L'auteur tunisien Moncef Ben Ayed passe au peigne fin le secteur «sinistré» de l'édition 2006-2016 dans son nouvel ouvrage. Le secteur de l'édition en Tunisie connaît depuis des mois un certain tumulte et d'énormes difficultés qui se sont accentuées avec les conflits incessants entre les éditeurs et la direction du livre au sein du ministère des Affaires culturelles allant jusqu'à la démission de la directrice générale chargée de ce département. Cela dit, la situation ne s'est pas améliorée d'un pouce dans ce secteur «sinistré», comme l'a affirmé le ministre des Affaires culturelles lui-même, Mohamed Zine El Abidine, en dépit de la proclamation de l'année 2018 année du livre tunisien et le lancement du programme «Cités des livres et des lettres». Les critiques adressées à la commission d'acquisition, les reproches formulées à la commission de subvention du papier plaçant le livre au bas de l'échelle des priorités du Fonds d'encouragement à la production littéraire et artistique, ainsi que l'absence d'un mécanisme de la recommandation d'édition sont autant de problèmes qui préoccupent les éditeurs et les auteurs. L'ensemble des ces questions a été soulevé par l'auteur Moncef Ben Ayed dans une nouvelle étude publiée en langue française intitulée «L'édition en Tunisie 2006-2016, réalités et perspectives». Dans ce livre, publié aux éditions Atlas, l'auteur dresse dans un centaine de pages un diagnostic de l'état des lieux du secteur de l'édition au cours de la décennie 2006-2016, tout en proposant des suggestions aux décideurs pour promouvoir ce secteur à partir de son expérience professionnelle de près de 40 ans. Cette étude est une continuation de son premier ouvrage publié en 2004 sur le livre tunisien et consacré à l'analyse statistique de l'édition pour la période 1984-2002. L'auteur s'est mis pour objectif, dans ce nouveau livre, de déterminer, d'une manière assez précise, l'évolution du secteur de l'édition, en cernant aussi bien le nombre d'éditeurs que leurs productions durant une dizaine d'années 2006-2016, ainsi que la production des entreprises et structures publiques pour arriver à déterminer enfin la production du secteur informel qui occupe une place non négligeable dans la production éditoriale nationale. Pour l'auteur, toutes ces données sont primordiales pour avoir une idée générale sur l'état des lieux du secteur de l'édition en Tunisie et essentielles pour l'établissement d'une stratégie, à même de secourir efficacement le secteur en Tunisie. Du point de vue méthodologie et en l'absence de sources d'informations crédibles, selon les propos de l'auteur qui permettent de faire des recoupements et des vérifications supplémentaires, Moncef Ben Ayed s'est limité à quelques données de la direction des lettres au ministère des Affaires culturelles et aux rares études faites sur le secteur, dont la plus récente est celle de Ghazi Mejbri, réalisée pour le compte de l'Unesco en 2011, ainsi qu'aux parutions annuelles de la bibliographie nationale, dont les chiffres demeurent une source fiable couvrant la majeure partie de la production. Dans son livre, il a passé au peigne fin les différents axes du marché et de la politique d'encouragement au livre en Tunisie. Il a, dans ce sens, souligné que l'esprit des acquisitions a instauré un marché artificiel du livre en Tunisie où les achats officiels représentent une partie importante du chiffre d'affaires de tous les éditeurs et a enraciné, de la sorte, chez les éditeurs la mentalité de «l'assisté» et ont limité auprès de ces derniers tout esprit d'initiative et de prise de risque. Il a tenu à souligner, par ailleurs, que la population scolarisée est considérée en Tunisie comme le principal client, ce qui a limité la lecture en Tunisie en une lecture utilitaire. L'auteur propose en dernière partie un plan d'action avec une série de suggestions pour remédier à la situation de plus en plus difficile dans laquelle se débattent tous les métiers du livre, à commencer par l'édition, en passant par la diffusion et la distribution pour arriver enfin aux librairies. Tout en insistant sur le fait que les solutions à trouver se doivent d'être collégiales, où la contribution de tous est fortement recommandée, l'auteur formule des propositions concernant essentiellement les correctifs à apporter au fonctionnement des dispositifs actuels de soutien et d'aide, et améliorer ainsi un tant soit peu leur efficacité. Ce livre, se veut, selon l'auteur, une occasion pour déclencher un débat profond et fructueux entre les différentes parties prenantes dans la chaîne de l'édition afin de trouver ensemble les solutions à même de promouvoir le secteur et de hisser le livre tunisien du point de vue forme et qualité, et d'assurer ainsi son rayonnement à l'échelle nationale et internationale.