• La Tunisie et la Banque africaine de développement entretiennent, depuis de longues années, des rapports privilégiés • L'Afrique dispose d'une bonne faculté de redressement avec une croissance attendue de 4,5% en 2010 et 5,2% en 2011 • Le volume des échanges commerciaux entre les Etats africains ne dépasse pas 10% • L'intégration régionale, source de croissance additionnelle M. Mohamed Ghannouchi, Premier ministre, a présidé, hier, à Gammarth, l'ouverture de la 5e conférence économique africaine sur le thème "Etablir un plan d'action pour la relance économique et la croissance à long terme de l'Afrique", organisée par la Banque africaine de développement (BAD) et la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique (CEA). Le Premier ministre a relevé que "la Tunisie et la BAD entretiennent, depuis de longues années, des rapports privilégiés. La liste des projets réalisés en commun témoigne de la qualité de cette relation". Il a affirmé que "l'Afrique a plutôt bien résisté à la crise. La croissance en 2009 a été positive, de l'ordre de 2,5%, grâce à la vigueur de la demande intérieure et à l'important soutien de ses partenaires, en tête desquels la Banque africaine de développement". Aujourd'hui, a-t-il poursuivi, l'Afrique dispose d'une bonne faculté de redressement avec une croissance attendue de 4,5% en 2010 et de 5,2% en 2011. Il a ajouté qu'il n'en demeure pas moins que ces résultats, quoique respectables, sont bien en retrait de la croissance moyenne qui prévalait avant 2008, soit 6% en moyenne par an. Ils se sont accompagnés d'une aggravation du chômage, de près de 4 millions entre 2007 et 2009, du basculement de quelque 10 millions de personnes de plus dans la pauvreté, ainsi qu'une nouvelle augmentation de l'endettement extérieur, rendant plus difficile la réalisation des objectifs du millénaire. C'est pourquoi, a-t-il dit, il est impérieux de redoubler d'efforts pour conforter la reprise et amplifier la croissance. Le Premier ministre a relevé que le continent demeure le continent le moins développé. Il ne contribue qu'à 2,5% de la richesse mondiale et 3,5% des exportations internationales, malgré une population atteignant, aujourd'hui, un milliard d'habitants, soit 15% de la population mondiale. Il a déclaré que le sous-développement n'est pas une fatalité et que l'évolution des économies asiatiques permet d'affirmer que tout est question de vision globale, de volonté politique, de stabilité et de mise en œuvre de réformes d'envergure, relevant que le taux de pauvreté qui était de 79% en 1981 pour l'ensemble des pays de l'Asie du Sud-Est est ramené à 18% en 2005. M. Ghannouchi a affirmé que le continent africain ne manque pas d'atouts dont la jeunesse de sa population et son dynamisme et l'importance des richesses naturelles dont il dispose. Le Premier ministre a fait savoir que dans la perspective de rattraper le retard accumulé et d'améliorer significativement le niveau de vie des populations africaines, des taux de croissance annuels du PIB de l'ordre de 10% seraient a priori nécessaires sur de longues périodes. Transparence dans la gestion des deniers publics M. Ghannouchi a relevé que de nombreux pays de notre continent, situés aussi bien en Afrique du Nord, que dans la région subsaharienne, se sont déjà inscrits dans cette mouvance et se sont insérés dans des cercles vertueux. Il a soutenu que le défi, pour nous tous, est de faire, en sorte, que ces expériences positives prennent de l'ampleur, que le rythme de croissance soit plus fort et que le cercle des pays qui émergent s'élargisse d'une année à l'autre. Et le Premier ministre de poursuivre :"Cette évolution doit reposer sur un certain nombre d'exigences dont la première est, certainement, la mise en place d'un système de gouvernance économique efficace. De nombreux pays du continent africain ont choisi cette voie. Leurs réussites sont remarquables. Les principes requis sont partout les mêmes : respect de la loi, transparence, stabilité et lisibilité des procédures et partage efficace des rôles entre secteurs public et privé". Il a indiqué que la transparence dans la gestion des deniers publics ainsi que dans celle des entreprises privées doit être une préoccupation de tous les instants, notant que le recours à la discipline du marché est un des moyens les plus efficaces. "A partir d'une certaine taille, a-t-il dit, les entreprises privées doivent être incitées à recourir au financement direct pour la levée de capitaux sur le marché". Le Premier ministre a, encore, appelé au développement des marchés boursiers perçus, également, comme un important levier à la disposition des autorités afin de favoriser l'investissement. Pari sur la jeunesse et l'éducation Traitant de la seconde exigence, en l'occurrence le pari sur la jeunesse et sur l'éducation, M. Ghannouchi a encore indiqué que toutes les expériences internationales le reflètent. "La Tunisie, a-t-il précisé, peut en témoigner. Les investissements dans ce domaine sont les plus rentables qui soient. Outre l'acquisition d'habilités professionnelles, l'éducation permet de développer l'esprit citoyen et de dégager des externalités insoupçonnées au départ. La formation dans les technologies de l'information et de la communication constitue un important enjeu, elle permet d'injecter dans la sphère productive des jeunes formés aux technologies les plus récentes et à l'inventivité illimitée". Il a fait savoir que ces jeunes, insérés dans la vie active, permettent souvent à leurs pays de prendre des raccourcis technologiques et d'être rapidement à la pointe de certains domaines, relevant que de nombreux exemples en Tunisie, au Maroc, en Egypte, en Afrique du Sud et au Kenya confortent cette appréciation. Le Premier ministre estime, par ailleurs, que l'investissement dans l'infrastructure est également une exigence majeure. "L'infrastructure routière, portuaire et aéroportuaire, tout autant que les zones logistiques, les terrains industriels aménagés, les parcs technologiques (synergie entre structures d'enseignement, de recherche et de production), les réseaux de télécommunications de qualité constituent, a-t-il affirmé, des conditions nécessaires à l'impulsion de l'investissement direct étranger et à l'émergence d'activités à haute valeur ajoutée. Une infrastructure adéquate peut ajouter jusqu'à deux points de croissance supplémentaire". Intégration régionale Le Premier ministre a souligné l'importance des efforts devant être déployés pour développer l'infrastructure de base, à l'effet de créer l'environnement requis, à même de permettre à l'entreprise d'investir. "C'est dire aussi, a-t-il relevé, l'ampleur des capitaux à mobiliser auprès des institutions de développement, BAD, Banque mondiale et autres, pour accélérer la préparation et le financement des projets prioritaires dans ce domaine". Abordant la dernière exigence qui concerne l'ouverture commerciale et l'intégration des économies africaines à l'économie mondiale, M. Mohamed Ghannouchi a soutenu que les possibilités de commerce et d'investissement intra-africains ne sont pas pleinement exploitées jusqu'à présent.Le volume des échanges commerciaux entre les Etats africains ne dépasse pas 10% alors que celui entre les pays asiatiques est aux alentours de 40%. De même, l'investissement intra-africain ne représente que 13% alors qu'il est estimé à 30% en Asie. Il a estimé que l'intégration régionale est source de croissance additionnelle. "L'expérience de la Tunisie en la matière est significative, a-t-il affirmé, le pays est, en effet, depuis le début de l'année 2008 en zone de libre-échange total avec l'Union européenne pour les produits industriels. Il est en négociation actuellement pour étendre les accords conclus aux activités de services. La Tunisie fait partie également de la Grande zone arabe de libre-échange pour les produits industriels et agricoles et a signé un accord de libre-échange avec la Turquie, le Maroc, l'Egypte, la Jordanie et avec les pays de l'Association européenne de libre-échange". Ouverture des marchés Le Premier ministre a rappelé que de nombreux accords préférentiels ont également été conclus ou sont en cours de négociation, notamment avec l'Algérie, les pays de l'Union économique et monétaire ouest-africaine et ceux de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique Centrale. L'enseignement majeur à tirer est que l'ouverture améliore la compétitivité. M. Ghannouchi a avancé que "cette politique a permis à la Tunisie de diversifier son économie et de renforcer sa compétitivité et de faire de l'exportation un important levier de croissance", ajoutant que d'autres pays ayant suivi la même approche ont eu des résultats similaires. Il s'agit, a-t-il poursuivi, d'accélérer l'ouverture des marchés, dans le cadre d'accords équilibrés et de concessions réciproques prenant en compte les écarts de développement. Il importe, aussi, d'appuyer les efforts en cours afin de relancer le cycle de négociations de Doha, tout en veillant à ce qu'une attention particulière soit donnée aux préoccupations de l'Afrique. Le Premier ministre a encore, appelé à favoriser le croisement d'intérêts entre les entreprises, à harmoniser les politiques et règlements et à développer les voies de communication entre les pays africains, en vue de leur conférer une plus grande visibilité internationale. "Nous pouvons faire de l'Afrique un nouveau moteur de croissance dans le monde. C'est l'ambition qui doit être portée par tous et c'est celle de la Tunisie. C'est le credo du Président Ben Ali qui, résolument, s'attache à insérer l'économie tunisienne dans l'économie mondiale, à l'intégrer dans l'espace euroméditerranéen et à développer les créneaux d'ancrage dans l'espace africain", a affirmé le Premier ministre.