Dans sa leçon de cinéma, Mohamed Mallas s'est focalisé sur sa propre expérience en évoquant la voie de la création cinématographique qu'il a empruntée, sa démarche dans l'écriture scénaristique, ses partis pris artistiques, les conditions de production... «Les questions sur le cinéma n'ont pas des limites. Parfois, je pense que la notion même de cinéaste est en voie de disparition, chacun faisant son film selon son propre style et langage cinématographiques». C'est ainsi que le cinéaste syrien Mohamed Mallas a entamé la leçon de cinéma qu'il a donnée le 19 avril à la cinémathèque tunisienne. La cinémathèque ayant organisé un cycle des films les plus importants du cinéaste, soit 12 films en tout entre fictions et documentaires, dont «La nuit» (Tanit d'or des JCC 1992), «Les rêves de la ville», «La mémoire», «Bab El Makam», «Une échelle pour Damas» et autres. Cette leçon de cinéma des plus intéressantes s'est, hélas, déroulée devant un public très réduit, soit quelques critiques, cinéastes et étudiants de l'Ecole de cinéma de Gammarth (Esac). Ce qui nous incite à nous interroger sur les raisons de l'absence des étudiants des autres écoles de cinéma. Est-ce par manque d'intérêt ou en raison de la journée et de l'horaire choisis (jeudi à 16h00), les étudiants étant, le plus probablement, en cours. Peut-être qu'il faudrait coordonner davantage avec les écoles de cinéma afin que les étudiants profitent des leçons de cinéma programmées à la Cinémathèque. Bref, dans sa leçon de cinéma, Mohamed Mallas s'est focalisé sur sa propre expérience en évoquant la voie de la création cinématographique qu'il a empruntée, sa démarche dans l'écriture scénaristique, ses partis pris artistiques, les conditions de production, etc. Concernant la voie artistique qu'il a adoptée, le cinéaste a clairement indiqué «qu'il se considère, plutôt, comme un cinéaste non professionnel, ayant choisi de s'exprimer avec la carrière et le cinéma». Et de s'interroger pourquoi il a choisi d'être un cinéaste et non un romancier. Explications : «Je donne une grande importance au scénario non pas dans le sens traditionnel, mais en tant qu'écriture cinématographique où je suis conscient des idées et des images que je veux exprimer. Quand j'écris un scénario, je ne pense pas au box-office, mais je fais confiance à mes sentiments et j'écoute mon cœur en essayant d'infuser un goût littéraire dans mon scénario. J'appelle cette écriture cinématographique ‘‘le scénario littéraire''. Puis, je passe à une étape sacrée: m'exprimer avec la caméra et là je casse la sacralité de l'écriture scénaristique. Car le plus important est d'enrichir le texte avec la puissance et la force de l'image, les personnages, les décors, le jeu des acteurs, etc. et ainsi de suite car au montage, je casse la sacralité du tournage...». Créer à partir de la matière filmée Concernant sa démarche et ses partis pris cinématographiques, Mallas affirme : «Je crée à partir de la matière filmée», et d'avouer: «C'est peut-être plus dur et plus fatigant, mais j'ai réalisé tous mes films en choisissant cette démarche. C'est là le style et l'âme de mes opus qu'ils soient du genre fiction ou documentaire». Partant, le cinéaste ne fait pas de différence entre un film de fiction et un film documentaire «le film de fiction représente pour moi maintenant un cri de douleur vu ce qui se passe actuellement en Syrie» Quant à ses documentaires, Mallas a évoqué l'expérience du film collectif composé de 10 portraits de personnalités syriennes dont il en a réalisé deux. L'un d'entre eux traite du parcours du musicien Sabri Moudallal qui représente la musique andalouse dans toute son authenticité. Une belle expérience, selon lui, qui a réuni le cinéaste disparu, Omar Amiralaye, ayant réalisé l'excellent documentaire sur Saâdallah Wanous, et le réalisateur Oussama Mohamed. «Cette expérience nous a permis de pousser ensemble un cri du cœur collectif. Un cri existentiel contre le mensonge, l'hypocrisie et la misère sociale et politique». Evoquant l'état de la création et de la production par les temps qui courent en Syrie, Mallas estime que «la guerre casse l'énergie, mais qu'il faut impérativement résister». Et de souligner que : «La production cinématographique en Syrie dépend toujours de l'Etat mais que la censure très forte aide à trouver un langage singulier ainsi qu'à l'évolution du langage cinématographique». Parlant des conditions de production en temps de paix, le cinéaste se souvient : «J'ai tourné mon long métrage de fiction "La nuit", la peur au ventre, car le support de la caméra n'avait que trois roues, le quatrième étant défectueux et je tremblais à l'idée que la caméra puisse perdre son équilibre». Plusieurs questions ont été posées au cinéaste sur son style cinématographique, le cinéma et la littérature, les conditions de production en temps de guerre, etc. Ainsi, à propos de sa préférence entre le documentaire et la fiction, il a répondu que «l'important, c'est de faire un film qui exprime son propre cri du cœur en étant, certes, en osmose avec les cris du cœur des personnages qu'ils soient de fiction ou de documentaire». Autre question importante : «Si vous êtes amené à effectuer un retour en arrière, choisiriez-vous la littérature ou le cinéma». Réponse de Mallas : «Je rechoisirai le cinéma sans conteste. Un art pour lequel j'ai un amour et une passion incommensurables, auxquels je ne peux échapper».