Une œuvre où couleurs, dessins et sons sont en harmonie et se frayent leur propre proposition identitaire et visuelle dans l'imaginaire collectif. Dans la réalité comme dans la fiction, les éléments qui font le lien entre l'Histoire de l'humanité et son présent sont récurrents. Un thème de prédilection pour tous les arts et en particulier le cinéma, qui les rassemble tous. L'adaptation illustre à merveille ce voyage dans le temps et parmi les arts. Un chemin que la cinéaste Nadia Rais a décidé d'arpenter pour son dernier court-métrage « Briska », qui sortira fin janvier 2018 en Tunisie. « Briska » est l'un des personnages de la pièce « Ahl al-Kahf » (Les gens de la caverne, 1933) de l'écrivain et dramaturge égyptien Tawfik al-Hakim, dont Nadia Rais propose une adaptation libre, la première de son parcours, toujours en dessins animés comme dans ses précédents courts-métrages « L'Ambouba » (2010), « L'Mrayet » (2011) et « Survival visa » (2014). « Cette œuvre de Tawfiq al-Hakim est considérée comme du théâtre tragique, ne pouvant être ‘‘vécue que par l'esprit'' et, de ce fait, se prête parfaitement à une adaptation sous forme de film d'animation vu que son texte appelle et sollicite fortement l'univers imaginaire du lecteur », note la réalisatrice à propos de son choix. Justement, Nadia Rais dit avoir suivi son intuition pour donner à l'œuvre ses repères et son identité visuelle et sonore dans le nouvel univers cinématographique que Nadia Rais lui a dessiné. Une adaptation libre Il y a en effet la pièce et il y a son adaptation. Dans la première, l'auteur explore la tragédie de l'être humain face au passage du temps à travers « quatre personnages imaginaires, Marnouche (la raison), Mechlinya (le rêve), Yamlikha (le spirituel) et son chien, contraints de se réfugier dans une caverne afin de fuir des persécutions religieuses et qui, après avoir sombré dans un profond sommeil, se réveillent trois siècles plus tard, non pas suite à un miracle religieux mais après un passage à un nouveau monde où ils y affronteront le temps et la volonté de faire un retour conscient ». Dans la seconde, les mêmes personnages portent le film de Nadia Rais mais celle-ci les entoure de motifs imaginaires et de décors organiques et floraux, qui ont leur rôle et leur symbolique dans la trame de « Briska », comme un clin d'œil à la Terre qui porte toutes ces histoires traversant les époques. « L'histoire, écrite en 1933, reste aujourd'hui d'actualité puisqu'elle traite de la question de la renaissance des civilisations et du pardon. Et cela dans le monde en général et dans un contexte arabo-musulman plus précisément », explique la cinéaste, qui se demande à travers ce film si un éveil et un nouveau commencement sont possibles pour le monde arabe. « Plusieurs peuples se reconnaîtront dans une histoire comme celle-ci Ils vous diront alors, que ceux qui sont partis reviendront. Et ceux qui meurent, ressusciteront. C'est l'histoire éternelle de l'humanité. Mais, est-ce possible, même lorsqu'elle commet l'erreur? » (Tawfiq al-Hakim) Le berbère tunisien pour un message universel La caverne devient donc le symbole de la disparition comme de la renaissance, de la noirceur comme de l'espoir. Sa symbolique « tirée de l'histoire des Sept Dormants d'Ephèse de la tradition chrétienne et de la Sourate du Coran intitulée Al-Kahf » lui confère une dimension universelle au-delà de l'espace et du temps. Nadia Rais va plus loin en faisant le choix audacieux et original d'écrire les dialogues du film en berbère tunisien. Un choix qui a complètement transformé son film, avec l'appui de la musique composée par Wael Jegham (aka Ghoula). Les textes ont été traduits et lus par le comédien et plasticien tunisien Brahim Zarrouk. « L'enregistrement en berbère, avec une recherche musicale montée sur une partie du film fini, avait donné une identité à part et une impression d'être dans un contexte universel », raconte Nadia Rais pour qui cela a été un véritable déclic. « Je le fais avec tout l'honneur que l'on doit à cette civilisation berbère, et à nos ancêtres qui malgré tout ont su résister », ajoute-t-elle à propos de son film qui sortira en Tunisie fin janvier 2018. Un film qui marque une nouvelle étape dans la carrière de Nadia Rais, avec une exploration graphique nouvelle, tout en étant dans la continuité de ses précédentes expériences. Le passage des personnages et des décors du présent urbain à ceux du conte atemporel est un pari réussi pour la cinéaste avec cette œuvre où couleurs, dessins et sons sont en harmonie et se frayent leur propre proposition identitaire et visuelle dans l'imaginaire collectif. Après «Briska », Nadia Rais poursuit son aventure cinématographique avec une nouvelle adaptation de la littérature arabe, qui fera l'objet de son premier long-métrage. Production : Propaganda Production Producteur : Imed Marzouk Réalisation, Scénario : Nadia Raïs Graphisme, Décor, Layout : Nadia Raïs Eléments graphiques : Ghadda Chemma Animation : Amine Kéfi Storyboard : Amine Kéfi, Nadia Rais Compositing : Zoubeier Zekri Coloriste : Fatima Goutali, Bochra Taboubi, Myriam Dachraoui, Enis Rekik, Emna Kahouaja, Nour Ouni, Ons Oueslati Montage : Fatma Ben Aïssa Musique : Wael Jegham Voix : Brahim Zarrouk