La tension que dégage le film est parfois amortie par quelques paysages surprenants, à l'état brut, que la caméra fait défiler rapidement, et dont la puissante bande sonore appuie la grandeur. Des vues qui n'impressionnent plus que le spectateur, hélas! Le film Zona Franca a été projeté au 4e Art devant un public clairsemé dans le cadre du festival annuel Doc à Tunis. Un documentaire de 100 mn sorti en 2017 du Belge Georgi Lazarevski, lauréat du prix La croix du documentaire 2017. Les événements se déroulent dans une province chilienne, la Patagonie, dans le détroit de Magellan, au Sud du pays. Si la nature n'a rien perdu de sa superbe dans cet au-delà des frontières, la vie, elle, semble morose et difficile pour les habitants, ainsi que pour trois protagonistes que la caméra suit patiemment à travers leur quotidien routinier ; Gaspar, chercheur d'or qui n'en trouve plus que rarement. Patricia, jeune vigile, qui écoute la musique dans sa guérite et ne manque pas de s'ennuyer. Edgardo, chauffeur de poids lourd, militant, porte-parole de la colère d'une région oubliée. Il a dû vendre avec regret le bateau de son père. Insouciants à la détresse ambiante, identique pour un peu à une ambiance de fin de vie, débarquent à Zona Franca les touristes, avec leurs doudounes colorées et leurs lunettes, leurs téléphones portables, sourires, pauses et selfies. Une colère succède à l'autre En 2011, une crise sociale, réelle non jouée pour le doc, se cristallise autour de l'augmentation du prix du gaz décrétée par le gouvernement. Les habitants engagent une contestation sociale avec ses corollaires, sit-in et blocage de routes. Objectif, faire parvenir une voix qu'on n'entend pas autrement. Les touristes bloqués pendant des jours, patients au début, finissent par se révolter à leur tour contre ces gens «qui ne voient que le bout de leurs chaussures ». De telles opérations ne font qu'accentuer la crise économique en dissuadant les vacanciers de venir. Une colère succède à l'autre dans une terre rebelle, mise au ban depuis longtemps. Edgardo dans la cabine de son camion qui bloque avec d'autres le chemin, estime, fataliste, que «la colère des gens d'ici remonte à loin». Depuis le temps où les premiers habitants ont été massacrés par les colons envahisseurs. La tension que dégage le film est parfois amortie par quelques sites surprenants, à l'état brut, défilant rapidement, dont la puissante bande sonore appuie la grandeur. Des paysages qui n'impressionnent plus que le spectateur, hélas! Les habitants empêtrés dans des questions, plus terre à terre, tentent d'expliquer aux familles bloquées la légitimité de leur contestation, sans parler du fait qu'ils sont des personnes gentilles et ne leur veulent aucun mal. Seulement, «vous (touristes, Ndlr) êtes venus au mauvais moment». Si la détresse des gens de Zona Franca interpelle, et leurs vies, sous les néons d'un centre commercial défraichi, embarrassent, le film est touchant par la dimension profondément humaniste qu'il dégage.