Sans qualification académique pour certains d'entre eux, sans connaissance aucune des rouages et enjeux de l'exercice politique pour d'autres, les candidats aux élections municipales du 6 mai ont déçu en s'adressant au public, et c'est un euphémisme. Hésitants, confus et incertains, des invités d'émissions télévisées et radiophoniques ont peiné à répondre à des questions sur leur programme électoral. Que peut-on espérer de gouvernants locaux qui ignorent presque que la gouvernance locale repose sur un ensemble de piliers et mécanismes indissociables ? Il est difficile d'approcher le sujet des élections municipales sans être taxé de pessimisme, au regard de ce qui s'est passé et se passe. Mais qu'à cela ne tienne ! On ne peut point avancer sans parler ce langage de vérité qui sert à corriger de fausses trajectoires, bien que souvent térébrant. Cela étant, certains candidats aux élections municipales du 6 mai prochain, notamment des têtes de liste de partis qui « pèsent », se sont montrés peu connaisseurs des exigences des tâches qui leur incomberont, une fois élus. Hésitants, confus et incertains, ces invités de bien d'émissions télévisées et radiophoniques ces derniers jours ont peiné à répondre à des questions du genre : quels sont les principaux fondements de la gouvernance locale ? Et quel sera votre plan d'action pour améliorer la condition et le vécu des municipalités et communes que vous allez gouverner ? Sans qualification académique pour certains d'entre eux, sans connaissance aucune des rouages et enjeux de l'exercice politique pour d'autres, ces candidats ont déçu en s'adressant au public, et c'est un euphémisme. D'autant que la polémique y afférente continue à alimenter le débat public, aussi bien dans les médias que du côté de la rue. Interrogée sur le projet de société d'Ennahdha (coalition gouvernementale), une tête de liste à Sidi Bou Saïd (banlieue nord du Tunis) invitée par Mosaïque FM n'a pas pu répondre. Elle s'est pour autant contentée de dire: je partage certaines convictions avec ce parti. La dame suscite, depuis, risées et railleries sur la Toile et dans bien des lieux publics. L'autre tête de liste qui a particulièrement suscité l'inquiétude des Tunisiens quant à la nature de l'exercice politique dans cette Tunisie qui se reconstruit appartient à Machrou Tounès (opposition). Questionné sur le programme de son équipe lors d'une émission sur les municipales 2018 diffusée par la télévision nationale, ce candidat, « confus et peu confiant », n'a cessé de répéter la même phrase: « gouvernance locale veut dire gouvernance participative, transparence et lutte contre les clivages». La vidéo continue de circuler sur la Toile. Certains candidats et têtes de liste de Nida Tounès (coalition gouvernementale), surtout ceux prétendant pour le scrutin dans des régions de l'intérieur, n'ont, quant à eux, pas franchi le niveau de l'enseignement primaire, selon certaines de leurs connaissances proches. Banalisation et égarement Il est ainsi clair que les politiques se révèlent à peu près identiques, de l'avis de plusieurs citoyens et observateurs tunisiens. Mais à la question comment en est-on arrivé à cette autodestruction de la liberté et de l'exercice démocratique, certains représentants de partis semblent verser dans la banalisation de la chose publique quand ils ne s'égarent pas en cherchant des explications à des faits aussi ambigus que chaotiques. Approché par La Presse pour éclairer l'opinion publique sur les choix de son parti, Mohsen Nouichi, président du bureau des élections municipales du mouvement Ennahdha, a affirmé que le parti islamo-conservateur « est conscient et convaincu de ce qu'il fait ». Pour lui, la faute incombe, plutôt, au journaliste qui a interviewé la candidate aux municipales de Sidi Bou Saïd : « Le modèle de société tunisien est fixé dans la Constitution. Sauf que le journaliste en question a cherché à tendre des pièges à son invitée, en posant des questions caduques ». De son côté, Fouad Bouslama, membre du bureau exécutif de Nida Tounès, a affirmé que son parti a choisi de «gros calibres» pour ainsi constituer des «locomotives » dans les villes et les centres les plus dynamiques et les « moins mauvais » s'agissant de certaines régions de l'intérieur. « Sur les 350 listes de Nida Tounès, 345 sont purement nidaistes alors que les 5 membres des cinq restantes le sont de convictions ou encore d'orientations générales. On s'est constamment employé à sélectionner les meilleurs, avec les disparités qu'il y a entre des régions et d'autres en matière de ressources humaines », a-t-il précisé. S'il y a, au demeurant, une conclusion à retenir des premières révélations des campagnes électorales et des justifications apportées par les politiques susmentionnés, elle serait la suivante: précipitées, ces municipales reproduiraient les erreurs du passé. Tout autant qu'il serait impossible de gouverner comme il se doit dès lors qu'on reconnaît des droits égaux à celui qui n'a point d'idées comme à celui qui a acquis une puissance intellectuelle. Que dire encore de délégations et de localités qui comptent plus de paysans (ce n'est point une dérision) et d'hommes peu éduqués que de «têtes bien faites»? Que peut-on espérer de gouvernants locaux qui ignorent presque que la gouvernance locale repose sur un ensemble de piliers et mécanismes indissociables ? Lesquels mécanismes indissociables laissent entendre représentation et participation justes, réactivité, efficacité et efficience, Etat de droit, comportement éthique, innovation et ouverture d'esprit, durabilité et orientation à long terme et gestion financière saine. Une chose est sûre, in fine: peu qualifié et à court d'idées, un maire faible ne sera qu'un instrument docile entre les mains de ses supérieurs du centre et de ses électeurs. Il aimera ce qu'ils aiment et haïra ce qu'ils haïssent. Quant aux Tunisiens les plus avisés, ils ne peuvent que s'étonner en voyant le nombre de faibles et d'indignes mains dans lesquelles peut tomber le destin de régions et de populations entières. Autrement, ils tenteraient vainement de comprendre ce qui arrive à cette Tunisie nouvelle, étant privés des moyens d'y parvenir. Peut-on toujours croire à cette «petite fleur bleue de l'avenir» planant sur le fumier du présent?