Taoufik Rajhi : « Nous avons une stratégie ferme. Notre objectif : des entreprises publiques saines, pérennes et compétitives » La stratégie nationale de la réforme, élaborée par le gouvernement avec l'appui de l'Union européenne, concerne désormais 104 établissements et entreprises publics. Un projet d'assistance technique pour la restructuration financière et de gouvernance a été entamé auprès de 25 entreprises publiques. Parmi lesquelles figure la Poste tunisienne qui vient de finaliser un grand chantier de réforme. La clôture du projet d'appui aura lieu dans deux jours. Un atelier sur la stratégie nationale de la réforme des entreprises publiques, présidé par le ministre auprès du chef du gouvernement chargé des grandes réformes, Taoufik Rajhi, s'est tenu hier à Tunis. Au cours de cette séance qui a réuni une trentaine de dirigeants et de présidents-directeurs généraux des entreprises publiques, des experts ont présenté l'expérience de la réforme de la gouvernance interne et de la restructuration financière de la Poste tunisienne. Une expérience inédite qui a réussi sa transition. Dans son allocution d'ouverture, le ministre auprès du chef du gouvernement chargé des grandes réformes a souligné que la réforme des entreprises publiques ne concerne pas uniquement la restructuration financière, elle touche désormais tout le système de gouvernance globale afin d'améliorer la productivité, et par conséquent la performance et la compétitivité de toutes les entreprises. Les piliers de la grande réforme La stratégie nationale de la réforme des entreprises publiques, repose désormais sur quatre axes. Un premier axe qui concerne la refonte du système de gouvernance globale des entreprises publiques. Tout d'abord, il a été noté qu'un vide structurel est constaté au niveau de la gouvernance globale, puisqu'en Tunisie, on ne dispose pas d'une structure officielle appartenant au gouvernement et qui chapeaute et centralise la gestion de l'ensemble des entreprises publiques. A cet égard, Toufik Rajhi a déclaré que le gouvernement travaille, actuellement à instaurer une instance relevant de la présidence du gouvernement. Elle incarnera une gouvernance globale qui coordonne entre ces diverses unités et les entreprises publiques. Le deuxième axe de réforme fait appel à la promotion du dialogue social et de la responsabilité sociétale de l'entreprise publique. Le ministre chargé des grandes réformes a souligné l'importance de la mise en place d'une stratégie qui promeut le dialogue social entre les diverses parties prenantes dans le développement de l'entreprise publique. De surcroît, il a mis en exergue les nouvelles orientations de gestion des ressources humaines, en cohérence avec la réforme de la fonction publique, qui visent à impliquer davantage le personnel et qui valorisent l'employé au sein même de la société. Le troisième axe principal de la stratégie nationale des réformes s'articule autour de la gouvernance interne. Ce volet revêt une grande importance, vu qu'il permettra aux dirigeants des entreprises d'acquérir plus de flexibilité et plus de responsabilité, de façon à révolutionner le mode de fonctionnement interne de l'entreprise publique qui est rigide et n'est point adapté aux exigences économiques actuelles. La séparation entre la direction et le conseil d'administration jouera un rôle clef dans la révision des structures de gouvernance interne. Taoufik Rajhi a tout de même évoqué les difficultés et la réticence parfois observée, entravant l'avancement de cette réforme qui touche le système de gouvernance interne. Toutefois, il a affirmé que les changements sont d'ores et déjà sur la bonne voie. Finalement, le dernier pilier de la stratégie nationale de la réforme des entreprises publiques est celui de la restructuration financière tant controversée et qui alimente actuellement les débats politiques. « Nous avons une stratégie ferme. Notre objectif est d'instaurer des entreprises saines, pérennes et compétitives », explique le ministre en mettant en exergue la détermination du gouvernement à aller de l'avant dans la stratégie qu'il a établie. L'expérience de la Poste tunisienne La réforme de la Poste tunisienne s'articule essentiellement autour de deux axes, à savoir la restructuration financière et la modification du système de gouvernance interne. Pour mener à terme les résultats escomptés, un projet d'assistance technique a été élaboré par un cabinet d'expertise afin de définir les grandes lignes directives de la réforme. La mise en œuvre du projet s'est étendue sur 28 mois, à savoir de décembre 2017 jusqu'à avril 2018. A l'issue du déploiement du projet d'assistance, 30 initiatives stratégiques au sein de cet établissement public ont été identifiées. Parmi les principales initiatives, l'on évoque l'établissement d'un nouvel organigramme, la définition de nouveaux métiers au sein de l'entreprise et la mise en place d'une stratégie d'utilisation des technologies de l'information et de la communication conformément aux règles de la bonne gouvernance et la transparence. Pour mettre en œuvre la démarche adoptée et assurer un transfert du savoir en matière de réforme de gouvernance, 17 cadres de la Poste ont effectué un voyage d'études en France. Suite à la mise en application de ces directives, les experts français estiment que la Poste tunisienne sera le leader de l'inclusion sociale en matière de services de proximité. Un doublement du chiffre d'affaires est prévu dans les cinq prochaines années. Déclaration Taoufik Rajhi, ministre auprès du chef du gouvernement chargé des grandes réformes Dans une déclaration aux médias, et en réponse à la question sur la cession de la Régie nationale des tabacs et des allumettes (RNTA) Tawfik Rajhi a affirmé que la société n'est aucunement sujette à une éventuelle cession. Il a ajouté que la Régie monopolise tout le secteur. Ainsi, il n'est pas question de cession mais plutôt de restructuration et de redressement de la société pour améliorer sa productivité. Actuellement, l'on ne dispose d'aucun cas de dossier de cession. D'autant plus que toute réforme de restructuration impliquant une éventuelle modification de politique de dividendes ne serait possible qu'après avoir engagé des négociations avec les partenaires sociaux au sein de l'entreprise. Quant à la question relative à la suppression des subventions de l'Etat à l'énergie, Taoufik Rajhi a affirmé que l'augmentation des prix du carburant est indispensable pour sauvegarder les comptes établis lors de l'élaboration de la loi de finances 2018. Actuellement le baril est à 70 dollars. Si le cours du pétrole ne connaît aucune évolution durant l'année en cours, le coût des subventions est estimé à 4.000 millions de dinars. Toutefois, le gouvernement a consacré 1.500 millions de dinars de subventions à l'énergie au cours de l'année 2018, et ce, en se basant sur les estimations des institutions et des organisations internationales. « Parmi les principaux axes de la stratégie nationale de la réforme des entreprises publiques, figure le volet qui repose sur le système de gouvernance interne de l'entreprise. A cet égard, l'expérience de réforme de la Poste tunisienne entamée par le gouvernement connaît un franc succès. Dans le but de redresser ces entreprises en difficulté, le gouvernement entend généraliser cette expérience à toutes les entreprises publiques, afin d'améliorer leur gouvernance interne et optimiser leurs performances ainsi que leur productivité », explique le ministre. Le gouvernement table sur la restructuration financière des entreprises publiques pour leur redressement. Taoufik Rajhi a affirmé que ces établissements publics en difficulté et déficitaires sont à l'origine d'une hémorragie des finances publiques. Leur réforme structurelle sera passée au peigne fin et elle relève du cas par cas. C'est au gouvernement de fixer les lignes rouges et le service public est désormais une ligne rouge à ne pas franchir. Le gouvernement n'a jamais envisagé une privatisation des services publics. M.S.