Des textes en tunisien, qui réinventent l'expression orale, défient la conjugaison verbale de la langue officielle. Les retrouvailles ont le goût de l'intime et de la confession. Ce moment est partagé avec le public qui entre dans l'univers de «Moi plusieurs» comme dans une bulle de savon, transparente et profonde, proche comme le spectre de la lumière, lointaine comme un mirage. Le «Moi plusieurs» de la Maison de l'image, jeudi dernier dans le cadre du festival Artistes Solidaires, est différent de ceux qui l'ont précédé, et à la fois le même. La bande des Moi plusieurs s'imprime à chaque spectacle du nouveau lieu et y laisse ses empreintes. Une seule scène a rassemblé public et artistes. Majd Mastoura, Lilia Ben Romdhane et Hamdi Majdoub pour les textes, Essia Jaïbi pour la mise en scène, Oussama Gaïdi pour la musique, et des personnes à l'écoute et à la découverte. Comme à leurs débuts, les paroles du premier trio sont de la rue et ils y reviennent, par le thème, par la symbolique ou par la référence. Quoi de mieux que leurs paroles pour expliquer leurs textes : «Avant, on se réunissait dans la rue pour lire des textes de manière (assez) spontanée. On s'était donné comme nom "Street Poetry". Plus tard, chacun de nous a pris une direction, a fait son petit bout de chemin. Aujourd'hui, quelques-uns parmi nous se sont réunis dans un nouveau cadre et ont préparé un spectacle... associant textes, musique, lumière et scénographie». A travers tous ces éléments, les trois auteurs-lecteurs habitent et habillent leurs mots. Des mots qui nous ressemblent, nous partagent et nous assemblent, ancrés dans le local et ailés d'universalité. Des textes en tunisien, qui réinventent l'expression orale, défient la conjugaison verbale de la langue officielle. L'enfance y est joviale, insouciante et songeuse. Puis, on grandit en suivant les rimes libres de leurs textes pour devenir à notre tour : «Moi plusieurs Parce que moi en trop et parfois pas assez Moi, tout le temps et parfois pas complètement Moi, éphémère et parfois persistant Après moi le déluge et parfois moi dissout en eux». Des textes sincères et rafraîchissants, qui nous en donnent assez et nous laissent sur notre faim, qui nous font oublier les éternels débats sur «Qu'est-ce que la poésie ?» et «Le tunisien est-il une langue ou un dialecte ?». Un spectacle sans prétentions, à prendre comme il est, tout simplement.