Par Abdelhamid Gmati Une campagne nationale est en cours depuis une semaine. Il s'agit de contrôler les produits alimentaires, particulièrement en cette période de fêtes de fin d'année, synonyme de consommation et de bombance. Elle est menée par des équipes mixtes regroupant des vétérinaires, des équipes d'hygiène du ministère de la Santé et du Contrôle économique, selon le secrétaire général du syndicat de la police municipale, Mohamed Ouelhazi, qui précise que les pâtisseries, les endroits de vente de volaille et de viande rouge seront inspectés pour s'assurer de la qualité des produits qui sont proposés au consommateur. Il rappelle que d'importantes quantités de produits périmés, notamment des gâteaux, ont été saisies dans des pâtisseries et commerces de plusieurs régions de la Tunisie. Ainsi, 1140 gâteaux impropres à la consommation ont été découverts par une équipe de contrôle à Kairouan, dans deux locaux de fabrication de pâtisseries. A Sousse, près d'une tonne et demie d'amandes, impropres à la consommation, ont été saisies. De fait, les campagnes de contrôle sanitaire sont nombreuses. Dans une précédente chronique (29 septembre dernier), nous avons évoqué le problème et rappelé les 500 cas d'intoxication alimentaire collective qui ont été enregistrés au cours des quatre premiers mois de 2017. Le directeur de la Direction de l'hygiène du milieu et de la protection de l'environnement au ministère de la Santé (Dhmpe) indique : « Durant l'année 2017, nous avons effectué 240 123 contrôles et inspections qui ont permis de relever plus de 20 000 infractions sanctionnées, 180 tonnes de denrées alimentaires ont été saisies, retirées du circuit de la consommation et détruites. Nous avons procédé à la fermeture de 1 055 établissements et dressé 1 640 procès-verbaux qui sont en cours d'instruction devant les tribunaux. Nous avons prélevé et analysé 23 000 échantillons de denrées alimentaires. 55% des saisies sont des fruits et crudités ; 10 tonnes de viande rouge, soit 5% des denrées saisies (contrairement à ce qu'on peut penser). En dehors de ce programme, des campagnes spécifiques mixtes coordonnées avec les autres organismes contrôleurs sont régulièrement organisées. 81 pour l'année 2017 de façon bihebdomadaire sont en cours ». Et il ajoute : « Présents dans les régions, avec 600 contrôleurs officiels, nous nous appuyons sur 22 laboratoires d'hygiène couvrant tous les gouvernorats. En outre, certaines analyses se font dans les laboratoires centraux d'hygiène et d'essai, le laboratoire de l'Institut de nutrition, le laboratoire du Citet (Centre international des technologies de l'environnement de Tunis) et à l'Institut Pasteur ». Cependant, les services concernés déplorent que le contrôle souffre d'un manque d'effectifs, de moyens logistiques et d'agents qualifiés pour certains organes de contrôle nouvellement constitués. Le ministère du Commerce ne dispose que de 350 agents sur le terrain pour contrôler 425 000 points de vente sur tout le territoire ! Ces contrôleurs ne disposent pas toujours de moyens pour se déplacer, ni de dispositifs sécuritaires pour mener à bien leurs missions de saisie. Idem pour les vétérinaires qui ne sont que 85 pour contrôler 220 abattoirs. Selon le président de l'Organisation de défense du consommateur (ODC), Selim Saadallah, « les organismes de contrôle sont totalement dépassés. Ils souffrent tous d'un manque d'effectifs et de moyens. Pas moins de 582 000 détaillants, 75 000 grossistes et 24 000 cafés face à 500 contrôleurs dans le meilleur des cas. A l'exception des campagnes nationales où les équipes mixtes font un travail coordonné et efficace ». Ces campagnes mixtes à caractère ponctuel sont efficaces et donnent de bons résultats, mais restent des solutions à court terme car elles mobilisent les effectifs de différents corps de contrôle, ce qui peut entraver leur planning préétabli. Ces campagnes sont donc espacées avec un rythme qui répond à des pics de consommation sectoriels ou saisonniers ou en cas de gestion de crise (comme c'était le cas dernièrement). Selon les intervenants, la promulgation des lois sur la sécurité sanitaire et les produits industriels est une urgence. Deux projets de loi ont été soumis à l'Assemblée des représentants du peuple. Le premier porte sur la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux. Il institue la création d'un office national de la sécurité alimentaire regroupant tous les acteurs du contrôle de ce secteur. Le second projet de loi concerne la sécurité des produits industriels et prévoit la création d'une agence nationale de la sécurité des produits industriels qui regroupera également les agents de contrôle issus des différents ministères. En plus de ces mesures, il est préconisé une stratégie nationale d'éducation et de sensibilisation impliquant les médias nationaux et la société civile. En clair, on estime qu'un consommateur averti conscient de ses droits est la première ligne de défense contre les risques qui le guettent et menacent l'économie, la santé et la sécurité nationale.