C'est hier, 19 mars, qu'ils ont occupé la Place du gouvernement à La Kasbah pour couronner leurs manifestations pacifiques partout en Tunisie par l'annonce de leur entrée en grève. «Nous annonçons la poursuite de notre militantisme pacifique selon les termes de la constitution et des lois car nous sommes résolus à poursuivre les manifestations à partir de ce 19 mars, avec une grève nationale couronnée par un attroupement à la Place du gouvernement qu'accompagnent des mouvements pacifiques dans toutes les régions et qui se poursuivront jusqu'à la légalisation définitive et équitable de tous les travailleurs de chantier», nous confie Mohamed Akremi, porte-parole du Groupement des coordinations régionales des travailleurs de chantier (Gcrtc). «Après 35 années de travail, je me retrouve sans rien !» «Pour nous, c'est le gouvernement qui en assume la responsabilité avec son manque de sérieux dans le traitement du dossier des travailleurs de chantier (TC) malgré tous les efforts de l'Ugtt à contourner les entraves. Nous regrettons que la Constitution nous accorde des droits et que le gouvernement les retire et c'est pour cela que nous militons, pour mettre fin à cet esclavage», ajoute-t-il. Les termes choisis par M. Akremi pour répondre à nos interrogations semblent très durs d'accusation, mais ils sont partagés par les TC qui l'accompagnent et qui profitent de la présence de La Presse pour nous dire qu'ils viennent de Gabès, Tozeur, Nafta, Médenine... et qu'ils ont enduré le déplacement malgré le manque de ressources pour défendre leur cause. Une dame de Ksar Hellal nous confie qu'elle a laissé ses trois enfants seuls pour venir soutenir ses compagnons. Une autre de Gabès nous assure qu'ils ne baisseront pas les bras. Un monsieur d'un certain âge nous précise qu'après ses trente-cinq années de travail, il se retrouve sans rien... Les TC en ont déjà montré la couleur il y a une dizaine de jours : «Nous protestons fortement contre la campagne de dénigrement lancée contre nous par le gouvernement après notre dernier attroupement de contestation à la Place du gouvernement et notre annonce d'entrer dans un sit-in ouvert devant le ministère des Affaires sociales le 8 mars, en réponse à la politique de procrastination empruntée par la partie gouvernementale dans le dossier des chantiers d'après-2011». 5 propositions contre 5 revendications Selon M. Akremi, la Tunisie compte actuellement plus de 89.000 travailleurs de chantier, dont seulement 14.000 ont bénéficié de la légalisation de leur situation, ce qui fait que 75.000 TC sont actuellement «dans le vent». Et ce sont ces 75.000 TC qui refusent tout net les 5 propositions de la Commission supérieure des négociations sociales gouvernement-Ugtt, à savoir les recrutements parmi les travailleurs de chantier (TC) au bénéfice de certains ministères ; la fixation d'allocations pour les TC de plus de 60 ans égales à celles accordées aux familles nécessiteuses ; la résolution de permettre aux TC de 55 à 59 ans de continuer à travailler, avec la promesse de leur accorder à leurs 60 ans des mêmes allocations que les familles nécessiteuses ; l'établissement d'un programme de formation pour les TC pour leur ouvrir les portes d'autres emplois ; et la poursuite des concertations. Contre ces 5 propositions, le Groupement des coordinations régionales des travailleurs de chantier (Gcrtc) oppose 5 revendications qu'il affirme non-négociables, dont la légalisation de la situation de tous les travailleurs de chantier d'après-2011 de la même manière que les TC d'avant-2011 et les bénéficiaires du Mécanisme 16 ; le refus des propositions de formation et de sous-traitance ; le refus de tout délai dans le payement des salaires ; le refus de la cessation du payement des salaires des TC de plus de 60 ans et du retard de la légalisation de leur situation ; et le refus de l'exclusion de tout travailleur de chantier en dehors des configurations citées par la loi.