution. Ils réalisent 8 millions de dollars par an selon le producteur Gaby Khoury, «ce qui représente une catastrophe», ajoute-t-il. Les participants à ces débats professionnels ont suggéré d'élever le montant de l'aide au film, de construire des salles de cinéma, de faire participer les chaînes de télévision dans la production et la diffusion et de lutter contre le piratage, et ce, dans la perspective d'augmenter la production et le niveau des films.