L'interview du Premier Ministre Hamadi Jebali continue à faire couler beaucoup d'encre et beaucoup de salive, ce qui est normal dans un pays où le gouvernement n'est plus de droit divin et où l'opposition n'est plus un « ramassé » de fauteurs en eaux troubles. On commence même du côté du pouvoir à comprendre les vertus de la démocratie même si la frustration est parfois perceptible chez le Premier Ministre de ne pas bénéficier d'un état de grâce suffisant de la part de la société civile et des médias. Pour ma part je préfère m'attarder sur ce qui peut être positif et durable dans la nouvelle attitude du Chef du gouvernement, afin de pérenniser l'Etat de droit, rationaliser la religion et surtout bâtir une République civile démocratique irréversible et paisible.
Nous avons accompagné de façon très critique depuis le 23 octobre dernier la tentation de certaines sphères proches du pouvoir et de la « Nahdha », de vouloir se « réapproprier » l'Etat et ses institutions administratives ainsi que les médias surtout publics. La résistance de la société civile et surtout des journalistes a été merveilleuse et a permis d'inscrire la liberté de presse et d'opinion dans la durée. Mais attention la vigilance est de rigueur et une petite « nomination » par ci... par là à la direction d'une TV Nationale où sa rédaction en Chef doit être analysée avec la plus grande rigueur. « La youldaghou al moumine min johrin marratein » (le croyant ne se fait pas avoir deux fois) !
Le champ de prédilection de la dictature et du totalitarisme c'est le contrôle de la presse et de l'opinion avant même les moyens de la coercition et de la violence légale. Cette règle est d'ailleurs universelle depuis que les Romains ont inventé la « propagande » et la désinformation, bien avant un certain démagogue tristement célèbre : Goebbels.
Le Premier Ministre a eu par conséquent le mérite de reconnaître qu'il y a eu quelques erreurs dans le traitement de ce dossier tout en espérant une plus grande neutralité de la Presse qui doit rendre à César ce qui est à César quand il faut ce qui est tout à fait légitime. La vérité de l'information doit être sacrée et la bonne presse c'est celle qui essaie de coller le plus à la véracité des faits.
Autre point fort de la déclaration du Premier Ministre c'est son refus d'imposer aux Tunisiennes et aux Tunisiens, par la force ou par tout autre moyen de pression qu'il soit idéologique ou religieux de leur mode de vie ou de leur liberté « d'être ».
La liberté « autonomie » celle où l'être humain atteint ce haut stade de la citoyenneté, l'autorise à une certaine autodétermination dans son être et son « paraître ». La liberté des uns et des autres s'arrête là où elle peut s'accompagner de nuisances qui peuvent mettre l'ordre public en péril. Or la démocratie rejette le changement politique et surtout identitaire par la violence. Plus de soixante dix ans de Révolution marxiste et bolchévique et de stalinisme en Russie, n'ont pas pu éteindre l'Eglise orthodoxe dans cet immense pays où la ferveur du sentiment religieux est restée intacte et a même aidé à la fin du régime des « Goulags ». De même pour l'Islam dans ces pays de l'ex-URSS. Je me rappelle d'un voyage en Ouzbékistan dans les années 80 du temps de M. Brejnev où j'ai pu visiter Tachkent, Boukhara (la ville du grand savant musulman Al Boukhari) et Samarkande la capitale musulmane de « Tamerlan » l'empereur Mongol.
Le pouvoir communiste de ces époques a tout fait pour radier l'écriture en lettres arabes. Il n'a jamais fait montre d'un certain enthousiasme pour rénover ou entretenir les très belles mosquées et « Madersas » de ce pays fabuleux. Mais j'ai vu de mes propres yeux l'attachement et la ferveur des « Ouzbeks » pour le saint Coran et les vestiges musulmans. Sous les mosaïques bleus des mosquées de « Samarkande » et les écritures des versets coraniques en lettres d'or, s'arrêtaient des milliers de jeunes des descendants de Tamerlan l'empereur musulman, pour prier et pleurer la gloire passée de l'Islam.
Mais Dieu est grand « La ghaliba illa Allah) et il a exaucé leurs vœux et leurs prières. Samarkande et tout l'Ouzbékistan est libre aujourd'hui et l'Islam y est pratiqué à nouveau avec ferveur mais sans excès ni fanatisation. La religion comme en Turquie est banalisée. Pour le mot de la fin, prenons du Premier Ministre Hamadi Jebali, le meilleur, et prenons acte de ses déclarations afin que la Tunisie soit pacifique tolérante et fraternelle avec tous ses enfants. C'est aussi ainsi qu'on peut l'aider à être courageux et plus déterminé à agir et stopper les dérives extrémistes qui n'ont rien à voir avec notre culture et notre nature. On peut juger certes (un gouvernement) sur ses intentions (wa innama al aâmalou binniyet) mais la politique est aussi une obligation de résultat. Soyons optimistes. Notre pays a besoin d'une pause pour respirer et surtout pour se remettre au travail.
La politique ne doit pas être une malédiction mais une culture du bonheur collectif !