Le comité de défense de l'agent sécuritaire Ahmed Laaouini informe l'opinion du harcèlement subi par son client lors d'une conférence de presse organisée hier à Tunis. Le comité de défense de l'agent sécuritaire Ahmed Laaouini, principal témoin dans l'affaire Saber Laajili, accusé avec Chafik Jarraya et Najem Gharsalli dans l'affaire d'atteinte à la sûreté de l'Etat, et actuellement en état d'arrestation dans une affaire de falsification de PV de saisie de véhicules de contrebande, a organisé une conférence de presse, hier, afin d'expliquer les tenants et les aboutissants de l'affaire et revenir sur ses derniers rebondissements. Renommé sous le pseudo d'« Al ouachi » (mouchard, ndlr), Laaouini fait face, selon ses avocats, à une vague d'accusations calomnieuses liées à des liaisons avec des extrémistes et les tentatives de l'innocenter piétinent et suscitent encore plusieurs interrogations. Ahmed Laaouini, agent sécuritaire à la Brigade antiterroriste et très peu connu, s'est retrouvé du jour au lendemain au centre d'une affaire de la plus haute gravité touchant la sûreté de l'Etat. Cet agent aurait dénoncé aux services gouvernementaux son supérieur Saber Laajili. Ce dernier, qui croupit depuis plus d'une année derrière les barreaux, est soupçonné de complot contre l'Etat et d'avoir eu des liens avec le sulfureux homme d'affaires Chafik Jarraya, arrêté depuis le 23 mai 2017. Le comité de défense de l'agent Ahmed Laaouini, constitué des trois avocats Lazher Akermi, Nadhir Ben Yedder et Abdessatar Massoudi, a organisé, hier, une conférence de presse afin de faire la lumière sur les différents points autour de cette affaire et dénoncer le fait que les regards accusateurs se sont braqués sur Laaouini en raison, selon eux, des différents calculs politiques qui manipulent l'affaire. L'informateur est protégé par la loi : Article 80 du code pénal L'avocat, Me Abdessatar Mastouri, a tout d'abord critiqué l'usage du pseudo « ouachi » collé à son client, qui a une connotation péjorative et humiliante par rapport à sa personne. « Notre client n'a fait qu'informer les autorités concernées et n'est donc qu'un simple informateur qui devrait être traité comme tel. Nous dénonçons l'appellation médiatique de « ouachi» qui n'a aucun fondement juridique ». « L'article 80 du code pénal stipule qu'est innocente et non susceptible à l'incarcération toute personne qui informe dans les crimes d'atteinte à la sûreté nationale et la loi sur le terrorisme appelle également à la protection de l'informateur selon les dispositions de protection », a-t-il précisé. Me Mastouri a en outre défini la notion d'informateur comme étant toute personne physique ou morale qui informe les autorités concernées par des preuves sérieuses de l'existence d'un crime quelconque ou d'une forme de corruption. « Toutes les lois et législations tunisiennes parlent de l'informateur et non de " ouachi " ». « Le 12 novembre 2016, notre client a présenté un rapport transparent au procureur général l'informant être au courant d'un crime qui a eu lieu dans le centre de la brigade antiterroriste et un rapport sur les noms des personnes concernées et impliquées dans des affaires de blanchiment d'argent et de trafic d'armes. Le procureur a transmis cette plainte à la justice militaire. Et c'est à partir de là que les accusations et les inculpations sont tombées sur notre client, suite à cette simple information », explique l'avocat de la défense. Il a également dénoncé ceux qui veulent dénaturer les faits et rendre cet informateur l'accusé principal en le harcelant médiatiquement et juridiquement. L'avocat a notamment révélé les affaires qui ont été, selon ses dires, imputées à son client. « Dès l'arrestation de Chafik Jarraya, les accusations ont commencé à lui tomber dessus. Une première le 30 novembre 2017 pour des dénonciations calomnieuses et une deuxième, le 4 décembre 2016 sur un « crime illusoire », notre client aurait trompé son supérieur hiérarchique de la brigade en dénonçant l'existence d'armes et une préparation d'un acte terroriste. Or, une fois transmise, cette affaire n'a pas été numérotée par les autorités concernées et le juge cantonal n'était pas assez informé sur le contenu de cette affaire. Au moins 10 affaires ont été imputées à notre client. Lors de la dernière, il a été isolé pendant 48h et interdit de rencontrer ses avocats, ce qui est contraire aux normes judiciaires ». L'avocat a finalement dénoncé les gardiens de la corruption, qui est selon lui une machine tentaculaire, endémique, touchant tous les domaines aussi bien la justice, les partis, l'appareil sécuritaire et les médias dont certains de leurs représentants ont été soudoyés par Chafik Jarraya. Des tentatives pour innocenter Chafik Jarraya De son côté, Lazher Akermi a tenté de démentir certains charivaris et accusations concernant l'inculpation de son client et des rumeurs qui l'ont poursuivi. « Il est aujourd'hui clair qu'on tente d'innocenter Chafik Jarraya par tous les moyens et le jour où Youssef Chahed quittera le pouvoir, on verra tous les barons de la corruption dehors, libérés ». Il a notamment déclaré qu'Ahmed Laaouini a été harcelé par les juridictions et les médias, ce qui l'a conduit à avouer un crime qu'il n'a pas commis. « Il a admis être coupable de falsification de PV dans une affaire de saisie de véhicules de contrebande parce qu'il était sous pression, éreinté et blasé, il était à bout tellement il étouffait sous le poids des affaires en justice». Me Akermi s'est en outre interrogé sur la relation entre Chafik Jarraya et son client Laaouini, surtout que depuis l'arrestation du premier en mai 2017, Ahmed Laaouini s'est trouvé dans une tourmente sans fin. « Cette personne, mon client, qui était reconnue respectable et correcte, s'est soudainement transformée dès l'arrestation de Jarraya en un collaborateur avec les extrémistes contre les intérêts de son pays ». Il a fini son intervention en réaffirmant que son client, Ahmed Laaouini, est le bouc émissaire d'une tentative d'écartement du chef du gouvernement actuel du pouvoir dont l'objectif est d'innocenter et libérer Jarraya. Il faut dire que depuis des années, le système sécuritaire tunisien souffre de plusieurs maux et s'est retrouvé au centre de plusieurs scandales et polémiques. De grandes affaires dévoilant des accointances avec des milices libyennes et l'implication et collusion de hauts responsables et avec des puissances étrangères attisent les doutes et les interrogations sur les manigances et les manœuvres qui rongent l'un des piliers du pouvoir. A noter par ailleurs que la loi n°1888-05 régissant le secteur sécuritaire en Tunisie oblige tout membre des forces de l'ordre de dénoncer les crimes au sujet desquels ils détiennent des informations, a-t-il ajouté. Plusieurs lois en Tunisie protègent les lanceurs d'alerte dont notamment l'article 80 du Code pénal, la loi sur la lutte contre le terrorisme et la loi organique relative à la dénonciation de la corruption et à la protection des lanceurs d'alerte.