Les disparités régionales représentent une contrainte au développement durable équilibré La Tunisie se trouvait depuis les années 80 à la croisée des chemins pour l'action régionale et l'occasion a été ratée par la crise du système et la mondialisation émergente. Les disparités régionales ont été à l'origine du déclenchement de la révolution en 2011. Ces disparités ne sont pas nouvelles, mais elles se trouvent de plus en plus pointées du doigt en dépit de la volonté affichée et des efforts consentis par les pouvoirs publics depuis des décennies, a souligné Amor Belhedi, chercheur et professeur émérite à la faculté des Sciences humaines et sociales, Université de Tunis, lors d'une conférence organisée jeudi à l' Académie Tunisienne des Sciences, des Lettres et des Arts, Beit al-Hikma à Carthage, sur le thème « Disparités spatiales et développement régional en Tunisie : enjeux et défis ». Une littoralisation croissante Evoquant un clivage géo-historique Nord-Sud très ancien, le professeur Amor Belhedi souligne que notre pays présente depuis quelques décennies un clivage plus marqué, de nature plutôt politique. Il a toutefois reconnu que les disparités, qui représentent une contrainte au développement durable équilibré, ne sont pas propres à la Tunisie .Tous les pays présentent des disparités régionales. Le nouveau clivage de la Tunisie indépendante a été marqué par une littoralisation croissante, fait-il remarquer. Le soulèvement en 2011 des régions, mené essentiellement par les jeunes, avait pour slogan central « Emploi, liberté et dignité », mais la priorité a été toujours donnée à la construction nationale, fait-il savoir. La région n'est qu'un simple découpage spatial et son absence comme terrain d'ancrage est très perceptible. Les investissements sont toujours concentrés dans les lieux les mieux placés. Signalant ce qu'il a qualifié de paradoxe du développement régional, Amor Belhedi a mis en cause le rôle central de l'Etat, les grands projets extravertis (barrages, énergies, phosphates, tourisme, ciment), la sous-valorisation des produits agricoles, les richesses sous-valorisées localement (sol, eau, soleil, sel, phosphate, fer...). On est parti des richesses naturelles certaines pour aboutir à la pauvreté et au blocage socioéconomique. La littoralisation croissante, l'affinage et la métropolisation de la capitale, l'extension et la contraction de l'espace dynamique caractérisent les disparités régionales actuelles dans notre pays. Instaurer la géo-gouvernance Le développement économique est inégal dans les régions, il est plutôt concentré sur le littoral. 75,25% (statistiques 2016) des centres de formation professionnelle sont concentrés sur le littoral. Tout cela a abouti à un avenir différencié pour les jeunes selon les régions et a contribué à la création (de 1994 à 2014) de trois espaces : un espace attractif, où les jeunes sont nombreux (le littoral), un espace de rétention, où les jeunes sont moins nombreux, mais y restent (Sud-Ouest) et un espace répulsif, où les jeunes sont moins nombreux et refusent d'y rester (Nord et Centre-Ouest) Restructurer les systèmes urbains, instaurer la géo-gouvernance, modifier la carte régionale ou réduire les écarts, rompre le cercle de l'accumulation spatiale et instaurer une structure territoriale durable, sont les défis majeurs à relever pour rétablir l'équilibre entre les régions, préconise le professeur Amor Belhedi. La Tunisie est à la croisée des chemins depuis les années 1980 avec une scolarisation élevée et une urbanisation importante. La révolution a été un signal, et il ne faut pas rater l'occasion une autre fois, a-t-il tenu à confirmer à la fin.