« Matra fi mars dhehab khaless » (une averse en mars vaut de l'or pur), disaient nos ancêtres, qui avaient toujours vécu dans la crainte des années de vaches maigres et appréciaient à leur juste valeur les bienfaits de ce cadeau du ciel. Dans le ciel encore gris et humide, un arc tout en couleurs. Un arc-en-ciel chantant le bonheur accroché à ce mois qui s'étale et qui annonce le retour de la domination de la nuit sur le jour, le réveil de la nature. Il a plu, assez bien plu au cours de la dernière semaine de mars, qui vient de plier bagage, laissant un bel espoir dans nos cœurs qui commençaient à s'inquiéter sur le sort des récoltes. Après un hiver sec et, par moments, tiède, voilà que la vanne céleste s'est ouverte. « Matra fi mars dhehab khaless » (une averse en mars vaut de l'or pur), disaient nos ancêtres qui avaient toujours vécu dans la crainte des années de vaches maigres et appréciaient à leur juste valeur les bienfaits de ce cadeau du ciel. C'est que l'on était bien plus accroché aux nuages qu'aujourd'hui car l'on dépendait directement des caprices du ciel, puisque le modèle agricole qui prévalait depuis des millénaires était du type « en sec » ou « baali » (en référence à Baal, divinité suprême dans la mythologie phénicienne et punique). On produisait, donc, surtout des récoltes qui avaient besoin de quantités de pluie qui convenaient à chaque culture à des moments propices et espacés. Donc de bonnes averses au moment voulu et non beaucoup d'eau en même temps. Or, le climat semi-aride de notre pays ne brillait pas par sa régularité pluviométrique aussi bien dans le temps qu'en termes de quantité. Le climat se déclinait en cycles secs et humides avec des pics pouvant se traduire par de spectaculaires crues d'oueds (crues). Trois produits de la terre faisaient autrefois la spécificité de l'agriculture tunisienne et de là son modèle alimentaire, le blé, les olives et les raisins, purs produits de la cette Méditerranée qui a vu naître autour d'elles les plus anciennes civilisations, et qui sont à l'origine de trois grands et vieux symboles, le pain, l'huile et le vin. Notre pays, rappelons-le, avait acquis une célèbre distinction, celle qui faisait de lui le grenier de l'empire romain, et ce, grâce à ses plaines fertiles de son Nord-Ouest (la Numidie ou Friguia - Africa). Rome ayant mis fin, en 146 av. J.-C., à la présence punique en Tunisie (destruction de Carthage). Et en avril ? La pluie en mars était donc très bénéfique (et elle le reste) pour ces cultures qui devaient se développer et résister aux épisodes de sécheresse et de canicule, surtout le blé qui est une plante annuelle donnant des grains réunis en épis qui doivent arriver à maturité en juin. Par mars l'on entendait celui du calendrier julien (établi par Jules César en 45 av. J.-C.) dit « ajmi » chez nous, ou calendrier agricole et non le mars du calendrier grégorien (le précédent calendrier corrigé sur ordres du pape Grégoire XIII en 1582, avec ajout de 13 jours). Mars (du nom du dieu de la guerre dans la mythologie romaine) se terminait selon le calendrier agricole le 13 avril. Un moment de l'année où les pluies deviennent assez rares mais tellement utiles. « Matra fi bril ettallaa essboula min qaa el bir » (une averse en avril fait pousser l'épi même du fond d'un puits). L'on retient donc son souffle car tout le centre du pays souffre d'une inquiétante sécheresse Il a plu et aussi fait froid, et ce, après une série de journées ensoleillées et assez chaudes. Il fallait donc renouer avec ses vêtements anti-froid. Nos ancêtres avaient pourtant averti qu'au printemps il faut toujours s'attendre à des coups de froid. « Ouazretek -ou jebbtek- ma tbii'ha bardeha fi rebii'ha » (Ton manteau tu ne vendras pas, qui dit printemps dit froid). Après la pluie le beau temps. Oui mais la pluie c'est aussi du beau temps chez nous, si bien sûr elle est fine, calme et persistante. Les plantes sont ainsi irriguées, la sève monte ainsi que le niveau des nappes phréatiques et depuis ces dernières décennies celui des barrages. Dieu merci.