Les étals anarchique ont drainé également un grand nombre de badaux à l'affût d'articles et de vêtements bon marché Il est communément admis et vérifié que les familles démunies souffrent le martyre à chaque Aïd que Dieu fait. Elles qui, par-dessus le marché, comptent beaucoup de gosses qui ne tolèrent jamais qu'on leur gâche une fête qui est la leur. Mais que faire pour ne pas décevoir ces âmes innocentes? La question revêt une telle importance qu'une petite tournée dans certaines boutiques de la capitale nous a permis de dégager un constat des plus amers, à savoir la hausse des prix qu'affichent les vêtements pour enfants. Jugez-en : un petit pantalon est vendu entre 25 et 40 dinars, contre presque la moitié, l'année dernière. Idem pour les chemises et les paires d'espadrilles dont les prix ont quasiment triplé ! «Avec ces prix absolument inaccessibles, les magasins sont devenus réellement inabordables, voire redoutés comme la peste», déplore un père de famille qui évoque «un désarroi et une injustice indignes de notre révolution». Même son de cloche chez une dame qui n'a trouvé mieux que de tirer à boulets rouges sur les tenanciers de ces vitrines qu'elle accuse d'inhumanité et d'enrichissement illicite sur le dos du pauvre citoyen. Pour s'en défendre, un vendeur de vêtements pour enfants reconnaît l'existence d'une hausse, non sans l'imputer à la montée vertigineuse des coûts de production et des tarifs à la livraison, outre l'augmentation des autres taxes. Vive la... friperie Si, avant la révolution, les magasins étaient, durant la seconde moitié de chaque mois de Ramadan, généralement très sollicités, au point qu'on y refusait souvent du monde, il n'en est pas de même pour cette année où ils sont, du moins jusqu'au week-end dernier, presque désespérément vides. C'est que la plupart des familles nécessiteuses, heureusement pas en panne d'idées, ont eu cette trouvaille : la friperie. Celle-ci est justement pour eux une bouée de sauvetage inespérée. Il est vrai que, dans les étals anarchiques de ce petit commerce parallèle ô combien populaire, on trouve parfois ce qui est introuvable ailleurs. Et à bas prix, SVP. «Avec 30 dinars, à tout casser, j'ai pu m'offrir les habits de l'Aïd pour mes cinq gosses», jubile un habitant de Raoued qui affirme être un smigard qui éprouve de la peine pour arrondir ses fins de mois. «Moi, je suis un fidèle habitué de la friperie tout au long de l'année et forcément à l'occasion de l'Aïd», soutient un autre qui précise, en habile calculateur, que «l'argent que j'économise par le biais de la friperie est toujours consacré au défoulement de mes progénitures à Dahdah et au zoo du Belvédère». Faute donc de ruées sur les magasins de prêt-à-porter, on assiste ces jours-ci à de formidables raids quotidiens dans les étals anarchiques où l'on brave soleil de plomb et bousculade monstre, pourvu qu'on rentre avec les tenues de l'Aïd pour les enfants. Ah, que les temps ont changé!