« Le chef du gouvernement a dû se battre pour s'affranchir du système et proposer autre chose aux Tunisiens », note Leila Chettaoui Avec un nouveau groupe parlementaire qui s'agrandit de jour en jour, et qui affirme soutenir les orientations du chef du gouvernement, Youssef Chahed est sur une voie royale pour 2019. Reste à savoir quand le jeune politique ambitieux compte-t-il dévoiler ses plans En se rasant le matin, le chef du gouvernement, Youssef Chahed pense-t-il à 2019? C'est la question que se posent à la fois ses partisans et ses détracteurs. S'il ne dit mot sur le sujet et affirme être concentré sur ses prérogatives actuelles et sur les défis économiques du pays, son attitude laisse perplexe et augure de l'émergence d'un homme politique prêt à affronter les urnes en 2019. Bien que son propre parti l'ait appelé à plusieurs reprises à clarifier sa position par rapport à ses velléités pour 2019, et que le parti Ennahdha l'ait appelé très mollement à s'engager à ne pas se présenter en 2019, Youssef Chahed reste de marbre et n'a répondu ni à l'un ni à l'autre. Il a choisi de ne pas annoncer sa décision. Une façon pour lui de gagner du temps et de mener ses combats un par un sans se précipiter. Il faut dire que le chef du gouvernement revient de loi, de très loin même. Nommé secrétaire d'Etat, puis ministre de l'Environnement et des collectivités locales, il accède contre toute attente au poste de chef d'un gouvernement dit d'union nationale, en remplacement de Habib Essid. A l'époque le personnage ne partait pas gagnant, ni par son charisme ni par son statut de docile apôtre du chef de l'Etat Béji Caïd Essebsi à qui il doit presque tout. Resté dans l'ombre du président de la République pendant un temps, Youssef Chahed a su se montrer patient et a fini par arracher le statut de leader et le respect que l'on est en droit d'attendre pour un chef de gouvernement. Méthodiquement, Youssef Chahed a marqué les esprits, on s'en souvient, par la spectaculaire arrestation du sulfureux homme d'affaires Chafik Jaraya, faisant grincer des dents jusqu'à son propre camp. Commence alors une lente et prudente ascension politique. Youssef Chahed décide dès lors de faire pleinement usage de ses prérogatives, jugeant souvent qu'il n'était pas nécessaire de revenir au palais de Carthage pour prendre des décisions. Ensuite, il n'hésite pas à porter un coup dur aux ambitions de Hafedh Caïd Essebsi, toujours sans l'aval du président de la République. Prudents, très prudents même, Youssef Chahed et sa garde rapprochée veillent à épargner le chef de l'Etat. Dans l'ensemble de leurs déclarations, ils rappellent le rôle historique de Béji Caïd Essebsi dans le rééquilibrage de la vie politique en Tunisie. Ils savent que le Chef de l'Etat continue, malgré son amoindrissement, à incarner un certain idéal chez l'électorat démocrate. Désormais, avec un nouveau groupe parlementaire qui s'agrandit de jour en jour, et qui affirme soutenir les orientations du chef du gouvernement, Youssef Chahed est sur une voie royale pour 2019. Reste à savoir quand le jeune politique ambitieux compte-t-il dévoiler ses plans ? De l'intérieur de la Coalition nationale, nouveau bloc parlementaire qui ambitionne de devenir la deuxième force politique du parlement, on parle maintenant ouvertement d'un possible leadership de Youssef Chahed lors des prochaines élections. "Youssef Chahed fait partie de la famille démocrate, il a toujours incarné les valeurs démocratiques depuis son entrée en politique», rappelle Leila Chettaoui. «Oui, je pense très sincèrement que Youssef Chahed pourrait être le chef de file pour 2019». La députée qui avait quitté Nida Tounès en raison d'une proximité trop dérangeante de son parti avec Ennahdha, estime que Youssef Chahed doit pouvoir compter sur une équipe solide. «Le chef du gouvernement a dû se battre pour s'affranchir du système et proposer autre chose aux Tunisiens», note Leila Chettaoui. Pour elle, l'ascension de Youssef Chahed est en elle-même un message adressé à la jeunesse tunisienne pour leur dire que la politique a enfin changé. Toutefois, la force actuelle du chef du gouvernement reste fragile. Son dernier coup de force, il le doit surtout au groupe parlementaire nouvellement créé, et son avenir politique, dépend en grande partie de celui de la Coalition nationale, sauf imprévu.