Le seuil mondial de pénurie en eau situé à 1.000 m3/hab/an se situe à 450 m3 en Tunisie. Le fossé se creuse. La croissance démographique est le premier facteur qui cause le déséquilibre des besoins en eau et par conséquent la pénurie qui en découle. «On table sur une population de 10,5 milliards d'habitants dans cinquante ans. Les besoins en eau augmentent, la population augmente et la disponibilité en eau reste la même!». Cette intervention marquante du secrétaire d'Etat aux ressources hydrauliques, M. Abdallah Rebhi, autour des tables pour leur expliquer les enjeux et les défis de l'eau à la lumière du passé et des réalités infrastructurelle de la Tunisie en termes de barrages a constitué le point d'orgue. Les barrages se remplissent moins qu'auparavant. «Le barrage de Kairouan, fermé depuis juin 2017, contient très peu d'eau et connaît une situation critique. Le problème de l'eau est, désormais, posé avec les coupures d'eau de robinet. L'eau doit constituer une priorité nationale pas uniquement quand il y a pénurie». Les années 2015, 2016 et 2017 sont les années les plus sèches sur la planète. La pénurie d'eau est un phénomène mondial vécu différemment par les pays du globe terrestre. Si, en Turquie ou en Italie, les ressources en eau sont abondantes, en Afrique du Sud, Cape Town, ce n'est pas le cas. Cette ville de quatre millions d'habitants fait face à une menace du jour zéro, au cours duquel il n'y aura plus d'eau en avril 2018 qui signifie l'absence totale d'eau. Deux cents puits y ont été aménagés pour survivre à la catastrophe imminente. La Tunisie doit se prémunir pour ne pas vivre un tel scénario et ne pas dormir sur ses lauriers en croyant que l'eau est une source inépuisable. Le seuil actuel n'est pas rassurant avec une baisse de la pluviométrie sur notre sol, conjuguée à l'augmentation de la population. Les années 1960, 1970 sont bien lointaines car les ressources en eau étaient plus abondantes et la population limitée à quatre millions d‘habitants. La Tunisie ne doit pas attendre que le comble soit atteint mais au contraire agir et réagir. Comme veut le faire entendre le projet Agire pour un rôle accru du journaliste dans le changement du comportement des citoyens pour une meilleure économie de l'eau. A ce sujet, un séminaire de formation des journalistes sur les ressources en eau en Tunisie s'est déroulé à l'hôtel Africa les jeudi 15 et vendredi 16 février 2018 en partenariat avec le groupe allemand GIZ. Le journaliste a un rôle catalyseur dans la transmission de l'information juste et fiable qui puisse guider les décideurs dans des résolutions qui mettent le doigt sur le point épineux du problème sans se disperser. L'eau est une source vitale «L'eau est une ressource naturelle tout comme le pétrole ou le phosphate». Depuis 70 ans, la Tunisie était reconnue sur le plan technique pour sa gestion des ressources hydrauliques, comparée à l'Algérie et au Maroc, le ministère de l'Agriculture ayant joué un rôle aux avant-postes constamment et se croyant auto-suffisant. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, beaucoup de choses ont changé. Décideurs, agriculteurs, administration et usagers doivent travailler sur la valeur de l'eau. De nouvelles mesures de sensibilisation du ministère de l'Agriculture et des Ressources hydrauliques sur la rationalisation de l'eau sont envisagées. Selon l'Onagri, «L'eau est le doit de chaque citoyen!». M. Issa Agoune, hydrogéologue, a présenté un exposé sur les défis du secteur de l'eau. Il rappelle d'emblée l'article 44 du 27 janvier 2014 dans la Constitution tunisienne : Le droit à l'eau est garanti. La préservation de l'eau et la rationalisation de son utilisation sont un devoir de l'Etat et de la société». La sécurité économique, la justice sociale et la préservation de l'environnement sont essentiels dans la gestion équitable de l'eau. Limiter l'utilisation de l'eau souterraine Il y a une législation en Tunisie contre la surexploitation de l'eau. Malgré tout, «onze mille forages et autres quinze mille illicites qui octroient 19% des ressources en eau souterraine ont été recensés», affirme M. Faycal Jelassi, chef de division du Crda La Manouba. Toutefois, le forage dans le sol pour obtenir de l'eau et combler le manque d'eau est une technique qui permet de prendre un crédit en eau sur le futur. Le sous-sol contient de l'eau stockée depuis 100 ans. Les futures générations vont souffrir des conséquences. L'eau profonde est millénaire mais elle ne peut être renouvelée car elle n'est pas durable. Le ministère de l'Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche, en collaboration avec la Sonede, la société nationale d'exploitation et de distribution des eaux, a remis des dépliants aux présents pour apprendre aux citoyens les gestes du quotidien dans l'économie de l'eau et réduire la facture de consommation en eau. La création d'une police de l'eau pour contrôler et protéger les 820.000 kilomètres de conduites d'eau en Tunisie est un point positif, de l'avis des experts. Tandis que des problèmes d'application de la loi sont relevés. Les agriculteurs agissant sous couvert de l'Utap (syndicat agricole) pour ne pas se résoudre à payer les factures d'eau constituent la goutte de trop. Ils sont pointés du doigt pour leur manque de conscience. Pour autant, «il faut construire sans plus attendre!», affirmera l'un d'eux. «L'eau est un bien précieux, une richesse inestimable dont les générations futures auront besoin tout autant que nous».