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Une panoplie de mesures pour préserver les ressources halieutiques Entretien avec M. Abdallah Rabhi, Secrétaire d'état chargé des Ressources hydrauliques et de la Pêche
La raréfaction de la ressource et les marges de bénéfice acculent aujourd'hui les pêcheurs à s'adonner à des pratiques de plus en plus illicites. La «course au dernier poisson» a-t-elle commencé ? La question mérite réflexion. Du côté du ministère de l'Agriculture et des Ressources hydrauliques et de la Pêche, on s'engage à mettre en place «une gestion concertée, transparente, optimale et durable des pêches et de l'aquaculture dans les eaux nationales», a affirmé dans un entretien M. Abdallah Rabhi, secrétaire d'Etat chargé des Ressources hydrauliques et de la Pêche, qui nous a dévoilé en même temps les dernières mesures prises pour mettre fin à la pêche illicite et préserver nos ressources halieutiques. Le secteur de la pêche souffre de la surexploitation, la raréfaction de la production halieutique et des méthodes de pêche anarchiques. Quels sont les grands axes de la stratégie du secteur de la pêche ? Notre pays s'est doté d'une stratégie de développement du secteur de la pêche et l'aquaculture à l'horizon 2020 qui repose sur quatre piliers, à savoir la protection et la rationalisation de l'exploitation des ressources halieutiques, la réhabilitation du secteur et l'amélioration des services fournis aux professionnels, l'accroissement de la capacité concurrentielle des produits de la pêche marine et le développement de l'aquaculture. On ne peut pas parler de pêche raisonnée sans parler de pêche illicite. Cela nous mène d'abord à évaluer nos stocks marins en matière de ressources halieutiques. Les études d'évaluation sont confiées généralement à nos experts à l'Institut national des sciences et des technologies de la mer (Instm) à Salammbô. Et c'est sur la base de cette évaluation que les saisons de pêche sont organisées. L'objectif est de sauvegarder nos ressources. Le bateau «Hannibal» (un don du Japon) destiné à la recherche et l'étude de la pêche vient d'ailleurs d'être réparé et il est prêt à l'exploitation. Comment se présente la production halieutique aujourd'hui ? Le constat de la raréfaction des ressources n'est plus à démontrer, non seulement pour notre pays, mais aussi pour tous les pays de la Méditerranée. Toutefois, et selon notre dernier rapport, la production pour l'année 2017 a été de 129,5 mille t. contre 126,5 en 2016, ce qui donne une augmentation de 2%. Dans le domaine de la pisciculture, on a aussi enregistré une augmentation de 13%. La production est passée de 16,3 mille t en 2016 à 18,4 en 2017. Ces statistiques confirment qu'il n'y a pas une chute au niveau de la production, mais plutôt une légère augmentation. On est plutôt dans la logique de la stabilité. Cela ne doit pas masquer la détérioration du stock marin. Il y a eu un impact négatif en raison du phénomène de la surexploitation des ressources. Quelles sont les dernières mesures prises contre la pêche illicite ? La marine nationale est venue pour renforcer la lutte contre ce fléau. Un dispositif de contrôle sophistiqué a été mis au point afin de préserver nos ressources halieutiques. En effet, les chalutiers longs de plus de 15 mètres seront équipés d'un système de géolocalisation par satellite (VMS). Ainsi, pourrons-nous traquer à n'importe quel moment la pêche illicite. Une circulaire du ministère de l'Agriculture a été adressée aux services régionaux afin de collecter les demandes des propriétaires de chalutiers en vue de s'équiper de ce système de repérage. Il existe toutefois une certaine réticence à ce niveau de la part de certains propriétaires de chalutiers. Mais il ne faut pas oublier le caractère préventif de cette mesure. Ce nouveau système peut sauver la vie des pêcheurs dans des situations de détresse. Environ 100 propriétaires de bateaux de pêche ont déjà répondu favorablement à cette mesure. Outre cette mesure, 100 garde-pêches ont été recrutés dernièrement et sont en phase de formation au ministère de la Défense. Ils assureront le contrôle au niveau des ports de pêche et relèveront du ministère de l'Agriculture et des Ressources hydrauliques et de la Pêche. On a dans le même contexte lancé un appel d'offres pour l'acquisition de deux vedettes de surveillance ultra-équipées qui vont consolider le système de lutte contre la pêche illicite. Pour terminer, une salle d'opération équipée d'ordinateurs a été mise en place au niveau de notre département qui fonctionne 24 heures sur 24 afin d'assurer le suivi, la coordination et le contrôle à distance des bateaux de pêche équipés de système VMS afin d'assurer une intervention rapide en cas d'infraction ou pour assister les chalutiers dans les situations de détresse. Il va sans dire que ces mesures visant à renforcer les outils de lutte et de contrôle ne suffisent pas. On a, au niveau de notre ministère, mis en place aussi une «Commission de pilotage contre la pêche illicite» qui regroupe des représentants du ministère de la Défense, de l'Intérieur, ainsi que de l'Agriculture et des Ressources hydrauliques et de la Pêche. Cette commission est présidée par moi-même et tient des réunions mensuelles pour analyser la situation et élaborer les recommandations. Toujours dans le cadre de cette lutte, il y a lieu de mentionner les efforts relatifs à la mise à niveau des ports de pêche maritime qui sont au nombre de 41, quatre ports sont en cours de construction à Gabès, Bizerte, Sidi Youssef (Kerkennah) et Louza (Sfax). Cela s'inscrit dans le cadre du renforcement de l'infrastructure portuaire. On parle de plus en plus de la pollution marine et son impact négatif sur la faune et la flore marine, surtout au niveau du golfe de Gabès... On ne peut pas nier ce fait. La pollution existe et a un impact très négatif sur la faune et la flore marines. Certains facteurs de pollution peuvent entrer en jeu, à l'instar du transport maritime. La Méditerranée est une mer très fragile, parce qu'elle est presque entièrement fermée. Le grand problème de la pollution se présente au niveau du golfe de Gabès, en raison du rejet de phosphogypse dans la mer. Cependant, il y a une réelle volonté à transférer cette activité à un autre lieu pour mettre fin à la pollution de la mer. Une commission a été mise en place pour la concrétisation de ce projet ambitieux qui débarrassera définitivement le golfe de Gabès de la pollution. Il y a lieu aussi de citer la pollution au niveau du littoral à cause des eaux usées, mais il ne faut pas nier les efforts visant à venir à bout de cette pollution. Le réchauffement climatique, conjugué à d'autres facteurs, ne fait qu'enfoncer le clou, et les trois dernières années ont été très chaudes. On a constaté les dégâts surtout au niveau du golfe de Gabès qui a connu des épisodes de mortalité d'éponges et de poissons en 2017, en particulier aux îles Kerkennah et à Zarzis. Toutefois, si le problème du rejet de phosphogypse dans la mer est résolu, on pourra tourner la page sur la question de la pollution. Je dirai aussi qu'il faut impérativement rationaliser l'exploitation halieutique. Je reviens, à la fin, sur le dernier incident de la pollution maritime sur la côte sud de Sfax, causée par une entreprise spécialisée dans le traitement des déchets pétroliers, pour dire que l'Etat, par le biais du ministère des Affaires locales et de l'Environnement, a porté plainte contre cette entreprise qui a déversé de grandes quantités de produits pétroliers dans le réseau d'assainissement, causant ainsi la pollution du littoral.