Un nourricier idéal de milliers de terres et de tonnes de bouches, l'arbre du moringa constitue un atout de taille dans la lutte contre la désertification en Tunisie. L'acacia, peu de Tunisiens pensent à cette plante quand il s'agit d'exploiter leurs sols, sauf Sarah Toumi qui pense, qui bouge et qui plante... Pour faire face à la rudesse du climat en Tunisie qui subit spécialement, à cause de sa géographie, les effets du changement climatique. Elle y apporte sa trouvaille. Acacia Moringa Oleifera, ou l'Arbre de vie ! Cet arbre magique possède des propriétés multiples et spectaculaires : clarifier l'eau (remplace le sulfate d'alumine), combattre la malnutrition (feuilles riches en vitamines, protéines et minéraux), fertiliser les sols (augmentation des rendements agricoles jusqu'à 30%), alimentation animale, engrais vert, lutte contre la désertification... La culture de l'acacia La reforestation en Tunisie est devenue la vocation de l'entreprise sociale Acacias for all qui dispose d'une pépinière située à Bir Salah (Sfax, Tunisie). L'organisation a pour ambition de produire chaque année 10.000 arbres pour dans la lutte contre la désertification et pouvant être utilisés économiquement. La fondatrice Sarah Toumi travaille principalement avec les femmes, permettant ainsi de lutter contre la pauvreté et l'inégalité des genres. Dans les régions semi-arides, les Acacia sont très importants d'un point de vue écologique. Ce genre d'arbre fournit de l'ombre aux hommes et aux animaux et procure (avec ses fruits en gousse) de la nourriture pour les animaux (par exemple, pour les chèvres et les dromadaires, deux espèces animales souvent domestiquées par la population locale). De plus, le moringa a aussi une grande importance écologique en étant un foyer pour plusieurs espèces d'oiseaux. Il crée aussi un endroit propice pour que d'autres espèces de plantes viennent s'établir à proximité en fixant l'azote (grâce à un travail de symbiose avec des bactéries), en enrichissant le sol d'autres nutriments, grâce aux racines qui vont aller les chercher plus en profondeur et les remonter à la surface. Un double créneau : social et environnemental Sur les terres de son grand-père, Sarah expérimente dans un champ d'oliviers cinquantenaires. Elle a planté de l'acacia naturel, un arbre capable de pousser dans les milieux arides. La région de Hencha, près de Sfax, devenait toute faite pour cette culture, dans cette zone qui a toujours été agricole. Depuis plusieurs années, l'eau manque : «Dans ce contexte climatique aride, les gens ne s'adaptent pas!». L'acacia cultive en eux un savoir-faire et scientifique insoupçonné. S'appliquer à restaurer l'écosystème, puis générer des revenus est le seul leitmotiv. Le moringa, ou l'arbre magique, est source de revenu, pour les femmes du village, l'Arbre de vie! Elle désire planter, un million d'arbres, d'ici fin 2018 dans toute la Tunisie. L'association de Sarah Toumi apporte des graines desquelles, une fois l'arbre devient assez grand, des femmes volontaires s'activent à en récolter les fruits. Elles coupent les branches, sèchent les feuilles et les réduisent en poudre, comme complément alimentaire très demandé, en Europe. Il est riche en vitamines et en minéraux. «Acacias pour tous» est en train de transformer le secteur agricole, dans la sous-région du Maghreb arabe, en introduisant une nouvelle approche de l'agriculture holistique, biologique, et la lutte contre la désertification. Son approche vise, un procédé agricole alternatif, plus naturel, et l'irrigation à base de plantes. Elle crée un mouvement de changement par lequel les agriculteurs vont adopter, des techniques agricoles nouvelles et durables. Il s'organisent en coopératives, afin de gérer l'ensemble du nouveau cycle agricole. Problèmes majeurs et obstacles Le secteur agricole a représenté 9, 15 et 9% du PIB en Algérie, au Maroc et en Tunisie, respectivement à partir de 2012. Il emploie 40% de la population au Maroc, 11 % en Algérie et 16% en Tunisie. Cependant, en 2011, la disponibilité des terres arables par habitant ne représente que 3,2% en Algérie, 17,8 au Maroc, et 18% en Tunisie. Les cultures les plus couramment cultivées sont des olives et des amandes, qui consomment de grandes quantités d'eau douce. Les fruits et légumes sont aussi couramment produits, mais en plus petites quantités. Les agriculteurs de la sous-région du Maghreb arabe ont planté ces cultures, pour des centaines d'années. La principale source d'irrigation a toujours été l'eau de pluie, qui était autrefois abondante dans la région. Cependant, les récents changements climatiques mondiaux et les perturbations de l'écosystème de l'environnement, principalement, dues à la déforestation, ont conduit à la grande rareté de l'eau de pluie, surtout dans les zones désertiques comme l'Afrique du Nord. La pluviométrie moyenne annuelle, à partir de 2014, est inférieure à 300 mm, dans de vastes zones de la sous-région du Maghreb arabe, avec la création d'un climat aride à semi-aride. La pénurie d'eau a atteint un point critique dans la région, et une grave sécheresse devrait surgir à l'avenir. Le secteur agricole est considéré comme le plus grand consommateur d'eau dans la sous-région du Maghreb, à travers l'utilisation annuelle d'eau douce dans l'agriculture. Elle représente une moyenne de 76% de la consommation totale d'eau douce dans la région. La région du Maghreb dépend principalement des précipitations et des eaux souterraines comme source d'eau douce. La dépendance de la pluviométrie rend cette région très vulnérable aux changements climatiques, ce qui peut avoir un fort impact sur la production agricole. Les changements environnementaux récents exigent un changement d'accompagnement dans les pratiques agricoles pour préserver les terres rurales et compenser les ressources en eau appauvrissant la couche. En raison d'une focalisation de gains à court terme, d'un manque de connaissances sur le développement durable, chez les agriculteurs, les communautés rurales de la région du Maghreb continuent de cultiver intensivement les mêmes cultures héritées de leurs parents comme les olives végétales et les amandes. Mais l'irrigation des terres avec de l'eau salée augmente la teneur en sel dans le sol, le rendant acide et infertile après, une telle culture. Cela permet à des sables du désert d'envahir le sol infertile et de produire la désertification. Il est prévu que d'ici 2020, 80% des terres, seront devenues infertiles et que l'eau ne sera pas suffisante, pour la consommation quotidienne, dans la région. Les effets de la désertification ne perturbent pas seulement l'écosystème environnemental, mais des études ont montré qu'il existe un lien entre la désertification, la faim et la pauvreté. Elle affecte les niveaux de pauvreté et la sécurité alimentaire, entraînant une baisse, des rendements alimentaires par habitant dans les zones touchées, ainsi que des répercussions négatives sur les retombées économiques du secteur agricole. Stratégie planifiée et atouts En 2008, au cours de ses études universitaires, Sarah a présenté son idée au ministère de l'Environnement en Tunisie, qui a refusé de créer toute sorte de collaboration. Dans un premier temps, Sarah voulait coopérer avec le ministère pour planter des arbres d'acacia, dans les zones désertiques, afin de créer une ceinture verte, pour protéger les terres rurales du sable et du vent. En dépit d'être rejeté par le gouvernement, l'esprit d'entreprise de Sarah l'a poussée à trouver une porte d'entrée plus stratégique. En continuant à travailler sur son idée, quelques mois plus tard, Sarah a été nommée, en tant que jeune changemaker, par les jeunes de Ashoka Venture, une association qui a travaillé avec elle pour créer un plan d'affaires professionnel pour son idée «acacias pour tous». De son temps de travail avec Ashoka, Sarah a appris comment créer le changement par la contribution des citoyens et des agriculteurs. Elle a remporté, en 2009, le prix Youth Venture. Suite à une étude de marché, Sarah a décidé que sa stratégie mettrait l'accent sur l'évolution des pratiques des agriculteurs et des idées en ce qui concerne la durabilité de leurs terres. Elle voulait offrir de nouvelles semences alternatives pour remplacer les cultures couramment cultivées, ouvrir de nouvelles voies pour les agriculteurs, grâce à la recherche sur la désertification, et leur permettre de penser et de créer durablement. Pour susciter des rendements économiques plus élevés, en les organisant en coopératives. Des femmes rurales se lancent dans la culture de l'acacia Pour modifier les pratiques de production des agriculteurs, Sarah a commencé à travailler, en 2011, avec les femmes rurales du village de Bir-Salah, en Tunisie. Elle a reconnu que les femmes représentent un point d'entrée fort, dans le secteur agricole, car elles sont plus réceptives au changement. En outre, la plupart des femmes sont propriétaires de petites parcelles de terre et n'ont pas un accès adéquat à l'éducation ou aux marchés. Sarah a rencontré régulièrement ces femmes, ont discuté de leurs problèmes, et a offert ses solutions. Non seulement Sarah a fait des visites sur le terrain et a parlé avec les femmes, mais elle a également mis en place un centre de démonstration à Bir-Salah, en 2012. Ce centre contenait une pépinière de semences, où les pratiques agricoles durables ont été utilisées par Sarah et son équipe. Après avoir étudié les solutions possibles à la désertification, Sarah a présenté les plantes d'acacia, dans les communautés agricoles de Tunisie, comme une alternative pour les cultures couramment cultivées. Telles les olives et les amandes, qui ne peuvent résister à l'eau salée. L'acacia est un arbre caractérisé par de très longues racines, qui se propagent jusqu'à 100 mètres de profondeur, dans le sol, en procurant de l'eau fraîche en surface. Dernier atout de taille : les acacias peuvent être irrigués avec de l'eau contenant 8 grammes de sel, par litre, par opposition à d'autres cultures traditionnelles, qui ne peuvent être cultivées qu'avec de l'eau de teneur saline de plus de 3 g. «Arrêtons de parler, agissons maintenant». C'est le message fort lancé par la dame aux acacias, Sarah Toumi, lors du One Planet Summit à Paris, mardi 12 décembre 2017. Un cri de détresse, qui sonne comme un appel, pour sauver la planète de la désertification et faire face aux effets du changement climatique.