Hassen Ben Jalloun est un cinéaste prometteur. Il a à son actif plusieurs longs métrages tous de tendance nostalgique. Il raconte un temps qui fut en mettant en valeur des figures emblématiques de la culture marocaine dont le grand compositeur marocain Abdessalem Amer à qui il consacre une biographie documentée. Le Temps : pourquoi avez-vous choisi d'intituler votre film « La lune rouge » ? Hassen Ben Jalloun : c'est le titre d'une célèbre chanson « Al Kamar El Ahmar » de Abdelhedi Belkhayat. C'est aussi la couleur d'un homme de gauche dont je raconte l'histoire dans le film. Il s'agit de Abdessalem Amer, un homme exceptionnel qui a affronté l'infirmité, la pauvreté et l'injustice pour s'imposer dans la vie politique et culturelle du Maroc. *Votre film est-il une fiction, un documentaire ou les deux à la fois ? -Il s'agit d'une fiction documentée. Une fiction avec quelques éléments réels de la vie du personnage Abdessalem Amer. Le film raconte la vie de cet homme depuis sa naissance, son enfance, son adolescence jusqu'à l'âge adulte lorsqu'il a commencé son travail d'artiste et son engagement politique. Orphelin, pauvre et non voyant. Il faut dire que la vie ne l'a pas gâté. En sa compagnie, le spectateur vit toute une époque chargée d'événements sociaux et politiques. *Le tournage a-t-il été difficile à l'instar de la vie de ce personnage ? -Sans doute, puisque j'ai travaillé avec des non voyants qui ne perçoivent ni la caméra, ni les décors. Ils n'ont donc aucune notion de ce que peut être le tournage d'un film. Il fallait énormément de patience de notre part mais aussi de la leur pour réaliser les cadrages et les mises au point. Mais ce fut une aventure intéressante qui m'a permis d'apprendre beaucoup de choses sur le monde des non -voyants et surtout leur sensibilité à imaginer le monde. *Quelle démarche avez-vous entrepris pour la réalisation du film ? -La souplesse est le mot clé du processus de développement du film. Tout évolue au fur et à mesure que le film avance, du tournage au mixage d'autant plus que « La lune rouge » a exigé plus de trois ans de boulot entre écriture du scénario, repérages, tournage et post-production. *Aujourd'hui sur la scène cinématographique marocaine, arrivent de nouveaux jeunes réalisateurs qui participent au Festival National du Film de Tanger avec une première œuvre, sont-ils pour vous des concurrents ? -Au contraire, ils sont les bienvenus. Je suis absolument ravi de ce rassemblement de cinéastes, comédiens et techniciens qui arrivent sur le marché de la production cinématographique. C'est cette génération qui va assurer la relève comme nous l'avons nous-mêmes fait pour nos aînés. Cela prouve que le cinéma marocain est sur la bonne voie et qu'il existe une continuité. Propos recueillis par : Inès Ben Youssef
Hassen Ben Jalloun digest Hassan BENJELLOUN Scénariste, réalisateur et producteur marocain, est né le 12 Avril 1950 à Settat. Benjamin d'une famille de dix enfants, il y grandit et suit ses études primaires et secondaires. En 1965, il rejoint le lycée Abdelmalek Essaadi à Kénitra pour continuer des études scientifiques de 2ème cycle. Après son Baccalauréat, il poursuit des études supérieures de pharmacie à Caen où il décroche son diplôme en 1976. De retour au Maroc, il effectue son service civil à la faculté de médecine de Casablanca et, en févier 1979, crée sa Pharmacie à Settat. Passionné du septième art, il s'inscrit dans des clubs de cinéma dits d'art et d'essai et participe à plusieurs manifestations culturelles. Il réalise de 1976 à 1979 des reportages et films médicaux. En 1980, fidèle à son amour pour l'art et le cinéma, il décide de retourner à Paris pour suivre des études de réalisation au Conservatoire Libre du Cinéma Français (CLCF). Il s'installe rue du Cherche Midi et, après avoir passé un stage à la chaine de télévision FR3 nouvellement créée, il réalise en 1983 son premier court métrage « A sens unique ». Son diplôme en poche, il retourne au Maroc en 1984 et assiste Abdelkader Laqtaâ dans l'émission « Image et Son ». Il crée dans un premier temps, en collaboration avec d'autres cinéastes marocains, dont feu Mohammed Reggab, la société Film Maghreb. Ils réalisent ensemble des films institutionnels, documentaires et publicitaires (1985-1990). En 1989, il s'associe à quatre autres réalisateurs marocains, et créent ensemble le groupement de Casablanca, qui a donné naissance à cinq longs métrages, dont La Fête des Autres, première fiction de Hassan Benjelloun. Depuis, Hassan a produit et réalisé six autres longs métrages qui ont reçu un bon accueil auprès du public: 1993 « Yarit ou le temps d'une chanson », 1996 «Les Amis d'hier», 2000 « Les Lèvres du silence » et « Jugement d'une femme », 2004 « la Chambre Noire », et 2007 « Où vas-tu Moshé ? ». Cinéaste soucieux des problèmes que vit la société marocaine, il traite des sujets variés tels que les droits de la femme, les années de plomb, l'exode des juifs marocains... Plusieurs prix lui seront décernés, ce qui lui vaudra une notoriété et une reconnaissance nationales et internationales.