Les protestataires réclament leur recrutement dans la fonction publique,à l'instar des autres fonctionnaires Marginalisation de leur situation, conditions de travail précaires, salaires insuffisants, les ouvriers de chantier ont brisé encore une fois le silence en organisant, le jeudi 29 mars, de nouveaux mouvements de protestation, et ce, devant les différents sièges de gouvernorats du pays. A Tunis, une vingtaine d'ouvriers se sont en effet regroupés devant le siège du gouvernorat où ils ont scandé des slogans réclamant notamment la régularisation de leur situation et s'adressant directement au chef du gouvernement, Youssef Chahed, pour intervenir. Participant à ce mouvement protestataire et faisant partie des ouvriers de chantiers dont le dossier est bloqué depuis 2011, Mohamed, fonctionnaire au groupement de santé de base de Tunis Sud à Ouardia, a expliqué que pour son cas, il est payé environ 300 dinars alors qu'il travaille à temps complet. Il ne bénéficie par ailleurs d'aucune couverture sociale ni de prime et aucun droit ne lui est réservé, selon ses affirmations. Les protestataires réclament notamment un recrutement dans la fonction publique à l'instar des autres fonctionnaires de l'Etat. Ils dénoncent notamment des intentions de vouloir marginaliser leur dossier et de proposer à la place des solutions qu'ils jugent « injustes ». Dans ce cadre, deux propositions ont été formulées par la présidence du gouvernement lors d'une rencontre qui a eu lieu le 22 février dernier avec les représentants de ces ouvriers. La première concerne la mise en place d'un régime de formation pour les moins jeunes suivi de l'octroi d'un fonds d'investissement équivalent à 36 salaires, tandis que la deuxième s'adresse aux ouvriers qui ont dépassé les 35 ans en les intégrant dans le régime de sous-traitance. Ces deux propositions ont été catégoriquement déclinées par le collectif des coordinations des ouvriers de chantiers qui revendique, en premier lieu, la régularisation et le recrutement permanent des ouvriers de chantiers, comme l'a expliqué Hiba Saadi, coordinatrice à Tunis du collectif des coordinations des ouvriers de chantiers. «Aujourd'hui, ça fait huit ans que nous nous battons pour revendiquer nos droits. Nous réclamons une intégration progressive au sein de la fonction publique. Actuellement, nous n'avons aucun droit. Ni couverture sociale, ni droit à un congé. Nous occupons une place importante dans le fonctionnement des administrations pour lesquelles nous travaillons. Nous pensons qu'après huit ans de marginalisation nous avons droit à la régularisation de notre situation», a-t-elle déploré. Face à ce blocage de situation, l'escalade reste la seule option devant ces protestataires, toujours selon les propos de cette coordinatrice, qui assure que d'autres formes de protestation seront envisagées si la présidence du gouvernement ne réagit pas. Une situation stagnante depuis 2011 Pour comprendre la situation, il faudra remonter à ses origines, en l'occurrence à 2011, quand un bon nombre de chômeurs ont été rattachés à des structures publiques dans différentes régions, mais non pas dans le cadre d'un recrutement. Il s'agissait plutôt du programme intitulé les ouvriers de chantiers existant même avant la révolution. Ce programme ne garantissait à ces ouvriers que des salaires bien inférieurs aux standards de la fonction publique. Selon les derniers chiffres présentés par le ministère des Affaires sociales, le nombre total de ces travailleurs en Tunisie s'élève à 84.827 personnes. 72% des travailleurs de chantiers régionaux sont concentrés dans 8 gouvernorats, dont en premier lieu Kasserine avec 23,5% du nombre total. Les fonctions qu'ils occupent ne sont pas forcément des travaux de chantier, certains d'entre eux sont rattachés à des administrations tunisiennes et assument des responsabilités administratives.