Quelle serait la «meilleure» formation à présenter face à l'Angleterre ? Une question piège dans laquelle même Nabil Maâloul pourrait tomber, du moins se mélanger les pinceaux. En effet, étant donné que le sélectionneur n'a pas encore en main ou en tête la liste des éléments sur lesquels il pourra compter de manière effective, la liste des rentrants sera difficile à arrêter. Mais... jouons le jeu tout en considérant que l'effectif sera au complet et qu'à la faveur des dernières sorties de l'équipe de Tunisie le visage du «onze» tunisien a énormément évolué. A nos yeux comme à ceux de nos adversaires potentiels, la Tunisie est à prendre au sérieux. Le sélectionneur tunisien auquel on a demandé son avis sur les prochains adversaires a été clair : «d'après les commentaires recueillis, l'Angleterre et la Belgique nous respectent. Nos prestations face à la Turquie et au Portugal, en revenant de 0-2 à 2-2, notre football ouvert et attractif, notre style de jeu, ont renforcé la méfiance vis-à-vis de l'équipe de Tunisie. Nos adversaires nous observent, regardent nos matches et connaissent nos joueurs. Il y a forcément une évolution dans le bon sens». A l'ère de la polyvalence Pour choisir les joueurs de l'équipe type, surtout à l'ère de la polyvalence et de l'évolution du jeu lui-même, les choses ont beaucoup changé. C'est ainsi, ce n'est pas la disposition de l'équipe sur le terrain en 4-4-2/3-5-2... qui compte mais l'animation du jeu. En fonction des circonstances du match, les défenseurs peuvent être amenés à animer l'attaque et à marquer des buts. Et cela a été le cas ! Les attaquants ne se limitent plus à leur fonction et à leur zone. Ils ont tendance à jouer le rôle de première ligne de défense. Les mouvements des latéraux qui de nos jours et dans le football moderne ne sont plus chargés de défendre mais aussi de créer le surnombre, les lignes du hors-jeu qui changent en fonction du positionnement de l'adversaire, les mouvements individuels ou collectifs des joueurs au cours des coups de pied arrêtés, le pressing exercé par les milieux de terrain sont des éléments déterminants du jeu d'une équipe. Nous avons vu par exemple contre le Portugal la transformation du milieu de terrain qui, perdu, presque ballotté en première mi-temps, s'est ressaisi et a imposé son rythme à des adversaires pourtant rompus à ces luttes de prise de pouvoir des zones névralgiques. Le rôle de Sassi a été déterminant et a empêché les Portugais de développer à leur manière leur jeu. Trouver la bonne formule Rien que pour trouver la bonne formule et pour créer la symbiose entre les lignes, cela présente un véritable casse-tête pour le sélectionneur qui agit en fonction de ce dont il dispose le jour du match, parfois à quelques heures du coup d'envoi. Il va sans dire que depuis la blessure de Msakni, certaines dispositions ont été prises pour changer son fusil d'épaule et confier l'animation de l'attaque à Khazri qui relève de blessure. L'Angleterre, elle, a beaucoup changé. Elle ne mise plus principalement sur un jeu athlétique. Elle a évolué techniquement, grâce notamment à l'apport des techniciens et des joueurs étrangers. Les Anglais ont toujours eu des difficultés face aux sélections nord-africaines. Notre football se base beaucoup sur l'inspiration, l'instinct alors que le leur demeure plus rigide en dépit de la venue de nombreux joueurs de talent. Ligne par ligne, les Tunisiens seront jugés tout d'abord en défense, car c'est cette ligne qui subira les premiers assauts conformément aux consignes que l'on donnera au vu des observations accumulées. Les observateurs avertis ont certainement remarqué le manque de synchronisation et l'absence totale de communication, le manque de concentration entre les défenseurs. Cela n'a sans doute pas échappé à Maâloul qui s'est évertué à repositionner et à relancer ses défenseurs qui, individuellement, sont bons mais qui doivent se compléter, s'entraider et surtout agir collectivement. L'expérience maintenant confirmée de A. Maâloul, la rigueur de Naguez, qui marque quand même quelque lenteur en phase de repli, ses camarades du secteur central devraient s'associer à leur gardien de but pour rappeler à l'ordre et distribuer les rôles. Individuellement la charnière centrale avec Ben Youssef, Mériah et les deux latéraux vaut beaucoup mieux que les misères subies lors des dernières sorties. Ce qui lui manque, c'est bien d'être orientée et rappelée à l'ordre pour ne jamais perdre sa concentration. Sensations et repères L'attaque tunisienne a la chance de posséder au moins deux ou trois joueurs dont la polyvalence constitue un point fort. Khazri bien sûr, dont les performances avec l'Equipe de Tunisie ou les statistiques avec Rennes sont éloquentes. Ce joueur, capable d'évoluer milieu offensif ou attaquant de pointe, est devenu incontournable en sélection et à Rennes, mais aussi Naim Selliti qui a fait une très belle saison. Khelifa qui a l'expérience et le flair et qui a terminé sa saison sur une bonne note. Bassam Esserarfi qui commence à gagner ses galons et vers lequel lorgnent quelques clubs allemands et anglais. Ces joueurs peuvent évoluer au centre de l'attaque, à droite, à gauche, peuvent venir de loin, de derrière, sur les ailes. Ce sont là des joueurs d'expérience, des leaders, et l'équipe de Tunisie en a besoin car les joueurs ne doivent pas seulement regarder le ballon. Ils doivent être attentifs aux déplacements des joueurs de l'équipe adverse, pour anticiper les actions de cette dernière, accélérer la récupération du ballon et, ensuite, mieux placer leurs attaques. La présence de Skhiri, dont la cote est en pleine ascension, est à ce niveau très importante. C'est un joueur qui se complète avec Sassi qui récupère et qui s'appuie sur les compétences de son compère pour orienter le jeu, l'accélérer ou au contraire le ralentir en fonction de la physionomie de la rencontre. La récupération de Ben Amor est un point positif dont il faudrait tenir compte. En football, ce n'est pas comme ce qui se passe dans une entreprise où on change d'organigramme en nommant de nouvelles personnes. Pour changer la physionomie d'une rencontre, on adapte et on adopte de nouvelles stratégies, parfois en plein match, souvent à la mi-temps. Il faut d'abord avoir sous la main des joueurs qui comprennent vite, possèdent les moyens techniques, la volonté et le pouvoir de secouer leur torpeur et qui bien entendu appliquent en un quart de tour les consignes. Il faudrait ensuite que l'entame du match soit favorable. Assez pour permettre aux différentes lignes de trouver leurs repères. Les «remontadas» réussies par l'équipe de Tunisie ont prouvé que les joueurs possédaient cette hargne et cette volonté de dépassement. Ils ont au moins à deux reprises accusé le coup mais tout en préparant la riposte. C'est le propre des équipes qui veulent aller loin. Restent la vérité du terrain et la vérité de la haute compétition.