Par Khaled TEBOURBI L'événement culturel de ce mois est, sans conteste, l'ouverture du bureau «Europe créative» à Tunis. Le «desk Tunisia», aiment à dire les anglicistes de l'UE. Evénement à plus d'un titre. D'abord parce que cette ouverture fait suite à un vote de l'ARP en date du 27 juillet 2017, relayant, lui-même, une convention de coopération signée avec l'Union européenne, en mai de la même année. Une affaire bien officielle donc. Pas un accord «passager». Affaire d'investissements et d'argent, qui plus est, qui se prolongera jusqu'en 2020. Nos Arts et notre culture n'en croisent pas tellement sur leur chemin. Mieux : il y a, aussi, que la Tunisie est le seul pays maghrébin et arabe autorisé à intégrer le programme. Comme membre à part entière, pratiquement avec les mêmes obligations et les mêmes droits. Pour l'image, déjà, c'est un bel acquis. Vient enfin (surtout ?) qu'en termes de réalisation, nous opérerons là sur du concret. Le discours culturel a prévalu jusqu'ici. Trop. Si nous savons tirer avantage de ce que l'on nous offre, nous abandonnerons sûrement les «discours» pour l'action. Qu'est-ce maintenant que le programme «Europe créative», et puisque nous y sommes qu'y trouverons-nous de bon ? «Europe créative» est un gros outil d'investissement culturel et artistique, 1,4 milliard d'euros, créé en 2014 par le parlement et le conseil de l'UE, pour (on cite) «faire face aux changements structurels posés par la mondialisation et le passage au numérique». Trois volets : culture, médias,et un «trans-sectoriel », récent (2016), mettant en œuvre un fonds de garantie pour encourager l'entrepreneuriat. Le détail égale l'importance des moyens. Cela va de l'aide au financement des projets de coopération,aux réseaux et plateformes dans les domaines créatifs (spectacles vivants, arts visuels, etc.), à la circulation des œuvres, à la traduction, à (volet spécifique) l'industrie du cinéma, l'audiovisuel, aux projets portés par les professionnels (producteurs, distributeurs, agents de vente, festivals, organismes de formation). Et la liste s'étendra encore en 2018 à l'occasion de l'année européenne du patrimoine avec les appels à propositions spécifiques (patrimoine et sentiment d'appartenance, patrimoine et art contemporain, et patrimoine et secteurs créatifs et culturels). Tout cela profite aux adhérents. Aux Européens comme aux Tunisiens ? En règle générale, oui. Nos artistes pouvaient présenter leurs dossiers dès septembre dernier. En divers projets :de créations,de formation, de financements d'espaces indépendants,de mobilité, etc. En pratique, c'est moins évident. Prime obstacle : les projets, pour la plupart, ne s'admettent que sous forme de partenariat. Européen, cela va de soi. Les règlements et les statuts d'«Europe créative» énoncent bien leur tendance à la diversité, à l'échange, à la coopération, à la«transnationalité», mais ses textes «majeurs» vont tous dans une seule et même direction : l'Europe, les Arts et la culture d' Europe, les intérêts de l'Europe. Imaginons les conséquences sur les projets proposés. Second :ces mêmes projets se soumettent,par ailleurs,à des normes de qualité. En raison de leur coût, s'entend,mais aussi de la compétence et de la haute exigence de ceux qui veillent au programme. Quatre pays seuls, «hors continent», adhèrent à «Europe créative», la Géorgie, la Moldavie, l'Ukraine et la Tunisie. Leur background artistique n'est pas des plus élevés. Il leur faudra se surpasser, trimer, pour mériter de leur adhésion. Le plus probable est que, dans un premier temps, «Europe créative Tunisie» servira à «recevoir» beaucoup plus qu'à «donner». On s'en contentera... en attendant mieux.