La Banque africaine de développement a tenu une rencontre consultative et stratégique avec les gouverneurs d'Afrique du Nord pour discuter de divers points relatifs au financement des projets. «Rien ne sera plus comme avant», a estimé le président de la Banque africaine de développement (BAD) Akinwumi Adesina, au début de la rencontre stratégique et consultative entre la haute direction de la banque et ses gouverneurs pour l'Afrique du Nord. Il faisait allusion à la promesse faite lors des assemblées annuelles de 2017, au cours desquelles il a été décidé de favoriser des relations plus étroites entre la haute direction de la banque et ses gouverneurs. Le président de la banque a constaté aussi que la région de l'Afrique du Nord en particulier et le continent en général font face à une situation économique difficile, caractérisée notamment par une explosion démographique et la persistance du chômage des jeunes. Un soutien financier de la banque «La Banque, a-t-il affirmé, occupe une bonne position pour soutenir la région à une époque de transformation sans précédent». Au cœur des interventions de la banque, se trouve une stratégie décennale ancrée dans un ensemble d'objectifs connus sous le nom de «High 5» et consistent à éclairer et alimenter l'Afrique en énergie ; nourrir et industrialiser l'Afrique; intégrer le contient dans une dynamique économique et améliorer la qualité de vie des populations africaines. Lorsqu'ils seront effectivement mis en œuvre, «les High 5» en question permettront à l'Afrique d'atteindre 90% des objectifs de développement durable recommandés par les Nations unies, dans le cadre d'une étude indépendante élaborée par le programme onusien. Au cours de ces consultations régionales, les ministres égyptien, tunisien, marocain, algérien et mauritanien ont déclaré que «les High 5» reflétaient leur propre vision et stratégies de développement. Avec 14 % de la population du continent et un tiers de son produit intérieur brut, l'Afrique du Nord a le potentiel de servir de moteur de croissance pour le continent. La région est, cependant, confrontée à un vertigineux taux de chômage de 31% qui touche particulièrement les jeunes et les femmes, à l'insécurité alimentaire et hydrique, à la pauvreté et aux inégalités, ainsi qu'aux défis de la transformation économique et de l'intégration. Un impact positif sur la croissance Dans ce contexte, les gouverneurs ont souligné les avantages de la décentralisation de la banque. L'institution s'est rapprochée de ses pays membres, ce qui a eu un impact positif sur la croissance économique de ces pays. Le ministre tunisien des Finances, Zied Laâdhari, a rappelé que le transfert temporaire des activités de la banque dans son pays pendant 11 ans a contribué à renforcer les liens de coopération. Il a souligné : «Nous partageons la vision de la banque qui considère l'Afrique comme un continent d'avenir. Cette rencontre constitue un grand moment pour l'Afrique. L'exploitation du potentiel des économies africaines est une tâche que la banque doit accomplir». De son côté, le ministre algérien des Finances, Abderrahmane Raouia, a déclaré que «le plus grand défi pour l'Afrique, aujourd'hui, est la création d'emplois, un enjeu de stabilité et un levier pour tirer la croissance économique vers le haut. Nous devons offrir aux jeunes des opportunités d'emploi pour les convaincre de rester ici, sur le continent». L'ambassadeur égyptien en Côte d'Ivoire, Mohamed El-Hamzawi, qui représentait le ministre des Finances, a rappelé, quant à lui, les deux mouvements populaires que son pays a connus en 2011 et 2014. Il a remercié la banque pour son soutien, entre autres, à la stabilisation macroéconomique, aux réformes financières, aux infrastructures et aux projets énergétiques. Les limites du ratio prudentiel M. Adesina, président de la BAD, a saisi cette occasion pour rappeler aux gouverneurs que la Banque approchait les limites de son ratio prudentiel et que le moment était venu d'envisager une augmentation générale du capital. «Il nous reste 12 ans pour réaliser les Objectifs de développement durable. C'est un signal d'alarme pour nous avertir que si l'Afrique n'atteint pas les Objectifs de développement durable, le monde ne les atteindra pas non plus. Nous devons accélérer le développement, a-t-il insisté. Nous mobilisons plus de ressources et l'impact de nos interventions se fera sentir». Le président Adesina a souligné, par ailleurs, que certaines réalisations de la banque, au cours des sept dernières années. Environ 27 millions d'Africains ont bénéficié de nouvelles connexions électriques, tandis que 49 millions ont eu droit à des moyens permettant une amélioration de l'agriculture. Quelque 35 millions de personnes ont obtenu un meilleur accès à l'eau et à l'assainissement et près d'un million de petites entreprises ont eu accès à des services financiers. Au cours de la même période, 23 millions de femmes ont bénéficié des moyens pour moderniser l'agriculture et 10 millions ont profité de projets d'investissement. Les prêts aux pays à faible revenu ont été multipliés par 17, passant de 434 millions de dollars en 2010 à 7,5 milliards de dollars en 2016. Les prêts aux pays à revenu intermédiaire, tels que ceux de l'Afrique du Nord, ont doublé. Le portefeuille actif d'opérations du secteur privé de la banque est passé de 15 milliards de dollars en 2010 à 30 milliards de dollars en 2016. Le président de la BAD a noté que la banque avait levé l'année dernière 9,73 milliards de dollars sur les marchés financiers pour les pays africains et a atteint le plus haut niveau de décaissement annuel de son histoire, soit 7,67 milliards de dollars. Cependant, Célestin Monga, économiste en chef et vice-président, Gouvernance économique et connaissances, a attiré l'attention des gouverneurs sur les problèmes persistants de développement auxquels les pays africains sont confrontés à divers degrés, en raison de la faiblesse de l'environnement macroéconomique, de la faible diversification de l'économie et des taux élevés de chômage. Ceux-ci posent d'énormes défis de développement que la banque peut mieux gérer avec des ressources supplémentaires qui peuvent être générées en augmentant sa capitalisation. Des nouvelles ressources financières La banque mobilisera des ressources à travers l'African Investment Forum. Pierre Guislain, vice-président de la banque chargé du secteur privé, de l'infrastructure et de l'industrialisation, a invité les ministres à «explorer les possibilités de mobiliser d'autres sources de financement au Forum, prévu à Johannesburg, en Afrique du Sud, en novembre 2018. Le Forum sera purement transactionnel, présentera des projets bancables, attirera des financements et fournira des plateformes pour investir dans plusieurs pays», a-t-il déclaré. Avec une augmentation substantielle de capital, la Banque africaine de développement sera en mesure de réaliser un éventail d'opérations (15 milliards de dollars rien que pour 2018). Les perspectives pour 2018-2020 sont prometteuses : 50,3 millions de personnes devraient bénéficier d'un meilleur accès au transport contre 14 millions en 2017. Plus de 35 millions de personnes bénéficieront de connexions électriques nouvelles ou améliorées, contre 4,4 millions en 2017. Dans son allocution de clôture, le président Adesina a félicité les gouverneurs pour leur généreuse appréciation du travail de la Banque et de leurs engagements envers l'institution. «Nous apprécions ce que vous faites en Afrique du Nord et saluons votre travail en tant qu'ambassadeurs de la banque», a-t-il indiqué. A noter que la consultation des gouverneurs sur les défis de développement de l'Afrique et les réformes de la banque est la troisième des cinq réunions régionales impliquant les 54 pays membres régionaux de la banque.