Les pluies torrentielles qui se sont dernièrement abattues sur plusieurs régions du pays sont la preuve que le printemps ne s'est pas encore définitivement installé chez nous et, au rythme où vont les choses, il n'y aura peut-être pas de printemps chez nous. La météo a même enregistré en ce début d'avril une température inférieure à celle de la normale saisonnière, ce qui a obligé pas mal de personnes à remettre leurs manteaux après les avoir quittés. Cela nous fait penser au vieux dicton français qui dit, et non sans raison : « En avril, ne te découvre pas d'un fil, en mai, fais ce qu'il te plaît ». Voilà un vieux dicton plein d'enseignement destiné surtout aux enfants qui, dès les premières chaleurs de printemps, quittent leurs vêtements chauds pour enfiler d'autres plus légers au risque de tomber malades à cause du changement climatique qui marque la période transitoire entre l'hiver et le printemps. La même mesure préventive préconisée par le dicton français existe chez tous les peuples et elle est traduite dans les maximes et les proverbes qu'ils se transmettent de génération en génération. En Europe, par exemple, même en plein printemps, les Italiens ne sortent pas sans leur parapluie pour prévenir le mauvais temps qui peut survenir à tout moment : « marzo pazzerello, esce il sole e prendi l'ombrello », disent-ils (mars fou, le soleil brille sous un parapluie). Les Espagnols, eux, craignent les pluies d'avril en disant : « en abril, agua es mil » (avril, le mois des mille eaux) et ils vont plus loin que leurs voisins européens en mettant en garde leurs enfants des caprices de la météo qui peuvent survenir même au mois de mai en leur donnant ce conseil proverbial : « Hasta el 40 de mayo no te quitas el sayo », (littéralement : n'enlève pas ton manteau jusqu'au 40 mai), c'est-à-dire le 10 juin ! Quant aux Allemands qui s'habituent mal au temps changeant d'avril, ils disent : « April, April - der macht was er will » (Avril fait ce qu'il veut). Chez les Chinois, la tradition veut qu'on prenne toutes les précautions pour se prémunir contre les changements brusques du climat. La médecine traditionnelle chinoise estime que la plupart des maladies sont causées par les changements du temps et la conversion des « six airs vicieux » de la nature, à savoir, le vent, le froid, la chaleur, l'humidité, la sécheresse et le feu qui peuvent intervenir lors du passage d'une saison à une autre et causer ainsi des maladies surtout lorsque la saison ne correspond pas à son climat ou si le climat devance la saison, comme il arrive souvent chez nous.
Les quatre saisons en une seule journée Nous autres, Tunisiens, nous avons dans notre tradition les équivalences de ces adages populaires qui mettent en garde les enfants contre d'éventuelles intempéries printanières en les conseillant de ne pas quitter les vêtements chauds trop rapidement de peur d'attraper un rhume ou une bronchite. Nos aïeuls nous ont bien laissé plusieurs dictons du genre : « Jibtek ma tbiha, chtaha fi rabiha » (ce qui équivaut à peu près à : « Ne vends pas ton manteau, tu en auras encore besoin au printemps », ou encore : « Baâd lahsoum bi 40 youm nahi hawayjek ou oum », ce qui signifie qu'on ne peut ôter ses vêtements pour nager qu'après quarante jours de lahsoum (période correspondant à la fin de l'hiver et au début du printemps). Sachant que le printemps arrive, selon nos ancêtres, au début d'avril et non le 21 mars comme dans le calendrier solaire ; la nage n'est donc permise qu'après 40 jours de cette date, c'est-à-dire à partir de 10 mai. La sagesse populaire a parfaitement raison, surtout que la saison printanière est souvent accompagnée de giboulées et ses journées sont tantôt chaudes, tantôt fraîches. D'ailleurs, depuis plusieurs années, sous l'effet des changements climatiques à l'échelle planétaire, il n'y a pas de printemps chez nous et l'on peut y voir les quatre saisons en une seule journée !
La saison des promenades Nos enfants (filles et garçons) font malheureusement la sourde oreille aux conseils de leurs parents et pour peu qu'il fasse beau, ils quittent la laine pour le fil, ils se débarrassent très vite de leurs pulls, vestes et manteaux et se couvrent de t-shirts et de chemises demi-manches et de fringues sans manches ou décolletés. Dans l'esprit des enfants, le printemps correspond à l'arrivée des hirondelles, au beau temps, aux promenades, aux fleurs, aux chants d'oiseaux, aux longues journées...Or, le ciel est encore couvert de nuages, les gens sont parfois pris sous une averse violente, la température n'est pas constante tant que le temps peut connaître aussi bien des conditions hivernales qu'estivales. « La majorité de nos enfants, nous a confié un chef de famille, ignorent qu'en avril et mai, il peut encore pleuvoir et que des perturbations climatiques peuvent survenir. Les parents ont beau leur dire qu'une baisse soudaine de température peut provoquer des maladies. Malheureusement, ils ne prêtent aucune attention à ces conseils, c'est ainsi qu'on voit des enfants attraper des rhumes et des bronchites en plein mois de mai. Mon enfant qui a l'âge de 15 ans vient de sortir d'une angine qu'il a attrapée à cause de sa maladresse : il s'est tout simplement débarrassé tout d'un coup de ses vêtements d'hiver et en a mis d'autres plus légers pour la simple raison que c'est déjà le printemps ! » Or, l'hiver ne semble pas être pressé pour céder la place au printemps, car, il paraît que les pluies diluviennes qui viennent de s'abattre sur Tunis et banlieues ces derniers jours sont la preuve que l'hirondelle ne fait pas le printemps. Nos enfants auront encore à tousser et à éternuer peut-être jusqu'à l'arrivée de l'été ! Aussi faut-il garder sur soi ses vêtements chauds, tant que Dame Nature a ses caprices auxquelles on ne peut que céder. En attendant l'été, couvrons-nous bien pour éviter les malaises dus à ces changements brusques de la météo, devenus très fréquents chez nous!