La révolution tunisienne peut-elle encore résonner sept ans après avec force et signification ? Cherchant à être à la fois sérieux et ludique, le metteur en scène Mohamed Amine Ben Saâd a-t-il réussi son pari ? Après une représentation au Festival de théâtre de Tataouine, « Fantastic City » a été présentée, samedi dernier au 4e Art, devant une assistance peu nombreuse mais avertie. La pièce commence avec la musique du dessin animé «Sassouki» qui a bercé une génération d'enfants, dont fait partie notamment l'auteur. La pièce s'inscrit dans le genre du monodrame socio-politique oscillant entre spectacle pour enfants et spectacle pour adultes. Une parabole du peuple tunisien post-révolution qui a perdu le père et s'écrie «Winou Baba». Privé de paternité, il est à la recherche d'un leader qu'il porte aux nues, puis le tue. Un cycle infernal vécu comme une fatalité. La révolution tunisienne peut-elle encore résonner sept ans après avec force et signification ? Cherchant à être à la fois sérieux et ludique, le metteur en scène, Mohamed Amine Ben Saâd, a-t-il réussi son pari ? Le texte qu'il a écrit est bien élaboré avec toutefois certains clichés. Il aborde la question du pouvoir et de la soumission à ce pouvoir politique. Il y a un aspect tragique à la limite de l'absurde qui apparaît dans la pièce. La trame est plus contée que jouée. C'est du théâtre-récit où le seul personnage, une comédienne, raconte à des enfants l'histoire de la révolution de leur pays. Une multiplicité de personnages incarnés par l'actrice Sihem Akil sur une scène nue. Vêtue d'une robe de mariée blanche, la comédienne passe d'un personnage à un autre enchaînant les situations qui parfois s'emboîtent entres elles. Institutrice, maman, porte- voix du peuple, le personnage s'exprime dans différentes langues, alternant ainsi l'arabe littéraire et le dialecte tunisien avec de temps à autre des interventions musicales : « Rien de rien » d'Edith Piaf, « Bin El Widyène » d'Ismail Hattab et une chanson engagée arabe. Comédienne spécialisée dans le théâtre pour enfants, elle est jugée pour avoir joué une pièce sur la révolution qui a traumatisé de jeunes spectateurs. Ainsi, s'élabore « Fantastic City », du théâtre dans le théâtre. La protagoniste raconte donc les aventures d'Ahmed, un enfant qui a assisté au spectacle atroce de sa cousine dévorée par un chien. Une histoire dans laquelle se multiplient vengeances et déceptions, racontée sur un ton enfantin, en arabe littéraire et avec un accent qui rappelle les dessins animés vus par la génération des enfants des années 90. Mohamed Amine Ben Saâd fait une incursion au milieu du spectacle pour déclamer un texte poétique et créer de la sorte une distanciation. Eclairage, scénographie et musique produisent une étrange quatrième dimension. Le metteur en scène a-t-il dirigé la comédienne ? D'ailleurs, était-il nécessaire de le faire de façon réaliste pour un sujet aussi complexe. Ayant participé à l'écriture du texte, la comédienne Sihem Akil y est à l'aise. Surgit d'entre les spectateurs pour mieux l'impliquer dans la fiction. Avec son énergie débordante, elle incarne durant une heure des personnages paradoxaux de l'enfant au vieux, de la victime au bourreau. Le texte offre plusieurs niveaux d'expressions dans une écriture aux accents poétiques et toute en sensibilité. Toutefois, les composantes scéniques et dramaturgiques sont peu ou mal élaborées, ce qui diminue son attrait. Mais l'effort du metteur en scène et de la comédienne mérite d'être salué.