Lorsque l'Equipe Nationale senior d'un pays se classe à un niveau plus que respectable et que ses sélections «jeunes» éprouvent des difficultés pour se qualifier à des phases finales continentales ou régionales, il y a forcément des questions à se poser. C'est qu'en fin de compte, un des anneaux de la chaîne ne fonctionne pas assez bien, pas du tout ou qu'on a simplement négligé un des fondamentaux, au point d'être complètement aspiré par le vide qui se crée une fois le sujet face aux véritables défis. Il faudrait aborder ce problème de la formation des jeunes avec beaucoup de délicatesse. Nous reconnaissons que les «centres de formation ou de promotion» qui existent, au sein des clubs ou pris en charge par la fédération ou encore le ministère, sortent des éléments d'assez bonne qualité. Mais nous devons aussi convenir que ce n'est pas assez et qu'au niveau du cheminement des carrières de ces jeunes, il y a beaucoup d'insuffisances. Indépendamment de cet aspect, le fait de brasser une masse peu importante ne peut que déboucher sur des résultats insuffisants. Pour être convaincus du fait qu'il y a des problèmes de cursus et de projection de carrière, nous pourrions remonter jusqu'à ces tournois internationaux où nos joueurs «écoles» ou «minimes» ont démontré qu'ils n'avaient rien à envier à leurs homologues italiens, français, brésiliens, etc. C'est à partir des «cadets» que les choses se compliquent. Le niveau de l'apprentissage change complètement et ce n'est plus une prise en main destinée à former de bons joueurs qui est de rigueur, mais bien une formation spécialisée dont les programmes sont en constante progression. Si nous observons ce qui se passe au sein des meilleures compétitions européennes qui sont les plus proches de nous, nous constatons que la France est devenue une importante plateforme pour la formation de jeunes talents. Les éléments sortis des différents centres de formation français constituent le deuxième contingent de joueurs étrangers évoluant au sein des cinq principaux championnats européens derrière les Brésiliens. Pour les Sud-Américains, la formation n'est sans doute pas aussi académique, mais le nombre et surtout la tradition font du football une raison de vivre, une seconde religion, qu'aucun jeune ne saurait transgresser. Depuis une quarantaine d'années, plus exactement depuis le passage du Roumain Kovacs, le football français a compris qu'attendre le miracle des générations spontanées est révolu. Il fallait former, et pour ce faire, aller chercher les gamins au berceau s'il le faut. C'est la mise en place d'un «appareil de formation» de jeunes sportifs (dans tous les sports) de haute performance avec une implication directe des clubs, des fédérations, des ministères et des collectivités locales. Nos centres de formation n'ont sans doute rien à envier à ceux qui sont ailleurs, l'encadrement est plus que valable, mais c'est au niveau de l'organisation de carrière et des débouchés que cela bute contre une sorte de léthargie destructrice. La guerre des talents La guerre des talents commence très tôt au sein de clubs obnubilés par les résultats immédiats. On «achète» des jeunes encore en pleine formation et on repousse sans explication ceux qu'on a pris en main durant des années pour en faire une relève. L'organisation même des compétitions «jeunes» favorise ces interruptions dans la formation qui est en fin de compte préjudiciable pour les jeunes qui ont commencé à émerger. Prenons la promotion dans laquelle a été formé Maskni. Combien de jeunes qui ont suivi la même formation que lui ont réellement fait carrière? Pas beaucoup. Les cas de Srarfi et de Zemzemi sont pour ainsi dire assez éloquents pour illustrer ces départs précoces qui nuisent à la formation. Ces deux joueurs, s'ils étaient en France, auraient eu quelques années avant des contrats d'apprentis avec un cursus différent. Leur réussite de toutes les façons tient de l'exceptionnel, au vu des compétitions de jeunes qui les ont révélés. Des compétitions plus ou moins régulières, sur des terrains qui n'en ont que le nom avec toutes les possibilités de voir un ligament croisé mettre un terme à tout espoir de réussite. Les contrats que ces jeunes signent constituent de simples arguments pour les attirer et les empêcher d'aller ailleurs. Ils auraient pu en rester là et ne jamais percer, en raison des possibilités réduites de parfaire leur formation et de s'imposer. L'aventure aurait pu s'arrêter, parce que pour une raison ou une autre, un jeune n'arrive pas à démontrer sa capacité à évoluer à un niveau supérieur, parmi l'élite. D'ailleurs, cette façon de procéder réduit parfois considérablement la volonté du jeune qui, une fois en possession d'un contrat, se sent dans la peau de celui qui a tout réglé dans sa vie de footballeur « professionnel ». Une blessure, on en convient, peut réduire à néant tout le rêve d'une vie. Et comme la reconversion est le dernier des soucis de toutes les parties prenantes, il faudrait imaginer la suite. Réaménager les catégories De toute évidence, les catégories, telles que actuellement réparties par catégories d'âge chez nous et, desquelles sont choisis les éléments devant rejoindre une équipe nationale, doivent absolument être revues, à l'effet de les adapter dans la mesure du possible aux compétitions pour lesquelles ils sont destinés. Il faudrait non seulement s'arranger pour mettre en place un processus pour les faire concorder, mais pour éviter à tout prix la rupture et l'obligation de repartir à zéro. Nous constatons que le personnel d'encadrement en charge de ces équipes nationales jeunes est souvent obligé de tout refaire, dans un temps plus ou moins court, ce qui réduit considérablement nos chances de percer et de nous imposer. Par exemple, dans une équipe U17 ou U20, il faudrait qu'un minimum de cinquante pour cent de l'équipe reste pour servir d'ossature pour la formation à engager en prévision de la compétition à venir. D'autre part, le rythme et le niveau ne sauraient évoluer avec l'actuelle compétition que nos jeunes toutes catégories confondues disputent. Il est absolument nécessaire de les faire monter régulièrement au feu pour les endurcir, les aguerrir à l'effet d'éviter de trop leur demander, sans qu'ils soient prêts à donner le meilleur de leurs possibilités. C'est dire qu'attendre ces compétitions africaines est insuffisant et nos jeunes ont bel et bien besoin de jouer face à des adversaires sérieux et de bon niveau. Il n'y a pas d'autres choix. C'est simple, que deviendra la majorité des joueurs de l'équipe des U20 récemment éliminée ? Protection des joueurs Nous avions signalé plus haut que se suffire des seuls centres de formation ou de promotion fonctionnant sous l'égide de la fédération est insuffisant pour «sortir» des éléments parmi lesquels nous trouverions assez de talents pour lesquels il est possible d'investir. Les clubs devraient s'y mettre sérieusement en investissant, non pas des fonds de tiroirs, mais des moyens conséquents. Ils ont tout à gagner, surtout que le football tunisien dispose d'excellents cadres. En France, on compte un peu plus de 3.000 jeunes sous contrats. Le football demeure de loin le sport professionnel où le recours à la formation est le plus important. Cette formation est assurée par des centres agréés en lien direct avec la fédération, qui veille, contrôle, pilote les programmes et parfois les impose, et les clubs qui accueillent dans leurs structures des adolescents de 13 à 18 ans se conforment à des programmes rigoureux. Nous relevons par exemple que le jeu de tête est d'une faiblesse manifeste chez les joueurs tunisiens. Qui d'autre que les centres de formation, sous l'impulsion de la direction technique nationale, pourrait agir pour pallier cette faiblesse ? Ces joueurs, qui en fait constituent la crème d'une génération, sont à protéger et leur formation englobe aussi bien l'aspect sportif que la future reconversion. Il s'agit donc de les protéger contre les appétits de clubs locaux ou étrangers, qui n'hésitent pas à venir se servir dans ces centres de formation, sachant qu'ils y trouvent à coup sûr de la bonne graine. Il faudrait à tout prix que la guerre des talents cesse de brider la formation de nos jeunes, pour assurer à notre football un véritable saut qualitatif et une base pyramidale qui favorisera sa pérennité.