PARIS (Reuters) — Nicolas Sarkozy a annoncé hier qu'il prendrait prochainement des initiatives avec le Président de l'Autorité palestinienne pour débloquer le processus de paix au Proche-Orient, sans préciser lesquelles. Lors d'une conférence de presse avec Mahmoud Abbas, le Président français a, en revanche, pris ses distances avec l'idée défendue par son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, de proclamer immédiatement un Etat palestinien. "Nous sommes d'accord sur la nature d'initiatives que nous pourrions prendre ensemble", a dit Nicolas Sarkozy à l'issue d'un déjeuner de travail avec le dirigeant palestinien. Ni l'un ni l'autre n'ont voulu en révéler la teneur avant d'avoir pris "tous les contacts nécessaires". Si rien n'est fait pour relancer les négociations entre Israéliens et Palestiniens, "ça sera la catastrophe", a insisté Nicolas Sarkozy, qui a réitéré son soutien "total" à Mahmoud Abbas et dit travailler "main dans la main avec les Américains". Dans une interview au Journal du Dimanche, Bernard Kouchner s'est déclaré "tenté" par la proclamation rapide d'un Etat palestinien et sa reconnaissance immédiate par la communauté internationale, "avant même la négociation sur les frontières". Une idée rejetée par le gouvernement israélien de Benyamin Netanyahu et que ne reprend d'ailleurs pas le ministre français des Affaires étrangères dans une tribune publiée hier, avec son homologue espagnol Miguel Angel Moratinos, dans Le Monde. Le Président de l'Autorité palestinienne n'a pas paru très convaincu de la nécessité d'une telle proclamation à ce stade. "Les négociations avant, la proclamation de l'Etat ensuite", a dit Mahmoud Abbas, selon qui l'Autorité palestinienne, en tout état de cause, ne prendrait pas d'initiative de la sorte sans accord avec "tous les pays du monde". "La paix ne viendra que par les négociations", a-t-il ajouté. "Je souhaite que la partie israélienne nous aide pour que nous puissions continuer à aller dans cette direction." Nicolas Sarkozy a pour sa part insisté sur la nécessité de mettre en place un Etat palestinien "viable" et "réel". "Bernard Kouchner s'est interrogé, et à juste titre, sur le temps que prenait tout ceci et il a mis sur la table un certain nombre de possibilités au cas où on ne débloquerait pas les choses", a déclaré le Président français. "Mais (...) que voudrait dire un Etat palestinien dans le principe, qui n'aurait pas de frontières, qui n'aurait pas de continuité et qui n'aurait aucune façon de fonctionner ?", a-t-il poursuivi. "Ce que nous voulons, lorsque nous plaidons pour un Etat palestinien, c'est un Etat réel qui puisse donner un avenir aux millions de Palestiniens. Ce n'est pas simplement une idée." Il a rappelé que le point d'arrivée du processus de paix devait être, pour Paris, un Etat palestinien dans les frontières d'avant la guerre israélo-arabe de juin 1967, vivant en paix aux côtés d'Israël, avec Al Qods comme capitale des deux entités. Nicolas Sarkozy n'a cependant pas écarté l'idée de "marquer politiquement, le moment venu (...) l'idée de cet Etat pour lui donner un cran de plus", si le processus de paix n'avance pas. Dans leur tribune au Monde, Bernard Kouchner et Miguel Angel Moratinos estiment pour leur part que l'Union européenne ne doit plus s'en tenir à une posture "incantatoire". Elle doit, selon eux, proposer des garanties politiques, financières et en matière de sécurité, pour aider Israéliens et Palestiniens à surmonter les "risques de la paix". "Nous devons proposer (...) un calendrier de négociations limité sur l'ensemble des questions du statut final (...) et un mécanisme sérieux qui tirerait les leçons des erreurs du passé", poursuivent les deux ministres. L'Europe pourrait promouvoir des "mesures de confiance audacieuses" sur le terrain et accueillir un sommet pour la paix. Ce n'est qu'à l'issue de cette conférence que l'Europe "reconnaîtrait collectivement l'Etat palestinien", ajoutent-ils.