Nous sommes en Ouzbekistan, pays des mythes et des légendes, centre du monde du temps où la Route de la soie en constituait l'axe vital, et où l'Europe et l'Asie venaient se mêler dans ses bazars. Nous sommes en Ouzbekistan, pays du sourire, où les étrangers sont accueillis comme des rois, où les villes comptent leur âge en milliers d'années, et où les histoires de Hadjan Nasreddine, le valeureux Jha des lieux, et celles des belles princesses mortes continuent de transcender le temps. Nous sommes en Ouzbekistan, pays musulman d'un islam serein qui n'a pas oublié le zoroastrisme des origines, et dont le soufisme heureux est l'apanage de tous De Tachkent à Boukhara, et de Afchana à Samarkand, nous avons suivi les chemins des conquêtes d'Alexandre le Grand, arpenté l'univers de Tamerlan, et retrouvé les traces inoubliées d'Ibn Sina. Car c'était lui le réel objet de ce voyage. Ibn Sina, Avicenne pour le monde européen, roi des médecins et médecin des rois. Il s'agissait de lui rendre un hommage toujours renouvelé en remettant un prix à son nom à des chercheurs s'inscrivant dans sa lignée intemporelle. Mais replaçons les choses dans leur contexte : MED 21, réseau de prix en méditerranée, irradiant quelque dix pays, consacre depuis sept années l'excellence dans différents domaines. Douze prix à connotation patrimoniale sont annuellement accordés à des lauréats du nord et du sud de la méditerranée, personnalités ayant contribué au renforcement de la coopération méditerranéenne dans des domaines aussi variés que la science, la philosophie, l'architecture, la musique, la traduction, le journalisme ou les sciences exactes... Les prix portent les noms d'Ibn-Khaldoun, Avéroès, Sinan, Ricardo di Cremona, Hermès ou Fatima Fehrya, et sont accueillis à Istanbul, Tolède, Palerme, Alger, Belgrade, Gênes, Casablanca, Tunis et Kairouan. Alors, bien sûr, l'Ouzbekistan n'est sur aucune carte de la méditerranée, mais Ibn Sina, ce grand voyageur, sillonna les rives de la mare nostrum, et il n'existe guère de pays sur ces rives qui n'ait une école, un institut, un hôpital ou une clinique portant son nom. On décida donc de lui rendre hommage en son pays natal, l'Ouzbekistan, à sa ville natale Afchana où un centre lui est dédié, une fondation et un musée entretiennent sa mémoire. Med 21, associé à la fondation Avicenne Ouzbek, à l'association Avicenne France et à l'Académie Française de médecine, créa «le Prix Avicenne pour la promotion de la coopération médicale, scientifique et culturelle entre l'Europe, la Méditerranée et l'Asie Centrale». Un vaste programme qui ne s'avéra pas utopique au fur et à mesure que ce périple soulevait des résonances en nous, provoquait des comparaisons, évoquait des similitudes... Le «salam aleykom» qui ponctuait chaque rencontre, les mots du vocabulaire d'origines communes, les prénoms dont on s'amusait à retrouver les correspondances.... Et puis la magie grandiose de ces medersas aux sublimes lambris de céramiques bleus, la beauté intemporelle des calligraphies incrustées dans les panneaux muraux, la fraîcheur secrète des jardins intérieurs, l'harmonie miraculeuse des coupoles massives des bazars, l'explosion des couleurs des ikats, et des suzannés, tissages et broderies traditionnels, la finesse des miniatures aussi précises que celles d'Iran... Que dire encore de ce voyage au pays de Tamerlan où flotte encore le souvenir de la belle Bibi Khanoum, son épouse favorite pour laquelle il édifia une superbe mosquée sur le modèle du Taj Mahal, où toutes les femmes sont aussi belles qu'elle le fut, selon la légende ? Que si la burka fut jadis le costume traditionnel des femmes, une épouse qui verrait son mari exiger d'elle aujourd'hui le port de ce costume le quitterait immédiatement. Que Boukhara, ville sainte, construite sur l'ancienne citadelle des rois, a 2500 ans, compte 360 mosquées, que c'est dans ce pays que se trouve le plus ancien coran du monde, le coran de Othman, rédigé sur une peau de cerf, que les palais s'y appellent «le palais de la lune et des étoiles». Samarcande, la magnifique, offre l'apothéose de ce périple. Le tombeau de Tamerlan, chef d'œuvre de stucs sculptés et d'enluminures, est un des moments forts, ainsi que la magnifique place du Reghistan à l'harmonie faite de rigueur et d'équilibre. «Attachant» est le terme qui vient quand on résume un voyage en Ouzbekistan. Mais aussi «attaché», un pays attaché à ses traditions, à ses coutumes, à sa structure familiale indéfectible, à son artisanat et à son costume traditionnel. Attaché au culte de ses grands hommes, de ses anciens. Attaché à son patrimoine qu'il préserve et entretient avec un soin jaloux. Attaché aux différents moments de son histoire, sachant en conserver le meilleur quand bien même l'histoire les rejette. Attaché à ne pas perdre ses valeurs, sachant s'ouvrir peu à peu à la mondialisation, avec prudence et retenue. Attaché à ne pas perdre son âme. LES LAUREATS — Danielle Jacquart, historienne médiéviste, spécialiste de la science et de la médecine du moyen-age dans les mondes arabe et latin, membre de l'Académie internationale d'histoire et des sciences,et de l'Académia Europaea. On lui doit de nombreuses publications, dont : «La médecine arabe et l'Occident médiéval», et «Lectures Médiévales du Canon d'Avicenne : la médecine parisienne aux XIVe et XVe siècle». — Roshdi Rashed, spécialiste de l'histoire des sciences arabes, directeur Emérite de recherche au Cnrs en France, ancien directeur du Centre d'histoire des sciences et des philosophies arabes et médiévales. On lui doit, entre autres, un ouvrage sur «L'Histoire des sciences arabes» pour lequel il reçut « le Prix Mondial du meilleur livre de recherche en islamologie». L'Académie Beyt el Hikma l'avait déjà honoré, conjointement avec l'Unesco, au cours d'un colloque consacré à ses travaux. — L'Institut pharmaceutique de Tachkent qui s'attacha à approfondir et poursuivre les voies de recherche ouvertes par Avicenne sur les différents types humains. — La Fondation Avicenne, pour son rôle dans la promotion de la mémoire d'Avicenne.