Par Abdelhamid Gmati Selon l'humoriste français Coluche, «les syndicalistes et les fonctionnaires ont tellement l'habitude de ne rien faire que lorsqu'ils font grève, ils appellent ça une journée d'action». A observer ce qui se passe chez nous, ces dernières années, on serait tenté d'accorder quelque vérité à cette boutade. Il y a tellement de grèves qu'on se demande si ce n'est pas un jeu. Les syndicats des salariés et des cadres de la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) ont décidé de suspendre les activités de leur entreprise à partir de jeudi 8 février 2018 pour protester contre les récentes grèves et mouvements de protestation observés autour des unités de production de l'entreprise. On peut dire qu'ils sont en grève contre la grève. Mais n'aggravent-ils pas le problème ? On sait que la paralysie de la production au bassin minier en raison des protestations sociales porte un grave préjudice à la Compagnie mais affecte également le Groupe chimique dont les pertes avoisinent, depuis trois jours, les 8 millions de dinars quotidiennement. Suite à l'arrêt total de la production du Groupe chimique, 3.400 ouvriers risquent d'être mis au chômage technique. Et ce ne sont pas les seuls fonctionnaires qui se mettent en grève. Les agents et des cadres du ministère du Transport avaient programmé une grève pour mardi dernier. Elle a été officiellement reportée au 20 février. Certes cette grève n'aura aucun impact sur les moyens de transport en commun, et n'affectera pas le déplacement des citoyens. Mais elle risque d'affecter les intérêts des autres agents du ministère. Les agents et cadres de la présidence du gouvernement devaient observer, jeudi dernier, une grève avec présence sur les lieux de travail. Le syndicat réclame notamment de garantir le droit syndical des agents et cadres de la présidence du gouvernement, de créer une mutuelle au profit de son personnel et de procéder à des promotions professionnelles. Les agents et cadres de l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie), rattachés à la direction centrale et toutes ses annexes, ont décidé de reprendre leur sit-in après la fin de la séance nocturne de mercredi dernier, pour protester contre «l'indifférence de l'Isie» à l'égard de leurs «revendications légitimes». «Le sit-in se poursuivra jusqu'à la satisfaction de nos revendications légales et légitimes énoncées par la loi et nous allons durcir notre mouvement de protestation dans les prochains jours », disent ils. De son côté, Habib Mizouri, secrétaire général du syndicat de la Poste tunisienne, a affirmé que suite à la réunion de la commission administrative sectorielle de la Poste au siège de l'Ugtt, la Poste tunisienne a lancé un appel à une grève générale qui sera observée les 21, 22 et 23 février. La grève des enseignants du secondaire est devenue récurrente ces dernières années. Ainsi, une grève sera observée dans tous les collèges et lycées de Tunisie le 15 février d'après la commission administrative sectorielle de l'enseignement secondaire. Il a été décidé de ne pas remettre les notes des examens du 1er semestre à l'administration. Selon le secrétaire général adjoint de la Fédération générale de l'enseignement secondaire relevant de l'Ugtt, Morched Idriss, «la commission a décidé de poursuivre les mouvements de protestation afin de réclamer une série de revendications qui concernent, essentiellement, l'amélioration de la situation matérielle des professeurs de l'enseignement secondaire et d'éducation physique». Les enseignants universitaires sont aussi en grève. Le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Slim Khalbous, a déclaré que la grève administrative annoncée et observée par l'Union des enseignants universitaires et chercheurs tunisiens (Ijaba) est «irresponsable» et «inacceptable». Il a assuré que les jours de grève seront prélevés sur les salaires des enseignants grévistes. Pour lui, «il est inadmissible de prendre en otage les étudiants. Ce n'est pas de cette façon qu'on va attirer l'attention sur la situation de l'enseignant universitaire. Cela n'a pas de sens». Les étudiants en médecine, les médecins internes ainsi que les médecins résidents ont décidé de prolonger leur grève générale observée à partir de ce mardi 6 février, et ce suite à l'appel de l'Organisation tunisienne des jeunes médecins. Ils avaient observé une grève les 6, 7, et 8 février afin d'appeler à la mise en œuvre de l'accord de février 2017 et de dénoncer le retard de la publication du décret relatif au statut de base des médecins internes et médecins résidents. Le ministre de la Santé, Imed Hammami, s'est dit surpris de la grève entamée par les jeunes médecins. Hammami a souligné que son administration a répondu à l'ensemble des revendications des jeunes médecins. Seuls quelques points relevant du ministère de l'Enseignement supérieur demeurent encore en suspens, a-t-il ajouté, estimant que cette grève est injustifiée. L'Utica n'est pas en reste. Son président, Samir Majoul, estime qu'«après la révolution, l'idée générale est que celui qui descend dans la rue obtient ce qu'il veut. Pendant les réunions du conseil national de l'Utica, les artisans, les chefs d'entreprise et les membres des chambres syndicales nationales régionales nous demandent de descendre dans la rue, parce que c'est le seul moyen de pression. Nous ne sommes pas forcément d'accord sur cette méthode, nous espérons toujours avoir gain de cause par la concertation et la négociation». En fin de compte, le jeu de la grève est rentable.