Hassen Doss est l'un des chanteurs lyriques les plus distingués en Tunisie. Il a créé son propre style qui lui a valu d'avoir un public attiré par sa voix mais surtout par l'univers que créent ses chansons. Votre parcours musical a commencé à Sousse... Tout a commencé avec un groupe de métal-rock que j'ai formé avec un groupe d'amis. Cela se passait dans un garage qu'on a isolé avec ces cartons qui servent de plateaux pour les œufs. C'était un jeu de gamins qui construisent tout un monde. Ensuite j'ai rejoint l'institut de musique après le bac. Il faut dire que je n'étais pas brillant car je n'avais pas d'atomes crochus avec la musique arabe. Mais mon score au baccalauréat ne me permettait pas d'abord d'avoir l'institut de musique. J'ai dû faire un an de fiscalité avant de refaire une réorientation qui m'a permis d'intégrer l'institut de musique de Sousse. Pendant quatre ans, j'étais major de ma promotion avant de faire un mastère. J'ai étudié le chant en parallèle et j'ai eu un prix au concours «Vienne en Voix». Cela m'a permis de faire des productions d'opéras avec les Français. Ensuite j'ai fait l'université de musique et théâtre à Munich en Allemagne où j'ai étudié pendant un an et demi. C'est étonnant de vous voir choisir le chant lyrique... Absolument ! Mais c'est l'opera qui est venu à moi je n'ai pas choisi de faire de l'opéra. Pendant ma deuxième année à l'université de Sousse, il y a eu des professionnels étrangers pour préparer l'Opera qui ouvrira ses portes à la Cité de la culture. Henry Renné et Joëlle Heuyon sont donc venus a Sousse, invités par Mohamed Zine El Abidine pour former un chœur qui constituera l'Opéra de Tunis. J'ai passé le test du casting et on m'a dit que si je choisissais cette voie je pourrais aller très loin. Cela s'est passé en 2009. Alors, deux choses m'ont tout de suite retenu : le coup de foudre pour l'opéra déclenché par Henry Renné qui a chanté avec Pavarotti et Joëlle Heuyon, maître de conférence à Paris. Deux grosses pointures dans cet art. J'ai adoré la rigueur et la discipline qu'imposait l'opéra avec ces personnes. La deuxième raison, c'est cette puissance que me donne ma voix quand je chante. Je me sens vraiment puissant quand je chante l'opera. Cela fait plus de douze ans que vous avez découvert l'opéra, qu'avez vous retenu de cet art ? L'opéra m'a permis d'être un artiste complet. Car l'opéra contient le théâtre, le chant, la musique,la danse, les costumes et les leçons d'histoire. C'est un art complet ! La formation en Allemagne m'a beaucoup aidé. Puis j'ai quitté l'Allemagne parce que je voulais créer en Tunisie. Cela dit, pendant ces trois dernières années, j'ai compris que je suis en train de travailler sur un style unique et particulier. Je sens également que je peux prétendre à une carrière internationale avec un départ depuis la Tunisie. Qu'est-ce qui vous rattache le plus à l'acte de création ? Tout simplement l'enfance. Créer, pour moi, c'est redevenir un enfant et vivre une expérience très particulière. Sur ce retour à l'enfance, se greffent également plusieurs expériences de vie reliées à différents espaces. Ecriture musicale, paroles et images, c'est tout un monde qui me fascine. D'habitude, les chanteurs lyriques ne sont pas attirés par les clips mais vous, vous en produisez de plus en plus. Je trouve que c'est extraordinaire d'être un chanteur lyrique, un compositeur et faire des clips ! Les clips ont le mérite de compléter l'œuvre musicale. De nos jours, le clip est obligatoire. D'autre part, le process de création dans mes compositions est toujours une traduction de ce que j'ai vécu par des images et par des sons. Le passage au clip est dans ce cas très naturel pour moi et c'est ce qui m'a permis de réaliser mes propres clips. «Tayer» par exemple et «Hoah» sont mes réalisations que je trouve très respectables, d'ailleurs. Selon vous, l'art lyrique a-t-il vraiment sa place aujourd'hui au milieu de toutes ces musiques underground et alternatives qui séduisent de plus en plus le public ? En juillet 2016, j'ai organisé un concert à El Jem. J'étais vraiment impressionné par le public qui est venu assister au spectacle. Le théâtre était complet. J'avais vraiment peur. Je ne m'attendais pas du tout à voir tout ce public tunisien de différentes tranches d'âge qui allait se laisser envoûter par ce que je chantais ! L'Orchestre symphonique tunisien avec Hafedh Makni joue toujours au complet au théâtre municipal. Cela me permet de dire que l'opera a son public en Tunisie. Il s'agit d'un grand public où il y a beaucoup de jeunes qui veulent découvrir de la qualité pour leur ouïe. On croit savoir que vous voulez tentez votre chance aux Etats-Unis? Je pense que je vais passer la vitesse supérieure et viser une carrière internationale. J'avoue que les Etats-Unis sont dans mes projets. Je pense que je vais écrire des chansons en anglais pour le public tunisien qui est très ouvert aux langues étrangères, tout en gardant mon style musical.