Devant l'attachement de chaque partie à sa position initiale, des voix s'élèvent pour avancer que la meilleure des sorties de crise pourrait être le jeu démocratique des urnes Infructueuse, c'est le moins que l'on puisse dire de la réunion politique tenue lundi dernier et convoquée par le président de la République Béji Caïd Essebsi. Autour d'une table ronde et dans une ambiance maussade, se sont, en effet, réunis les protagonistes de la crise politique, le chef de l'Etat, le chef du gouvernement, le directeur exécutif de Nida Tounès, le président du mouvement Ennahdha, les patrons de l'Ugtt et de l'Utica, en présence du très influent conseiller du palais, Slim Azzabi. Dans une vidéo diffusée par la présidence de la République, on entend le président Béji Caïd Essebsi appeler à l'union pour sortir de la crise, et on y voit le chef du gouvernement lever les yeux comme par indifférence aux propos du chef de l'Etat. Un chef de l'Etat qui, la veille, ne l'a pas ménagé lors d'une interview accordée à la chaîne privée Nessma TV, «hors-la-loi», selon la Haica. De même, fait insolite, on voyait le président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, taper maladroitement sur un ordinateur portable dernier cri, pendant que le chef de l'Etat prononçait son mot d'ouverture de la réunion. Bref, mardi, il n'y avait pas de place à la détente, bien au contraire, l'ambiance était, semble-t-il, très électrique. Selon le site d'information Business News, le chef du gouvernement Youssef Chahed s'en est pris directement à Hafedh Caïd Essebsi, en pleine réunion, lui demandant de se taire car il n'avait «aucune qualité pour parler au nom de Nida Tounès». Ennahdha mène la danse Politiquement, la position du mouvement Ennahdha a quelque peu évolué, comme le montre le communiqué de la réunion du bureau politique du mouvement, qui comporte, dans son troisième point, un appel au chef du gouvernement à ne pas se présenter à l'élection présidentielle de 2019. Rien de nouveau, en réalité. Le «Cheikh» l'avait déjà exigé plusieurs mois auparavant sur la même chaîne télé dans une déclaration enregistrée et portant une cravate pour la première fois. Un communiqué censé rappeler que Youssef Chahed n'est pas le candidat du parti Ennahdha en 2019. Mise à part cette mise au point du parti Ennahdha, les débats n'ont pas avancé d'un iota et chacun s'en tient à ses positions initiales. Au travers de Mongi Harbaoui, l'un des fidèles de Hafedh Caïd Essebsi, Nida Tounès appuie la proposition de BCE faite au chef du gouvernement de demander un nouveau vote de confiance devant le Parlement. Toutefois, beaucoup se demandent pourquoi le président de la République s'abstient de faire usage de ses prérogatives accordées par l'article 99 de la Constitution qui lui permet de demander à l'Assemblée des représentants du peuple, deux fois au maximum durant tout le mandat présidentiel, de procéder à un vote de confiance pour le gouvernement et son chef si les élus sont favorables à la poursuite de l'action du gouvernement. Dans le cas échéant, le président de la République aura besoin de 109 voix contre pour faire chuter le gouvernement de Youssef Chahed et nommer, lui-même, un nouveau chef de gouvernement. Mais en l'absence d'un accord avec son ami, depuis 5 ans, Rached Ghannouchi, le chef de l'Etat sera certainement dans l'incapacité de réunir les 109 voix nécessaires surtout, après l'émiettement du groupe parlementaire de Nida Tounès. Entre-temps, l'inquiétude et l'incertitude règnent désormais sur les élections présidentielle et législatives de 2019. Déjà, la crise à l'intérieur de l'Isie laisse planer le doute. Aujourd'hui, après le malaise général, voire l'embrouille, provoqué par l'interview du président Caïd Essebsi sur Nessma TV, certains se sont même mis à revendiquer des élections anticipées. Finalement, devant l'attachement de chaque partie à sa position initiale, la meilleure des sorties de crise ne serait-elle pas justement dans le jeu démocratique des urnes ? Certains analystes estiment que le pays n'est pas prêt.