Les titres tant évocateurs que poétiques ont laissé l'imagination vagabonder. Le public, sans être nombreux, semblait bienveillant. La soirée, vu son programme, s'annonçait intéressante et originale. Lors d'une nuit particulière de Ramadan, baptisée « la nuit du milieu», le festival de la médina s'est donné rendez-vous mercredi soir avec «Misk Ellil» au théâtre municipal. Une création de Mourad Sakli présentée comme «un voyage dans la profondeur de l'intonation musicale et littéraire tunisienne». Vers 22 h passées, le rideau se lève sur une compagnie de 8 personnes. Mourad Sakli occupait le côté gauche de la scène, vu de la salle, jouant du luth, il dirigeait discrètement par des mouvements de tête ses musiciens et un couple de chanteurs. Comme également annoncé, le spectacle se présente comme un bouquet de morceaux puisés dans les principaux concerts conçus et composés par Mourad Sakli lui-même, signés par les poètes Riadh Marzouki, Khaled Waghlani et Ali Louati. Les titres «Hkaya Touila», «Ghmouk el Ward», «Kairouan l'éternel» et «Terre d'olivier» tant évocateurs que poétiques ont laissé l'imagination vagabonder. Le public, sans être nombreux, semblait bienveillant. La soirée, vu son programme, s'annonçait intéressante, originale. Dimension littéraire C'est par un hommage à la révolution tunisienne que le concert démarre, pour venir s'enchaîner ensuite, les uns après les autres, les chansons et les morceaux de musique. Eya Daghnouj avec sa belle voix, à l'aise dans les aiguës à laquelle répond et fait écho celle forte, au timbre chaud de Allem Aoun. Ils ont chanté ensemble ou séparément. Le duo, avec entrain en y croyant, jouait le rôle d'un couple amoureux, s'échangeait des paroles et des regards, en portant à bout de bras un spectacle, qui très vite présente le risque de tomber dans une sorte de routine musicale, tout en se voulant varié, éclectique même. De plus, compte tenu de la dimension littéraire revendiquée, on s'attendait à ce que des textes en prose soient lus en alternance avec la musique, du moins que les compositions soient annoncées par leurs titres, par quelques lignes présentant leurs thèmes, par quelques vers choisis. Or, le silence a séparé la musique instrumentale de la musique vocale, comme c'est par le silence que les chansons retenues des différents concerts sont présentées. Rien n'est venu meubler ces interstices parfois longs, parfois gênants qui ont jeté un froid sur la salle plongée dans la pénombre. La voix off du début annonçant les éléments du spectacle n'a pu suffire, elle, à combler les vides. Aucun fil conducteur, donc, aucune mise en contexte, aucune histoire racontée pour souder les morceaux disparates d'un puzzle qui s'abritent derrière un titre, le seul unique, « Misk Ellil. » A l'ensemble, il manquait quelque chose, ce supplément d'âme qui insuffle la force mais aussi l'identité d'une création. C'est d'ailleurs le risque majeur des projets qui se présentent comme des compilations d'œuvres antérieures, et ce, que ce soit au théâtre ou dans le champ musical. Malgré l'art et le savoir-faire indéniables de la troupe et du maître d'œuvre, il manquait encore ce souffle magique qui transcende les voix, les airs, l'espace et le temps pour en faire une œuvre musicale qui touche et fait vibrer.