Réviser la politique monétaire et le mandat de la BCT Activer l'article 96 de la loi relative à la réconciliation administrative Lancer une amnistie de change Réformer les entreprises publiques, les caisses sociales et mettre à niveau l'administration A vrai dire, la morosité de l'économie nationale qui dure depuis bientôt huit ans est un secret de Polichinelle. Peut-être que la nouveauté est que la Tunisie a enregistré, durant cette période, les performances les plus faibles en termes de croissance, depuis son indépendance. Un cri d'alerte qui a été lancé par le président du Centre International Hédi-Nouira de prospective et d'études pour le développement (Ciped), M. Taoufik Baccar, lors d'une conférence de presse tenue hier au siège du centre. Cet événement était une occasion pour débattre des éléments de sortie de crise, synthétisés par les membres du Ciped. Etant donné que les conditions pour une croissance solide ne sont pas toujours remplies, la croissance qui a été enregistrée, à la fin du premier semestre 2018, demeure conjoncturelle, soutient-on. A cet égard, M. Taoufik Baccar a expliqué que la baisse de l'investissement déclaré couplée à une demande intérieure insuffisante sont à l'origine des freins à une véritable croissance solide. A cela s'ajoute le surendettement extérieur doublé d'une réserve en devises en continuelle baisse. Ce tableau dressé est la résultante d'un lourd héritage d'une période postrévolutionnaire caractérisée par l'absence d'une plateforme socioéconomique et ponctuée par des décisions menaçant l'équilibre macroéconomique. La suppression du ministère du Développement en 2014, une structure incontournable pour le maintien des équilibres de l'économie nationale, figure parmi ces décisions irréfléchies, qui ont contribué à cette situation actuelle, a précisé M. Baccar. La politique monétaire de la BCT a été également au centre du débat et fortement critiquée. À cet égard, M. Brahim Hajji, ancien PDG de la Banque de l'Habitat, a mis en exergue le manque énorme de liquidité inhérent à une économie souterraine développée, estimée aux alentours de 50% du PIB. Ainsi, l'inflation ne peut pas être jugulée par la simple variation du taux directeur, étant donné que plus que la moitié de la liquidité circule hors des canaux monétaires. Des mesures à entreprendre dans l'immédiat En se basant sur ce constat, l'ancien gouverneur de la Banque centrale a appelé le gouvernement à entreprendre des mesures urgentes. Un programme de redressement économique, élaboré par les membres du Ciped, a été désormais communiqué à la présidence du gouvernement. En effet, cinq mesures majeures, visant principalement à atténuer la pression sur le dinar, à juguler l'inflation ainsi qu'à rétablir les équilibres budgétaires pour stopper cette hémorragie ont été présentées : l'activation de l'article 96 de la loi relative à la réconciliation administrative, la réinstauration du système de compensation industrielle et l'étendre pour inclure les entreprises à caractère commercial, l'élaboration d'un corridor autour d'un taux directeur central, la mise en place d'une structure qui veille à la maîtrise du taux d'endettement, outre des mesures permettant d'augmenter les réserves en devises, incluant essentiellement l'amnistie de change. M. Baccar a également préconisé de revoir le mandat de la Banque centrale, afin d'assurer une meilleure synchronisation entre la politique monétaire de la BCT et les instruments dont dispose l'exécutif pour maîtriser l'inflation. Sur le moyen terme, le président de la Ciped a évoqué quatre principales réformes : les réformes des caisses sociales, la mise à niveau de l'administration tout en optant pour le système de l'« administration de carrière » qui doit supplanter l'administration actuelle basée sur le «spoil system ». Un système où les partis politiques prennent les rênes de l'administration. La mise en place d'un système de ciblage des subventions. Et finalement, la réforme des entreprises publiques qui doit être financée par un fonds de restructuration. Pour Mme Faïza Kefi, la crise est plutôt une crise de productivité. La valeur travail et la confiance dans les opérateurs économiques doivent être instaurées. Par ailleurs, elle a précisé que l'économie tunisienne puise ses richesses dans le capital humain. Ainsi, l'Etat doit être le seul garant de la qualité du système éducatif, même dans un contexte où le secteur privé est bien développé. Les éléments de sortie de crise, tels qu'ils ont été évoqués lors de la conférence, font l'unanimité de plusieurs experts économiques. Mais qu'en est-il de l'applicabilité de ces mesures ? L'exécutif ne serait-il pas à la traîne de plusieurs acteurs, notamment politiques pour mettre en œuvre dûment ces réformes ? « Il est vrai qu'après la révolution la donne a changé. La pression de la rue est un facteur décisif, mais le gouvernement doit s'ingénier pour trouver les moyens nécessaires pour la mise en œuvre des réformes», reconnaît M.Taoufik Baccar.