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La rhétorique divine y est pour quelque chose
La question de l'héritage
Publié dans La Presse de Tunisie le 10 - 03 - 2018

La polémique autour de la question de l'héritage a commencé à se cristalliser dans un certain nombre de pays arabes et musulmans. En Tunisie, le débat est franchement lancé, mais le chemin est long et tortueux, et la bataille est loin d'être gagnée.
En cette semaine de célébration de la fête des femmes en Tunisie et à travers le monde, un séminaire a été organisé par le Centre de recherche et d'étude sur la femme (Credif), portant sur le thème «L'égalité dans l'héritage entre la lecture renouvelée des textes religieux et les transformations sociétales».
C'est la directrice générale du centre, Dalenda Largueche, qui ouvre ce bal de haut vol par un mot de bienvenue. Elle présente à ce propos la plateforme tant conceptuelle que référentielle sur laquelle vont s'appuyer les travaux de la rencontre. Trois thématiques définies et autant de séances composent la journée dédiée à une réflexion approfondie autour de la thématique controversée de l'égalité dans l'héritage entre les hommes et les femmes.
Mme Largueche déclare en substance que cette démarche s'insère dans le cadre des efforts entrepris par les différentes parties prenantes autour de la question des droits successoraux, initiée notamment par le président de la République, un certain 13 août 2017. Il n'est plus d'actualité de démontrer l'étendue du rôle joué par la femme, que ce soit au sein de la famille ou dans la société, fait-elle valoir. Réalité, pourtant, que «certains continuent de nier encore aujourd'hui». Une posture en porte-à-faux avec les principes constitutionnels qui consacrent l'égalité homme-femme, avec les traités internationaux, ainsi qu'avec les finalités et valeurs éthiques de l'islam. Cela fait près d'un siècle, en outre, que l'appel avait été lancé par le réformiste Tahar Haddad en vue de réviser les lois successorales, rappelle Mme Largueche. Il est aujourd'hui pressant, estime-t-elle, de débattre de cette question à la lumière des transformations scoiales, économiques et politiques opérées en Tunisie.
Une approche multiple
Des universitaires, des juristes, des figures de la société civile et du féminisme tunisien étaient présents massivement dans cette salle retapée à neuf d'un hôtel de la capitale, pour suivre un débat qui les touche de près et dont ils ont fait depuis quelque temps leur principal cheval de bataille.
La première séance présidée par Zahia Jouirou s'intitule «L'héritage de la femme, de la lecture unique du texte (coranique ndlr) vers des lectures renouvelées» ; la deuxième, présidée par Riadh Zghal, porte le titre : «La réalité des femmes dans le contexte socioéconomique actuel». La dernière séance tenue l'après-midi, présidée par Hafidha Chkir traite de «L'égalité entre les deux sexes à travers le miroir de l'universalité des Droits de l'homme et leur globalité».
Comme l'avait annoncé Mme Largueche au préalable, l'approche pour traiter de la question de l'héritage sera multiple, intégrera la dimension religieuse et doctrinale dans sa complexité, les variables sociales, économiques et politiques ainsi que les considérations juridiques et celles relevant des Droits de l'homme.
Vision humaine et masculine
La première à prendre la parole est l'universitaire et auteure Olfa Youssef dont la conférence s'intitule, «L'égalité dans l'héritage de la jurisprudence (fiqh) à l'étique». Elle annonce d'emblée qu'elle n'a nullement l'intention de réformer les textes mais les lectures qui en ont été faites par les humains. Pourquoi les «foukaha» (jurisconsultes) refusent-ils de procéder à une relecture des lois de l'héritage en islam ? «Trois objections sont avancées : Le texte coranique est clair et explicite à ce sujet ; dans certains cas, la part de la femme est supérieure à celle de l'homme, et, enfin, le coran est valable en tout temps et en tout lieu».
«Premièrement, objecte la conférencière, le texte coranique n'est pas aussi clair qu'on veut le faire croire pour ce qui concerne le droit successoral». D'autant, dans plusieurs cas de figures où le texte reste silencieux, les «foukahas» ont décidé de faire bénéficier le mâle. C'est un choix, argumente-t-elle, qui n'est pas dicté par le Coran, mais par les hommes. Ce sont les exégètes qui ont choisi de donner la primeur au mâle. Ainsi par exemple, si l'héritière est enfant unique, l'oncle, le cousin, les proches mâles hériteront avec elle. A ce propos Mme Youssef fait remarquer que c'est une vision humaine masculine qui a été greffée lorsque le texte divin se tait ou que les exégètes ne tombent pas d'accord sur le champ sémantique d'un terme ou d'un verset.
L'islamologue et universitaire Neila Sellini présente une intervention intitulée : «Vers une nouvelle approche des lois de l'héritage». D'entrée de jeu, elle fait part de ses regrets qu'après un combat de trente ans, rien n'a été fait». Mais encore, la lecture historique de ces décennies révèle la présence de trois directions en lice sur le terrain : le courant traditionnaliste qui refuse toute révision des droits successoraux ; le deuxième courant féministe «et j'en fais partie», prend-elle soin de préciser, qui a choisi pour champ référentiel les traités internationaux, donc il se situe de facto à l'extérieur des textes religieux. «Avec une société tunisienne telle que nous la connaissons, cela ne marchera jamais», alerte-t-elle. «Qui nous épaulera dans cette démarche ?». S'est-elle encore demandé. «Nous avons passé notre temps à débattre pendant que le courant passéiste gagne du terrain, en affichant un discours menaçant et dissuasif selon lequel celui qui renonce à l'application des lois successorales est comparable à celui qui renie le message du prophète Mohamed et le principe de l'unicité de Dieu».
Une pratique novatrice
Le troisième courant pour lequel Mme Sellini a finalement opté est celui du débat et de la patience. Une démarche qui consiste à simplifier le discours, impliquer la société, débattre avec elle, pour inverser la donne. «Il faut que la société évolue avec moi, parce que je dialogue avec elle, alors même que je suis encore en phase de réflexion». Pour finir, l'intervenante lance une pique à l'endroit des médias : «Les tribunes médiatiques sont ouvertes aux traditionnalistes alors que nous autres, nous luttons pour nous frayer un passage».
Imed Melliti, universitaire et sociologue, a été appelé à présenter une intervention portant le titre «Une sociohistoire de l'héritage en Tunisie». Il atteste en substance que de nouvelles pratiques en matière de succession commencent à voir le jour en Tunisie ; «bien que les pratiques inégalitaires semblent constituer une tendance dominante, des formes de partage égalitaire, encore minoritaires, ne sont pas moins observées». Selon M.Melliti, celles-ci confortent l'hypothèse de l'émergence d'une pratique novatrice en matière de succession fondée sur l'adhésion aux valeurs d'égalité, qui s'impose avec les changements affectant la famille et la société dans son ensemble». La technique la plus utilisée, détaille-t-il, est celle de la donation, qui bénéficie de surcroît d'un régime fiscal très avantageux.
Evoquant l'évolution opérée par la femme tunisienne, le conférencier ajoute en outre que «si les femmes réussissent autant dans leurs études et parviennent à investir massivement le monde du travail, en dépit d'un taux d'activité économique inférieur et un taux de chômage supérieur à celui des hommes, c'est parce que les familles dans lesquelles elles vivent ont profondément changé». Ces transformations sociodémographiques opérées depuis l'indépendance sont de portée considérable, entraînant «un bouleversement total au niveau du vécu et des dynamiques relationnelles au sein des familles».
Le sens de la formule
La polémique autour de la question de l'héritage a commencé à se cristalliser dans un certain nombre de pays arabes et musulmans. En Tunisie, le débat est franchement lancé, mais le chemin est long et tortueux et la bataille est loin d'être gagnée, comme cela a été dit et répété par les conférencier (e) s qui se sont relayés à la tribune (quoi que nous n'ayons pu les suivre tous, ce serait le rôle des revues spécialisées).
La rencontre du Credif s'est voulue un lieu de réflexion et d'échange « apaisé» et «ouvert». Relevons néanmoins que la parole du camp adverse ( pour le nommer ainsi) n'a pas eu droit de cité, si' l'on se réfère, du moins, aux noms des intervenant (e) s, —des militantes de la première heure, connues pour la plupart pour leur engagement pour la cause féministe et pour les droits et libertés—, si l'on se réfère aussi aux intitulés des interventions, lesquelles convergent toutes dans le même sens, quelle que soit l'approche religieuse, juridique, socioéconomique, historique. A bien regarder l'assistance, également, la réunion semble être un concentré de l'entre-soi. Autant dire prêcher des convaincus.
Quoi qu'il en soit les interventions ont été présentées en arabe littéraire et en dialecte tunisien, elles étaient limitées dans le temps, argumentées, étayées par des exemples concrets et les concepts vulgarisés, autant que faire se peut. Un réel effort didactique a été déployé. Cela étant dit, malgré ces tentatives d'ordre pédagogique, et compte tenu de la complexité du thème, le propos (ce qu'on en dit) est resté compliqué, voire incompréhensible pour le citoyen lambda qui représente, vraisemblablement, la cible ultime à atteindre et à convaincre.
En outre, les analyses et autres arguments quoique simplifiés ont tôt fait de se briser contre la rhétorique divine déployée dans cette phrase nominale (sans verbe) de quatre mots, (Walli Dhakari mithlou Hadou al-onthayaane), «au mâle revient une part équivalente à celle de deux femelles», Sourate 4, intitulée les Femmes, (An-Nisaa), verset 11. La traduction est longue et ne produit pas l'effet ni rend la force et le génie de la formule telle qu'exprimée dans le texte coranique.
Ce verset tronqué, simple et facile à retenir n'est pas brandi comme preuve suprême de l'instruction divine par les traditionnalistes uniquement, mais par une bonne partie de la société tunisienne, femmes et hommes, jeunes et moins jeunes, lettrés ou pas, arabophones ou pas.
Tout le monde connaît cette partie du verset par cœur et la cite machinalement, comme une évidence, chaque fois que la question est posée. A contrario, les élucubrations des exégètes, décriées par les modernistes, qui ont façonné la lecture et l'application du droit successoral dans l'islam selon leur bon vouloir, sont difficiles à démontrer de manière simple et convaincante et restent inintelligibles pour le plus grand nombre de gens.
Au-delà des croyances, au-delà des histoires d'héritage et des questions d'argent qui brisent les familles et divisent les frères et sœurs, au-delà des revendications légitimes de la femme, le verset en question, explicite, limpide et fluide a profondément marqué la conscience collective tunisienne, pour l'en déloger, il faudra faire preuve d'inventivité.


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