Compte tenu des pièces programmées au cours de cette 10e édition du Festival du Théâtre arabe organisé à Tunis du 10 au 16 janvier, le théâtre arabe n'a pas bonne mine. Les créations proposées n'ont pas été à la hauteur d'un public habitué à un meilleur rendu. Après sept jours de compétition, le jury, composé de Rafik Ali Ahmed du Liban (président), Khaled Rwiaî du Bahreïn, Othman Jameleddine du Soudan, Mohamed Moubarek du Koweït et Mohamed Bakri de Palestine, a rendu, mardi dernier au cours d'une cérémonie tenue au Théâtre municipal de Tunis, son verdict. Et c'est la pièce marocaine «Solo» de Mohamed El Hor et Hajar El Hamidi qui a été sacrée meilleure pièce de cette 10e édition de ce festival itinérant dont la 11e édition aura lieu au Caire. Le président du jury a également rendu hommage au public tunisien pour sa présence et son intérêt pour le théâtre. Puisque nous évoquons le public, nous pouvons affirmer qu'il était au rendez-vous. Indiscipliné certes, souvent branché à son téléphone portable, mais il était présent pour suivre les représentations venues des pays du Machrek et du Maghreb. Le niveau des pièces en provenance du Machrek ou du Golfe arabe est archaïque. Le Koweït, l'Arabie Saoudite ou encore les Emirats sont encore au stade prosaïque qui consiste entre autres à se servir d'un élément de décor pour le détourner de sa fonction initiale et le décliner en bateau, table de bureau, cellule de prison, lit, etc. Comme la parole n'est pas tout à fait libre, alors on s'amuse à amuser la galerie avec des situations cocasses d'un autre temps. Ce genre de théâtre primaire devrait être interdit de festival tant il est médiocre. Pourquoi asséner le public, qui s'est déplacé de loin, avec des pièces ratées tant sur le plan visuel que sonore. S'agit-il de participer pour participer ? Ou pour satisfaire l'Organisation du Théâtre arabe qui investit un budget énorme dans la production et l'édition de contenus dérisoires. La création exige une grande liberté d'esprit et une culture ouverte sur l'autre. Et dans le cas d'espèce, l'argent, à lui seul, ne fait pas l'art. Même l'Egypte qui dispose d'une longue tradition théâtrale n'a pas donné satisfaction avec «El Jalssa» de Mondhel Antar. Une histoire de démons qui gesticulent dans des costumes ridicules couleur noire vernie. Une pièce confuse où les protagonistes errent sans savoir où aller. Quand l'Egypte fait de l'expérimental, c'est souvent raté. Côté Maghreb, la production théâtrale est beaucoup plus riche, plus colorée, mieux structurée. L'Algérie a fasciné public et critique avec la pièce «Mabqat Hadra» de la troupe de Skikda. Une tragicomédie du dramaturge Mohamed Cherchel qui met en scène une bande de clowns survoltés qui, afin de faire revenir l'hiver, doivent cesser toute parole et s'entraider. La pièce marocaine «Solo», écrite et mise en scène par Mohamed El Hor et Hajar El Hamidi, relate un témoignage émouvant de Zahra Ahmed qui raconte l'histoire de son émancipation d'un passé douloureux, où elle était obligée de vivre comme un homme, à travers un voyage empreint de spiritualité et de piété. La Tunisie n'a pas survolé les autres pays comme d'habitude. C'est répétitif. On a l'impression que toutes les pièces se ressemblent. Il est difficile de distinguer l'une de l'autre. Le point commun entre toutes les pièces est le style de Fadhel Jaibi. Une dominante qui a fait son temps. Les jeunes sont appelés à quitter le costume du père Jaibi et de voler de leurs propres ailes. Déficit d'imagination ou lassitude, la pièce «30 ans déjà» de Taoufik Jebali, présentée lors de cette soirée de clôture avant l'annonce du palmarès, est tout juste un long et lent condensé des scènes les plus saisissantes des productions d'El Teatro. Ce spectacle, qui est une célébration ludique et festive, interprété par plusieurs générations d'acteurs issus du studio El Teatro, sous la houlette de Taoufik Jebali, a permis au public de revivre les moments forts de pièces indémodables comme Klem Ellil, Houna Tounes, Les voleurs de Bagdad, Contre X... ainsi que de jouer des actes inédits de quelques œuvres jamais présentées, le tout enveloppé dans un format intégré et harmonieux mais qui s'étire en longueur et devient ennuyeux d'autant plus que c'est du déjà vu.