Avec ses 95 hôtels et la réputation dont elle jouit au-delà de nos frontières, l'île des lotophages a joué un rôle clé dans la reprise du secteur «L'air de Djerba est si doux qu'il empêche de mourir», disait le célèbre écrivain français Gustave Flaubert, l'un des centaines de millions d'étrangers tombés sous le charme de «l'île des rêves». Il est vrai que celle-ci s'est, depuis belle lurette, forgé une formidable réputation internationale que lui envient de célèbres archipels en Europe, Asie et en Amérique. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si Djerba a été récemment plébiscitée «meilleure destination parmi les îles touristiques du monde». Ce n'est pas non plus un hasard si les secrets de sa réussite sont... étudiés dans les écoles algériennes. Et, bien sûr, à force d'accumuler les hommages, elle ne peut qu'en être fière. Fière de sa riche histoire que raconte l'immortel Ulysse. Fière de sa situation géographique enviable et recherchée. Fière aussi de ses vieilles traditions demeurées, à nos jours, étrangement solides. Fière enfin de l'immensité des étendues de ses sables, de la forte compétitivité de son tourisme et de la chaleur de l'hospitalité de ses habitants qui lui sont restés si attachés, si fidèles et si orgueilleux. Des chiffres en hausse Dès lors, il n'est pas exagéré de dire que Djerba, avec ses 95 hôtels, a joué un rôle capital dans la grande reprise qu'a connue le tourisme tunisien, cette année. En effet, selon les statistiques 2018 arrêtées au 30 juin dernier et incluant la zone Djerba-Zarzis, les marchés traditionnels français et allemand ont connu une hausse respective de 88% et de 81%, alors que globalement les marchés classiques (France, Italie, Allemagne, Belgique, Suisse...) ont progressé de 80%. Idem pour le marché russe qui est à créditer d'une belle percée (+74%) et pour celui algérien qui revient en force. Le constat est aussi à la hausse en ce qui concerne la capacité d'exploitation des hôtels qui est passée de 30 mille lits en 2016 à 41 mille lits en 2018. Ces chiffres auraient pu être encore plus frappants si quelques unités hôtelières restées fermées depuis la révolution pour difficultés économiques avaient rouvert leurs portes. De surcroît, dans ces statistiques officielles, on n'a pas tenu compte du rendement de ce qu'on appelle «les maisons d'hôtes», autre opportunité actuellement très prisée qu'offre le tourisme balnéaire dans l'île. Peut mieux faire Reste maintenant à savoir comment l'île des rêves s'est... éveillée si brutalement pour pulvériser de tels records dans une conjoncture si difficile. «Non, on ne peut pas parler de baguette magique», répond M. Jalel Henchiri, vice-président de la Fédération tunisienne de l'hôtellerie dont il est également président de la fédération régionale Djerba-Zarzis et membre de la commission des négociations sociales. Figure de proue du tourisme tunisien, pur... djerbien, il estime que «Si cette île est demeurée très sollicitée par les touristes, c'est tout simplement parce que ceux-ci y trouvent leur compte, grâce à la beauté de l'île. Et c'est sur cet acquis inestimable que nous avions travaillé et cravaché dur sans jamais laisser les bras au plus fort des attentats terroristes qui avaient secoué le pays. Nos partenaires étrangers récalcitrants qui fuyaient alors la Tunisie, ont fini, sous notre pression, par se rendre à l'évidence que l'hydre terroriste n'est pas spécifique à notre pays et qu'il peut frapper à Paris, à Londres, à Berlin, bref un peu partout dans le monde». Pour M. Henchiri, «Si nous avions résolument tenu au come-back des touristes, c'est parce que, Dieu merci, nous avons de quoi les séduire, à savoir les atouts naturels de l'île et ses offres de dépaysement tentantes. Et, là, je suis persuadé que ceux que nous avons récupérés n'ont pas été déçus». A bien y voir, peut-on parler de perfection ou d'outosatifaction ? «Absolument pas», répond notre interlocuteur qui, en dépit des résultats flatteurs engrangés jusqu'ici, ne semble pas céder à l'euphorie. En pro averti, ne mâchant pas ses mots, M. Jalel Henchiri reconnaît humblement qu'il y a encore du pain sur la planche. «Si les hôtels, note-t-il, carburent cet été à plein régime dans la zone Djerba-Zarzis, il n'en demeure pas moins vrai que des problèmes perdurent et nous empêchent, par voie de conséquence, de faire mieux. A commencer par le tourisme local qui n'arrive pas encore à se débarrasser de sa mauvaise habitude : la réservation tardive. C'est d'autant plus bizarre qu'il est communément admis que plus on réserve tardivement, plus les chambres vacantes sont introuvables, outre l'augmentation inévitable des tarifs de dernière minute. Et pourtant, nous avions lancé, depuis l'hiver, de fréquente campagnes de sensibilisation à ce sujet, notamment sur la toile qui constitue un support idéal pour les réservations en temps opportun et bien avant l'heure du surbooking...». Et notre interlocuteur de dénombrer les autres points faibles dont souffre encore le tourisme là-bas, et qui vont du nombre limité du personnel exerçant dans les hôtels, au volet environnemental (problème de voirie, de réseaux d'assainissement, de circulation...), en passant par la difficile accessibilité à l'île où seuls trois bacs sur neuf fonctionnent ! Par ailleurs, M. Henchiri appelle à prendre en considération trois autres urgences, à savoir la mise en application du livre blanc du tourisme, l'identification par les parties concernées de nouvelles formules de financement des projets touristiques et la régularisation de la situation floue dans laquelle végètent certains établissements hôtelier qui sont soit fermés, soit fonctionnant dans des conditions inacceptables, par la faute justement de locataires occasionnels qui n'ont rien à voir avec l'hôtellerie et le tourisme.