Le Centre de recherches, d'études de documentation et d'information sur la femme (Credif) a organisé le mercredi 8 août et à l'occasion de la célébration de la fête nationale de la Femme un concours de plaidoyer «Jeunes pour l'égalité dans l'héritage». A cette occasion, les personnalités présentes ont exprimé leur soutien inconditionnel à l'égalité successorale. Les jeunes participants se sont exprimés à travers des œuvres artistiques et culturelles qui ont enchanté la salle. Le 13 août 2018, journée nationale de la Femme et qui est célébrée chaque année depuis 1956 (date de l'adoption du Code du statut personnel), renvoie à une journée historique où la femme a pu acquérir ses droits grâce notamment à ses fervents défenseurs. Le CSP a représenté à cette époque une vraie révolution et beaucoup de lois sont venues l'appuyer. Mais, et depuis plus de 50 ans, la question de l'héritage demeure la plus controversée. Contrairement à la polygamie, l'avortement et certains droits socio-économiques, celle-ci n'a pu être avalisée, ou même débattue. Si tous les dirigeants et militants ont, durant tout ce temps, mis en veilleuse le débat en le reportant à une date ultérieure, le rapport de la Colibe (Commission des libertés individuelles et de l'égalité) a finalement permis de remettre la question sur la table de la discussion, et ce, depuis juin 2018 (date de sa publication), ébranlant ainsi des valeurs qu'on croyait inébranlables. Cette année, la fête de la femme aura un autre goût. La question de l'héritage est déterminante. Ce combat pour l'égalité successorale engage une partie de la société civile, des militants des droits humains, mais aussi les associations et organisations qui ont choisi d'en faire leur fer de lance. Le Credif a organisé à cette fin et à l'occasion de la fête nationale de la femme un concours de plaidoyer « jeunes pour l'égalité dans l'héritage » avec la collaboration de la fondation allemande Friedrich Ebert et l'ONU femmes et le soutien du ministère des Affaires culturelles. A cette occasion, les allocutions se sont axées sur l'importance de franchir un nouveau palier dans la parité homme-femme en soutenant notamment les initiatives des jeunes engagés dans la défense des libertés et des égalités. Une fête sous le signe de l'égalité Pour Mme Dalenda Larguech, directrice du Credif, la Tunisie célèbre annuellement non pas une fête nationale mais « les nouveaux acquis des femmes tunisiennes. Nous devons passer ce message, notre message, car ils sont les meilleurs ambassadeurs pour faire valoir les valeurs et les droits des femmes », a-t-elle précisé. La directrice du Credif a mis en exergue le modèle tunisien dans la défense des droits des femmes. Depuis la promulgation du CSP, au lendemain de l'Indépendance, la Tunisie s'est inscrite dans une vision avant-gardiste qui s'est adossée sur l'adoption et la promulgation de lois et de circulaires qui ont permis d'abolir les plus rétrogrades d'entres elles. « La question de l'égalité de l'héritage est une question sociétale qui nous engage tous. Elle est le signe de l'entrée dans la modernité et l'ancrage des valeurs démocratiques qui répondent aux changements qu'a vécus notre pays ». Mme Larguech a rappelé l'engagement des plus hautes sphères de l'Etat, à commencer par le Président de la République qui a encouragé cette initiative. « Nous ne voulons pas que la Constitution soit une simple image de façade. Nous voulons que de vraies discussions voient le jour. Et que l'égalité soit instaurée, car c'est une chance aujourd'hui qui nous est donnée pour réviser nos valeurs et pour qu'elles soient en adéquation avec la Constitution et les normes internationales auxquelles nous adhérons », a relevé la directrice du Credif. Pour le membre de la commission de la Colibe, Slim Laghmani, la question qui a suscité les plus grandes vagues de critiques est celle de l'égalité de l'héritage. Il a notamment expliqué que la Colibe a opté pour des propositions. « Nous avons présenté trois propositions. La 1ère concerne l'égalité dans l'héritage, la seconde est relative au détenteur de l'héritage et la 3e qui a soulevé beaucoup de remous se rapporte à la possibilité de laisser le choix à la femme qui hérite d'appliquer ou non la loi islamique », a-t-il précisé. La réponse demeure, selon lui, entre les mains du Président de la République et de l'ARP. La représentante de l'ONU femmes, Mme Héla Skhiri, a dénoncé l'écart entre les hommes et les femmes qui persiste jusqu'à aujourd'hui malgré les grandes avancées et les percées féminines dans différents domaines. Cette inégalité engendre une régression du potentiel féminin et de l'autonomie économique des femmes. « L'égalité successorale représente un vecteur incontournable. Sa non-effectivité limite les effets dynamiques et intergénérationnels et bouleverse même l'économie nationale ». Pourquoi la question de l'héritage continue-t-elle à susciter autant de controverses, dans un pays qui est pionnier dans les droits des femmes et où la femme tunisienne a été désignée « la femme arabe de 2018»?, se sont interrogés les intervenants et les participants présents à cet événement. Le concours a vu la participation de six jeunes (3 filles et 3 garçons) âgés entre 16 et 25 ans qui ont exprimé leur position sur ce sujet épineux à travers la réalisation de belles créations artistiques. D'éminents experts religieux et sociétaux étaient présents dont Mme Khédija Maala, spécialiste dans le développement personnel, M. Walid Ferchichi, militant dans les droits de l'Homme et professeur de droit, et Mme Ikbel El Gharbi, ethnologue et spécialiste des questions religieuses.