La célébration coïncide avec la montée en puissance des partis politiques de droite anti-immigration, incitant à la xénophobie et au racisme. Elle se veut également une opportunité pour rebattre les cartes et pousser à une nouvelle politique européenne qui soit humaniste et beaucoup plus rationnelle Ici et ailleurs, dans le monde entier, on fêtera, ce lundi 18 décembre, la Journée internationale des migrants, ainsi décrétée en 1997 suite à la «Convention onusienne pour la protection de tous les travailleurs migrants et les membres de leurs familles», ratifiée sept ans plus tôt. Cette célébration coïncide avec la montée en puissance des partis politiques de droite anti-immigration, incitant à la xénophobie et au racisme. Elle se veut également une opportunité pour rebattre les cartes et pousser à une nouvelle politique européenne qui soit humaniste et beaucoup plus rationnelle. L'ultime but étant d'asseoir un partenariat de mobilité et de libre circulation dans l'espace Schengen. Sous nos cieux, cette journée nous rappelle un état des lieux alarmant : des milliers de nos jeunes sombrent, jusqu'ici, dans l'inconnu, laissant derrière eux des familles en détresse. Trente mille ou presque avaient, déjà, pris le large en 2011, afin de rejoindre, clandestinement, les côtes italiennes, depuis l'île sentinelle de Lampedusa. Et les barques de la mort n'ont de cesse de larguer, dans les abysses, autant de victimes ayant fui la guerre et la misère. Chiffres donnés par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes): 504 jeunes Tunisiens sont, jusque-là, portés disparus il y a maintenant cinq ans. Lors d'une conférence de presse, tenue hier matin à son siège à Tunis, et focalisée sur « les conséquences du déni du droit naturel à la libre circulation des personnes », des parents de victimes ont eu à livrer, sur un ton amer, leurs témoignages et raconter la souffrance des familles, voire des régions en deuil. D'ailleurs, M. Romdhane Ben Amor, porte-parole du Forum, les a assistés à mieux s'exprimer. Témoignages des parents en détresse Les yeux larmoyants, Jamel El Mili, père d'un jeune d'à peine 23 ans, a du mal à reconstituer les faits. Son fils était parmi les 504 migrants irréguliers, partis sans retour, quelques mois après la révolution de janvier 2011. En juin 2015, poursuit-il, une commission d'enquête sur ce dossier fut, alors, créée, sans succès. « On ne sait plus à quel saint se vouer », affirme-t-il, troublé. Silence radio du côté de l'Etat tunisien. Aucune nouvelle à ce propos. Notre diplomatie semble être aux abonnés absents. De même, les délégations d'enquête maintes fois envoyées en Italie n'ont pas réussi à venir à bout de cette question. « L'affaire est, désormais, devant la Cour européenne. On ne renoncera jamais », menace -t-il, en conclusion. Farouk Ben Hiba, lui aussi un père sinistré, ayant perdu son enfant à la fleur de l'âge, sur les côtes de Zarzis. Le naufrage du navire militaire, en février 2011, faisait autant des morts, engendrant un drame de trop. L'homme n'a pas manqué de pointer du doigt le ministère de la Défense, l'accusant d'avoir été impliqué dans cet incident prémédité. Le cimetière sur la route «Slatine» au km 10, à Sfax, renferme 18 tombes inconnues portant, tout juste, des numéros d'identification. « 460 », tel est l'intitulé d'un documentaire illustrant les vicissitudes de l'émigration illégale dont l'auteur est notre collègue à la TV nationale, Abdellatif Garrouri, le journaliste qui a trop parlé sur le phénomène. Et pour cause. M. Chamseddine Marzouk, un marin-pêcheur à Zarzis, se voit, volontairement, procéder à l'enterrement des cadavres des victimes. Seulement, il demande à ce qu'un lot du terrain soit mis à disposition pour en faire un cimetière digne des morts dans la région. Le choix de Zarzis s'explique par le fait d'être la côte la plus reconnue sur laquelle échouent les cadavres. Point de réponse ! Face à toutes ces simples requêtes formulées par les familles sinistrées, personne n'a bougé le petit doigt. Malgré les multiples correspondances adressées à la présidence du gouvernement, au bureau de l'ARP et aux différents ministères concernés, pour avoir accès à la vérité, aucune suite n'a été donnée à leurs demandes. Quitte à voir tous ces dossiers relégués aux calendes grecques. Le Ftdes signe et persiste : «L'Etat tunisien doit respecter ses obligations constitutionnelles, répondre aux attentes des familles des personnes disparues et faire de son mieux pour renégocier, avec ses partenaires européens, les politiques migratoires et le droit à la libre circulation». Et que nos amis de la rive nord arrêtent de nous prendre pour des gardes-côtes, en contrepartie de l'aide au développement.