Pour tous les amateurs tunisiens du football, le nom d'Abdessalam Chammam évoque bien de souvenirs. De très beaux, bien entendu. Ce buteur, longtemps sous les couleurs marsoises, après un court passage d'apprentissage au Stade Gabésien a été une fine gâchette de notre championnat. Véritable buteur, l'enfant de Gabès aura certainement illuminé, des années durant, le championnat national de sa classe, sa technique, son sens du but, sa vista, bref, son talent et son élégance. Tout à fait naturel, Abdessalam Chammam appartenait en effet à la génération dorée du football tunisien, celle de Agrebi, Témime, Tahar Chaïbi, Jenayah, Attouga et bien d'autres. Né à Gabès le 12 juin 1947, celui qui est devenu le chouchou éternel et incontesté de toute La Marsa commence son histoire footballistique en 1962 à quinze ans avec le stade gabésien. Deux ans seulement étaient suffisants pour que ce pur gaucher commence à se faire un nom, retient les regards de tous les puristes, anime les enchères et attire ainsi la convoitise de tous les clubs, les deux grands de la capitale surtout. Deux ans seulement pour rejoindre d'abord l'équipe nationale junior et l'équipe nationale de la police. Malheureusement des exigences administratives ont fait échouer le passage de Chammam au Club Africain et à l'Espérance de Tunis. Mais à quelque chose malheur est bon. C'est l'Association sportive de la Marsa qui, grâce à la détermination de ses dirigeants, trouve les parades nécessaires pour contourner les contraintes administratives de l'époque : quelques mois de service militaire, et l'enfant de Gabès pose ses valises à la banlieue de Tunis, devient définitivement marsois et se positionne surtout comme la nouvelle attraction du championnat national. Et aussitôt, car la nouvelle coqueluche multiplie les performances et commence à affoler les compteurs, ce qui lui a valu une place de choix dans l'équipe nationale de football de 1968 à 1974. Et tout le monde reconnaît qu'avec Chammam, et durant quatorze ans à la file, l'ASM a connu certainement sa plus belle épopée. Justement, durant plus de 14 ans, Abdessalam Chammam a régalé de toute sa classe supporters, partenaires et adversaires. Aussi bien dans son club du cœur, l'ASM ou celui du devoir, l'équipe nationale. 14 ans que Chammam résume en deux dates historiques. 1970 et l'historique finale perdue par corners contre le Club Africain, (2-1), et 1977, la plus heureuse sans doute et la finale de coupe de Tunisie remportée contre le club sfaxien. Question d'implication et de passion Il reconnaît toutefois que l'environnement à l'époque était totalement favorable à la performance qu'il s'agisse d'environnement ou des mentalités. Autrefois, se rappelle-t-il : «On jouait avant tout pour se faire et faire plaisir, sans calculs et sans retenue, ce qui justifiait en grande partie le niveau très rapproché de la majorité des clubs. Egalement, l'implication, l'esprit d'appartenance et le respect du maillot étaient des devises et des conduites. Un tel état d'esprit s'est traduit pendant très longtemps par un football de haute facture et une présence régionale et internationale remarquable».. Ce qui est encore important pour Abdessalam Chammam, c'est que le «football était géré à cette époque selon des méthodes et des visions bien claires. Et tout se fait à la base, car il est question avant tout d'un métier qui a besoin de maîtrise et de bonne gestion». Plus important encore, «l'engagement au niveau des jeunes et leur adhésion au projet footballistique étaient sans faille». C'était justement la génération dorée du football tunisien, conduite par un ensemble de joueurs hors pair. Il suffit de citer Tahar Chaïbi, Agrebi, Témime, Tarak Dhiab, Jenayah, Attouga, Khouini et bien d'autres, pour en mesurer toute la dimension. Aujourd'hui,ce n'est malheureusement plus le cas. Le football a totalement viré de son itinéraire habituel pour se transformer en véritable fonds de commerce. La formation, l'encadrement et le suivi sont devenus des denrées rares malheureusement. D'ailleurs, affirme-t-il, «la mobilisation de plus de 90% du budget des budgets aux seniors est significatif. Apparemment, il n'y a plus de place pour les jeunes. Et même l'environnement immédiat du football n'est plus le même. D'ailleurs, Chammam reconnaît que depuis des années, il a perdu totalement cette culture footballistique, tellement la réalité de notre football est devenue décevante». Et il faut certainement toute une révolution pour que notre football retrouve sa valeur et ses repères d'autrefois.